James Ensor (1860-1949)
The Red Cabbage (1925)
Coll. part.Que voit-on ? De gauche à droite, posé une entablement de marbre sombre ou de pierre polie recouvert da,s son dernier quart d'une nappe blanche à liserais rouge, 13 éléments pour composer une nature morte dont le titre ne se réfère qu'au un seul de ses éléments le chou rouge, en l'occurrence éléments central et imposant de la composition. A l'extrême gauche presque étouffé dans l'ensemble, un minuscule vase soliflore avec son contenant caché pr trois généreuses tomates et deux branches de céleri avec leur verdure. Débordant de l'entablement dans en perpective faussée par celle, contraire, donnée par la nappe, les céleris se serrent contre le chou rouge frisé toutes feuilles ouvertes, telle une fleurs monstrueuse et explosive, encadré par trois tomates et trois carottes nuançant toutes les teintes de rouge. A l'extreme gauche, la composition est fermée par une verre à pieds de couleur verte et de facture hollandaise, copie moderniste de ceux que l'on pouvait trouver dans les tableaux des maitres hollandais du siècle d'or et notamment de Claezs. Un citron fermé vient mettre un point final à la composition soulignant de sa seule présence l'amertume de la vie. La nature morte est présentée sur un fond vert couleur complémentaire du rouge, assez tourmenté et anxiogène, très proche de la patte de van Gogh.
Rappel biographique : le peintre belge James Ensor se revendiquait du mouvement anarchiste et a laissé une œuvre expressionniste très importante. Il est un des membres fondateurs du groupe bruxellois d'avant garde Les Vingt. En 1898, il est l'un des instigateurs du bal du Rat mort qui a lieu à la fin du carnaval d'Ostende. Ensor doit attendre le début du 20e siècle pour assister à la reconnaissance de son œuvre : expositions internationales, visite royale, anoblissement avec titre de baron, Légion d'honneur ... on le surnomme alors le prince des peintres. Et c'est précisément ce moment qu'il choisit pour abandonner la peinture et consacrer les dernières années de sa vie exclusivement à la musique !
Dans beaucoup de ses tableaux Ensor est fasciné par la lumière d'Ostende, sa ville natale, qui lui inspire des pâleurs secrètes : « La lumière déforme le contour. Je vis là-dedans un monde énorme que je pouvais explorer, une nouvelle manière de voir que je pouvais représenter. »
Dans la Mangeuse d'huîtres (1882), une nappe immaculée éblouit l'avant-plan et tombe quasi en dehors des limites du cadre. Malgré les tableaux prestigieux que celui-là rappelle (toute la tradition des natures mortes flamande du 17e siècle), mais aussi Vuillard, on le refuse au Salon d' Anvers. L'année suivante, toutes ses toiles sont rejetées du salon de Bruxelles et il est mis à l'écart du Cercle des 20. Ulcéré, il bascule dans la déraison, couvre et balafre ses toiles de couleurs rougeoyantes symbolisant son exaspération.
C'est entre 1887 et 1893 qu'il peint ses plus beaux tableaux : la gamme chromatique prend feu au milieu des nacres translucides des ciels et des marines. Contemporaine de Van Gogh et d'Edvard Munch, son œuvre contient beaucoup des futures révolutions du fauvisme au mouvement Cobra.
Il va s'appliquer à mettre en évidence les aspects grotesques des choses, et s'orienter vers une vision radicale, sarcastique et insolente du monde. Comme chez Pieter Brueghel l'Ancien ou Jérôme Bosch, l'inanimé respire et crie. Ses obsessions et ses peurs jouent un rôle manifeste dans les traits menaçants qu'il attribue aux objets utilitaires, aux revenants et aux masques. Ces derniers, à partir des années 1880 dominent son inspiration et renvoient au carnaval, ce « monde à l'envers », anarchique où les rapports sociaux sont démontrés par l'absurde.
Artiste pluraliste, il l'est également dans son style et ses techniques: toile, bois, papier, carton, couteau à palette, pinceau fin ou spatule… : « Chaque œuvre devrait présenter un procédé nouveau », écrit-il.
Dans un but purement alimentaire, il édite des eaux-fortes, les fameux « biftecks d'Ensor », œuvres purement commerciales mais qui ont fait alors la fierté des marchands de souvenirs. Il réalise aussi des caricatures à la manière de Bruegel et de Bosch.
Par sa prédilection pour les personnages masqués, les squelettes, qui, dans ses tableaux, grouillent dans une atmosphère de carnaval, Ensor est le père d'un monde imaginaire et fantastique qui annonce le surréalisme.