mardi 28 février 2017

Jan van Kessel (1627-1679)





Jan van Kessel (1627-1679)
Festons et masques 
(Couleurs sur cuivre) 

Que voit on ? Une nature morte inhabituelle chez ce peintre dont l'oeuvre peu connue est assez extraordinaire. Il s'agit à la fois d'une représentation de coquillages comme celles que son contemporain Jacques Linard réalisait ou qu 'Adrian Coorte  réalisa plus tard et de compositions anthropomorphiques comme celles du célèbre Giuseppe Arcimboldo. Les coquillages sont ici transformés en éléments de décors dans lesquels, comme l'indique le titre, sont contenus des masques. Un exemple unique d'un facture parfaite et d'une extrême précision.  

Rappel biographique : Jan van Kessel est un peintre flamand, né et mort à Anvers. Descendant par les femmes de la dynastie des Bruegel, Jan van Kessel est fils du peintre Hieronymus van Kessel, petit-fils de Jan Brueghel l'Ancien, neveu à la fois de Jan Brueghel le Jeune et de David Teniers le Jeune. Il commence son apprentissage chez Simon de Vos en 1634. Il effectue toute sa carrière à Anvers. Il est influencé par Daniel Seghers (1590-1661). Vers 1645 il entre à la Guilde de Saint-Luc. Il se fait une réputation dans les tableaux d'oiseaux, dont plusieurs sont gravés par Dossier et Filloeul. Il aura treize enfants dont deux seront peintres, notamment Jan van Kessel le Jeune (1654-1708).
Jan van Kessel, au-delà de la nature morte flamande traditionnelle qu'il pratique d'ailleurs dans des compositions de fleurs ou des buffets d'apparat, oriente sa peinture entre étude scientifique, zoologique et botanique, et œuvre d'art. Abandonnant la dimension symbolique religieuse prêtée aux êtres naturels, il les décrit avec un très grand réalisme, reproduisant même les ombres des insectes ou des coquillages sur leurs fonds blancs, à l'aide d'une technique d'une extrême précision, imposée par les dimensions généralement réduites de ses œuvres, la plupart du temps  réalisées sur un support de cuivre.

lundi 27 février 2017

James Ensor (1860-1949)



James Ensor (1860-1949)
 Poires, raisins, noix (1889)
Collection privée

Que voit on ? Sur un entablement en pierre qui se détache sur un ciel couvert de nuages : exactement ce que décrit le titre à quoi s'ajoute un melon. Une splendide lumière, une palette de couleurs optimistes et une composition simple chez ce peintre plutôt adepte de couleurs éteintes et des compositions plus complexes.

Rappel  biographique : Le peintre belge James Ensor se revendiquait du mouvement anarchiste et a laissé une œuvre expressionniste très importante. Il est un des membres fondateurs du groupe bruxellois d'avant garde Les Vingt. En 1898, il est l'un des instigateurs du bal du Rat mort qui a lieu à la fin du carnaval d'Ostende. Ensor doit attendre le début du 20e siècle pour assister à la reconnaissance de son œuvre : expositions internationales, visite royale, anoblissement avec titre de baron, Légion d'honneur ... on le  surnomme alors le prince des peintres. Et c'est précisément ce moment qu'il choisit pour abandonner la peinture et consacrer les dernières années de sa vie exclusivement à la musique !
Dans beaucoup de ses tableaux Ensor est fasciné par la lumière d'Ostende, sa ville natale, qui lui inspire des pâleurs secrètes : « La lumière déforme le contour. Je vis là-dedans un monde énorme que je pouvais explorer, une nouvelle manière de voir que je pouvais représenter. » 
Dans la Mangeuse d'huîtres (1882), une nappe immaculée éblouit l'avant-plan et tombe quasi en dehors des limites du cadre. Malgré les tableaux prestigieux que celui-là rappelle (toute la tradition des natures mortes  flamande du 17e siècle), mais aussi Edouard Vuillard, on le refuse au Salon d' Anvers. L'année suivante, toutes ses toiles sont rejetées du Salon de Bruxelles et il est mis à l'écart du Cercle des 20. Ulcéré, il  bascule dans la déraison, couvre et balafre ses toiles de couleurs rougeoyantes symbolisant son exaspération.
C'est entre 1887 et 1893 qu'il peint ses plus beaux tableaux : la gamme chromatique prend feu au milieu des nacres translucides des ciels et des marines. Contemporaine de Vincent Van Gogh et d'Edvard Munch, son œuvre contient beaucoup des futures révolutions du Fauvisme au Mouvement Cobra.
Il va s'appliquer à mettre en évidence les aspects grotesques des choses, et s'orienter vers une vision radicale, sarcastique et insolente du monde. Comme chez Pieter Brueghel l'Ancien ou Jérôme Bosch, l'inanimé respire et crie. Ses obsessions et ses peurs jouent un rôle manifeste dans les traits menaçants qu'il attribue aux objets utilitaires, aux revenants et aux masques. Ces derniers, à partir des années 1880  dominent son inspiration et renvoient au carnaval, ce « monde à l'envers », anarchique où les rapports sociaux sont démontrés par l'absurde.
Artiste pluraliste, il l'est également dans son style et ses techniques: toile, bois, papier, carton, couteau à palette, pinceau fin ou spatule… : « Chaque œuvre devrait présenter un procédé nouveau », écrit-il. 
Dans un but purement alimentaire, il édite des eaux-fortes, les fameux « biftecks d'Ensor », œuvres purement commerciales mais qui ont fait alors la fierté des marchands de souvenirs. Il réalise aussi des caricatures à la manière de Bruegel et de Bosch. 
Par sa prédilection pour les personnages masqués, les squelettes, qui, dans ses tableaux, grouillent dans une atmosphère de carnaval, Ensor est le père d'un monde imaginaire et fantastique qui annonce le surréalisme.

