Willem Van Aelst (1627-1683) (attribution depuis 2012)
Willem Kalf (1619-1693) (première attribution)
Grande nature morte aux Armures
Musée de Tessé, Le Mans
Une histoire extraordinaire : L'histoire de cette magnifique et imposante
Grande nature morte aux Armures est assez extraordinaire.
Pièce maîtresse des collections des musées du Mans, ce chef d'œuvre de deux mètres de haut n'est pas signé. On a longtemps pensé qu'il avait été peint par l'artiste néerlandais : Willem Kalf (1619-1693) auquel il était attribué.
Quelques historiens de l'art avaient déjà émis des doutes sur l'attribution de cette nature morte à Kalf, mais l'américaine Melanie Gifford a voulu voir de plus près le tableau. Elle s'est donc rendue
au musée du Mans en 2011. En examinant le tableau, sa conviction fut faite : il s'agissait d'une oeuvre majeure du néerlandais Willem Van Aelst (1625-1683) et non pas d'une œuvre de Willem Kalf. Restait à étayer la conviction et à le prouver !
On savait que le tableau avait été commandé au milieu du XVIIe siècle et exécuté par un artiste hollandais à Paris. Or, à cette époque, Kalf et Van Aelst se trouvaient bien tous les deux à Paris. Ils avaient donc tous les deux pu réaliser cette toile. En observant de très près les franges de l'étoffe du tableau du Mans et en les comparant à celles d'autres oeuvres de Van Aelst ,comme une nature morte à l'escargot conservée à Delft, Melanie Gifford s'est aperçue qu'elles étaient similaires et surtout assez différentes de la manière habituelle de Kalf.
A cela s'ajoute, un détail capital. Il se trouve sur la médaille qui pend de l'épée disposée sur la table au milieu du tableau. Cette médaille représente le jeune roi Louis XIV. En s'armant d'un bonne loupe on peut lire : « XIIII D.G. FR. ET. NAV. REX. » Il s'agit d'une formule courante signifiant : « (Louis) XIV, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu ». Mais ici, la formule courante est suivie de deux initiales en position de signature, V (ou W ?) et A, qui n'apparaissent pas sur les autres médailles de l'époque faite par le médailleur Jean Warin (ou Varin) qui ne signait pas ainsi ! Par contre, dans un autre de ses tableaux, Van Aelst avait déjà signé son oeuvre en utilisant ces mêmes initiales apposées sur une médaille absolument identique, exactement de la même façon.
Enfin pour étudier en profondeur le tableau du Musée de Tessé, les scientifiques américains ont utilisé un capteur capable d'analyser la composition de la peinture et des pigments sans toucher la toile ou faire de prélèvements... Certaines couleurs et notamment le bleu du tableau du Mans ont révélé la même composition que celles employées habituellement par Willem van Aelst.
Ce tableau permet par ailleurs de résoudre une énigme historique. En effet certains historiens de l'art se demandaient pourquoi le jeune Van Aelst avait à ce point attiré l'attention des Médicis qui tenait absolument à venir le faire travailler à Florence. Il peignait bien, mais il n'avait produit aucun chef d'oeuvre qui puisse justifier l'enthousiasme de cette famille de mécènes particulièrement exigeants. Cette Nature morte aux armures, d'un raffinement extrême, peut expliquer largement à elle seule cet engouement des Médicis pour le jeune Van Aelst.
Changer l'attribution d'un tableau peut s'avérer parfois assez dur à vivre pour un Musée, particulièrement quand le nouveau peintre n'est pas aussi prestigieux que le précédent. Là, ce n'est pass du tout le cas ! Willem van Aelst est aussi prestigieux que Willem Kalf et le Musée de Tessé ne perd pas au change !
Rappel biographique : le peintre néerlandais Willem van Aelst, né à Delft, est essentiellement un peintre de natures mortes, de fleurs et de chasse qui appartient à ce que l'on appelle le " Siècle d'or ". Il est célèbre pour avoir introduit l’asymétrie dans la nature morte mais aussi pour la savante harmonie des coloris déployée dans toutes ses compositions. Au cours de sa vie, Willem van Aelst a vécu et travaillé en France, à Rome et à Florence où , en compagnie dedeux autres Néerlandais, Matthias Withoos et Otto Marseus Van Schrieck, il est actif à la cour de Ferdinand II de Medicis. Le grand-duc de Toscane lui remettra une médaille d’or comme récompense de ses services. Ont été conservées de cette époque plusieurs natures mortes de fleurs et de chasse, visibles au Palazzo Pitti à Florence. En 1856 il rentre au Pays Bas et se fixe à Amsterdam. Ses œuvres sont notamment conservées à la Mauritshuis de La Haye, à la National Gallery of Art de Washington et au Rijksmuseum d’Amsterdam. Ses tableaux sont parfois signés
Guill.mo (
Gullielmo, forme italienne de son prénom).
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Un blog de Francis Rousseau