mercredi 29 mai 2019

Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) - La Table de Cuisine




Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
La Table de Cuisine, 1755
Huile sur toile (39.7 x 47.6 cm) 
Museum of Fine Arts Boston (Gallery 248)


Que voit-on ? Sans doute l'une des plus merveilleuses nature morte de Chardin qui en a pourtant peint énormément ! Celle-ci qui représente de modestes ustensiles de cuisine a été exposée au Salon de 1757. en même temps qu'une autre, La Table d'Office dite aussi Les Débris d'un  Déjeuner, présentant des ustensiles beaucoup plus élégants. Un examen attentif de cette composition révèle que Chardin a modifié la position de nombreux objets alors qu'il les peignait, preuve de son travail minutieux et de sa détermination à créer un équilibre harmonieux dans ce qui semble être, à première vue, le fruit du hasard et du désordre d'une cuisine comme une autre. Il n'en est rien ! Le repentir (repeint) du mortier et du pilon à droite sont les plus évidents à l'œil nu.
Cette toile quitta son pendant (actuellement conservé au Musée des Beaux Arts de Carcassonne) en 1880 pour entrer dans les magnifiques collections du Museum of Fine Arts de  Boston.

Rappel biographique : Jean-Baptiste-Siméon Chardin est considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du 18e siècle. Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, il est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maître incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes. A partir du Salon de 1748, Chardin expose de moins en moins de scène de genre, il multiplie désormais les natures mortes. Ce retour à ce type de peinture va durer une vingtaine d'années. Il est difficile de donner des raisons à ce changement de cap. On sait que pendant cette période la vie de Chardin est en pleine mutation. Il se remarie, il reçoit une pension du roi. Il est désormais à l'abri du besoin. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui au Musée du Louvre. Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va lui donner ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres.
Les natures mortes qu'il peindra à partir de 1760 sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres... Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. On peut souvent parler d'impressionnisme avant la lettre.
Chardin cherchait à reproduire la matière, ces fruits semblent aussi vrais que nature, Diderot s'extasiait devant ce réalisme dans son compte-rendu du Salon de 1759 : " Vous prendriez les bouteilles par le goulot si vous aviez soif " ou encore en 1763, " C'est la nature même; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux. (...)
 Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j'ai besoin de me faire les yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n'ai qu'à regarder ce que la nature m'a donné et m'en bien servir ".
" O Chardin ! ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette: c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile ".

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2019 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau

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