jeudi 12 janvier 2017

Juan Gris (1887‑1927) - Nature morte devant la fenêtre


Juan Gris (1887‑1927) 
Nature morte devant la fenêtre
Collection privée

Que voit on ? Tous les  éléments d'une nature morte traditionnelle sont réunis dans cette composition cubiste : le guéridon (une table de jeu carrée) ;  un compotier contenant quelques fruits posé sur une serviette drapée an premier plan ; au deuxième plan le couteau, énorme, disproportionné par rapport aux autres objets, traçant une perspective qui n'est pas forcément celle de l'ensemble de la composition (cubisme oblige) ; au troisième plan, sur le même niveau, trois objets : un coquetier sans oeuf à l'intérieur, un journal plié et disposé en travers dont on peut lire le titre et une carafe contenant un verre ou posée derriere le verre selon la lecture que l'on veut avoir du plan et de sa perspective déformée ; à l'arrière plan enfin, la fenêtre, son ouverture et la persienne qui la matérialise ouvrant le fond de cette nature morte vers un extérieur lumineux et lointain. Une palette très restreinte de bleus, gris, jaunes et noir, très espagnole, si espagnole, très pensée par ce peintre qui inspira tant Picasso qu'il aurait bien voulut lui dérober son oeuvre... mais tout Picasso qu'il fut, il ne l'a jamais pu et Juan Gris trouve aujourd'hui  - à ses côtés - dans les grands musées d'Art moderne de la planète une place qui permet de se livrer à d'amusantes comparaisons...

Rappel Biographique : Le peintre espagnol Juan Gris vécut et travailla en France à partir de 1906, où il fut proche du mouvement cubiste mais occupa une place très à part dans la peinture de son temps, sans doute toujours dans l'ombre de Picasso qui l'aurait volontiers  " éliminé de la carte "  selon les dires de Gertrude Stein. Salvador Dali disait de lui : « Juan Gris est le plus grand des peintres cubistes, plus important que Picasso  parce que plus vrai.  Picasso était constamment tourmenté par le désir de comprendre la manière de Gris dont les tableaux étaient techniquement toujours aboutis, d'une homogénéité parfaite, alors qu'il ne parvenait jamais à remplir ses surfaces de façon satisfaisante, couvrant avec difficulté la toile d'une matière aigre. Il interrogeait sans cesse : « Qu'est-ce que tu mets là ? — De la térébenthine. » Il essayait le mélange, échouait, abandonnait aussitôt, passant à autre chose, divin impatient. »
Aujourd'hui Juan Gris apparait comme un génie injustement resté dans l'ombre. Il a peint quasiment autant de natures mortes que de paysages ou de portraits.

Jusqu’en 1920, sa peinture est encore marquée par l’Espagne, celle des natures mortes de l’école de Séville des 16e-17e siècles – d’un Sanchez Cotan, d’un Valdes Léal ou d’un Zurbaran, par exemple – Gris aime profondément ces peintures des « blancs chartreux qui, dans l’ombre, glissent silencieux sur les dalles des morts ». Des blancs contrastant avec les noirs, il va donc tirer le parti le plus fort. Les œuvres des années de guerre 1916-1917 se distinguent par une sobriété, une austérité toutes particulières des couleurs sombres autant que des motifs : « C’est bien là cette ardeur castillane qui s’habille de noir, s’interdit tout éclat, et qui paraît de la froideur à un observateur superficiel », écrit Kahnweiler. Et Maurice Raynal de renchérir : « Toute l’Espagne est dans son œuvre : l’Espagne des tons livides, sulfureux et sombres du Greco, de Zurbaran, de Ribera, de Herrera. Rien ne servait davantage la notion du tableau-objet en soi que les choses les plus simples, les plus humbles et les plus maniables, auxquelles ils feront subir toutes les déformations possibles pour réaliser la plénitude de cet « objet ». 

2017 - A Still Life Collection 
Un blog de Francis Rousseau, #AStillLifeCollection, #NaturesMortes 

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