mardi 29 novembre 2016

Edouard Manet (1832-1883) - Nature morte à l'atelier d'artiste



Edouard Manet (1832-1883)
Nature morte à l'atelier d'artiste
Collection privée

Que voit-on ?  Sur une étagère, dans un recoin un peu sombre de l'atelier : une nature morte composée avec les ustensiles du peintre en hommage à celle de Chardin, bien qu'avec des ustensiles assez différents. Ici il s'agit d'un pot en zinc contenant sans doute un enduit d'encollage de toiles ; d'une coupe en porcelaine d'où s'échappe comme du cratère d'un volcan, un vernis sombre ; de bouteilles d'huiles et de solvants divers cachetées et poussiéreuses (inimitable manière de Manet de peindre la poussière sur le verre !) ; d'un grand vase en verre transparent dans lequel reposent, têtes en l'air,  divers pinceau et enfin de tubes de peinture, fermés et ouverts, neufs ou pressés à l'extrême, voir même éventré et raclé de l'intérieur pour l'un d'entre eux.  Cette nature impressionniste, s'il en est, rend cependant un hommage appuyé et ironique au travail de l'atelier dont on sait l'importance qu'il avait chez Manet. Le petit paysage en attente d'achèvement qui apparait dans le fond de la composition à gauche, l'atteste... si besoin était.

Rappel biographique :  le peintre français Édouard Manet est un peintre majeur de la fin du 19e siècle, initiateur de la peinture moderne qu'il libère de l'académisme,  C'est une erreur de considérer Édouard Manet comme l'un des pères de l'impressionnisme : il s'en distingue en effet par une facture soucieuse du réel. Manet n'utilise pas (ou peu) les nouvelles techniques de la couleur et le traitement particulier de la lumière, utilisées par les impressionnistes. Il s'en rapproche cependant par certains thèmes récurrents comme les portraits, les paysages marins, la vie parisienne ou encore les natures mortes, tout en peignant de façon personnelle, dans une première période, des scènes de genre (sujets espagnols et  odalisques entre autres). 
On a beaucoup dit que lorsque Manet avait  peint des natures mortes, c'était  surtout pour des raisons financières qu'il l'avait fait. Il avouait lui-même avoir plus de facilités à les négocier que ses portraits. Cela ne signifie pas qu'elles aient été d'un intérêt mineur pour lui , bien au contraire : la scénographie qu'il impose à ses natures mortes est tout simplement prodigieuse, qu'il s'agisse de solo comme Le citron ou L'asperge ou de mise en scène collectives comme dans Fruits sur la table ou Panier de fruits
Manet aimait authentiquement les natures mortes : « Un peintre peut tout dire avec des fruits ou des fleurs, ou des nuages seulement », affirmait-il. Une part non négligeable de son œuvre est consacrée à ce genre, avant 1870 surtout puis dans les dernières années de sa vie où la maladie l'immobilise dans son atelier. Certains éléments de ses tableaux constituent de véritables natures mortes comme le panier de fruits dans le Déjeuner sur l'herbe, le bouquet de fleurs dans Olympia ou le pot de fleurs, la table dressée et différents objets dans le Petit déjeuner dans l'atelier. Il en va de même dans les portraits avec le plateau portant verre et carafe dans le Portrait de Théodore Duret ou la table et les livres dans le Portrait d’Émile Zola. Mais les natures mortes autonomes, qui se revendiquent comme telles,  ne manquent pas dans l’œuvre de Manet ! L'artiste a ainsi plusieurs fois peint poissons, huîtres ou autres mets Nature morte au cabas et à l’ail, 1861-1862, (Louvre-Abou Dhabi) ou La Brioche, 1870  (Metropolitan Museum of Art, New York), rendant ainsi un hommage appuyé au maitre du genre : Chardin. Il a peint plus souvent encore des sujets floraux qui évoquent la peinture hollandaise (roses, pivoines, lilas, violettes) ou encore des fruits et des légumes (poires, melons, pêches, citrons, asperges) .
Considérant l'importance de la nature morte chez Manet, beaucoup – et cela dès les années 1890 – y ont vu la marque la plus évidente de la révolution qu'il accomplissait, l'avènement d'une peinture uniquement préoccupée d'elle-même et débarrassée de la tyrannie du sujet. En refusant toute hiérarchie à l'intérieur même du tableau, en donnant autant d'importance à l'accessoire qu'à la figure, Manet assurément rompait avec les règles académiques. (...) Comme Cézanne et comme Monet qu'il influencera, Manet trouvait dans la nature morte, obéissante et disponible, un laboratoire d'expériences colorées dont il répercutait aussitôt les trouvailles dans d'autres compositions ; comme Cézanne et comme Monet, il dit cette curieuse obsession de l'éclatante blancheur et voulut peindre lui aussi ces tables servies avec leurs nappes blanches "comme une couche de neige fraîchement tombée" (Nature morte avec melon et pêches, Washington, National Gallery of Art). Manet, peintre de natures mortes, a médité les grands exemples anciens, celui des Espagnols et de leurs bodegones, celui des Hollandais et bien sûr  celui de Chardin. Dans les années 1860, il joue des franches oppositions du noir et du blanc, bois sombre de la table, éclat d'une nappe ou serviette sur lesquelles il dispose ses notes colorées.
A sa mort, Édouard Manet laisse plus de 400 toiles, des pastels, esquisses et aquarelles. Ses plus grandes œuvres sont aujourd'hui visibles dans tous les musées du monde. 

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2016 - A Still Life Collection 
Un blog de Francis Rousseau 

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