dimanche 26 février 2017

Henri-Horace Roland de la Porte (1724-1793) - Apprêts d'un déjeuner rustique

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Henri-Horace Roland de La Porte (1724-1793) 
Apprêts d'un déjeuner rustique
Musée du Louvre, Paris

Que voit on ?  Sur un entablement de pierre au fond duquel reposent quelques livres et un carnet : un drapé blanc à l'empesage soigné, sur lequel trône  - bien au centre de la composition - une cruche d'eau fraîche en terre cuite. Devant la cruche, un verre d'eau presque plein qui permet une beau jeu sur les reflets ; à droite, du verre une miche de pain qui dépasse de l'entablement et sur laquelle on a déjà ponctionné une grande partie du croûton. A gauche, quelques marrons et ce qui semble être,  au pied de la cruche, un petit fromage rond achèvent la composition de ce déjeuner rustique dont les éléments centraux sont bien,  l'eau, le pain... et les livres. 

Rappel biographique : Le peintre français Henri-Horace Roland de la Porte fut un élève de Jean-Baptiste OudrySpécialisé dans les natures mortes  animalières, natures mortes avec fruits mais aussi  trompe l'oeil, De La Porte est reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture avec Vase de lapis, sphère et instruments de musique comme morceau de réception. Peignant de nombreuses natures mortes aux instruments de musique, il expose très fréquemment au Salon de 1761 à 1789. La proximité de son style avec celui de Chardin a été souvent une source d’erreurs d’attribution comme précisément pour cette nature morte a la vielle encore quelquefois attribué aujourd'hui à Chardin.  Les deux peintres sont pourtant assez différents et leur touche n'a rien de commun. 
En 1765, Diderot écrit, excédé par ce rapprochement permanent entre De La Porte et Chardin  : 
« Dites à ceux qui passent devant Roland de La Porte sans s’arrêter, qu’ils n’ont pas le droit de regarder Chardin. Ce n’est pourtant ni la touche, ni la vigueur, ni la vérité, ni l’harmonie de Chardin ; c’est tout contre, c’est-à-dire à mille lieues et à mille ans. C’est cette petite distance imperceptible, qu’on sent et qu’on ne franchit point. Travaillez, étudiez, soignez, effacez, recommencez, peines perdues. La nature a dit : Tu iras là, jusque là, et pas plus loin que là. Il est plus aisé de passer du pont Notre Dame à Roland de La Porte, que de Roland de La Porte à Chardin. » 

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samedi 25 février 2017

Gevork Kotiantz (1909-1996) - Plums-Still-life


Gevork Vartanovich Kotiantz  (1909-1996)
Plums-Still-life, 1974
Private Collection 

Que voit on ? Sur un entablement recouvert d'un drapé blanc sur les trois-quart de sa surface, une assiette rouge contenant deux douzaines de prunes d'un beau bleu profond. Bien que connu pour utiliser très peu de couleurs et toujours des couleurs très vives, Kotiantz assortit souvent ses choix de bases, de couleurs complémentaires. Ici,  pour apporter une variété dans le choc de cette composition en  bleu, blanc et  rouge, le peintre, barre le haut de la toile d'un épais trait jaune figurant le dossier d'une chaise posée contre l'entablement.

Rappel biographique : le peintre russo-arménien soviétique Gevork Vartanovich Kotiantz est des membres les plus représentatifs de L'Ecole de Leningrad (Saint Petersbourg). Il est connu pour ses remarquables talents de coloriste et ses compositions très inspirées par ses rencontres avec les Impressionnistes.

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vendredi 24 février 2017

Georges Braque (1882-1963) - Nature morte à la nappe jaune

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Georges Braque (1882-1963) 
Nature morte à la nappe jaune, 1935
Collection privée

Que voit on ? Sur un entablement de bois clair de type console rectangulaire à pieds carrés, posés contre un mur lambrissé de panneaux de bois peints : une nappe jaune à bordure de motifs abstraits sur fond blanc, traitée de façon cubiste, en losanges ; plusieurs fruits dont des pommes et des raisins disposés à même la nappe ou dans des contenants divers (celui de gauche tenant lieu à la fois de corbeille à fruits et de saut à champagne) ; une bouteille fermée par un drôle de bouchon et traitée en noir et blanc ; une forme difficilement identifiable qui pourrait figurer une vase ou une guitare, si tant est qu'elle veuille figurer quelque chose... Une nature morte pleine d'humour et de gaieté qui fait mesurer au spectateur - 80 ans  après sa création - à quel point Georges Braque bouleversa l 'art de la nature morte.

Rappel biographique : le peintre français Georges Braque qui fut aussi sculpteur et graveur est le maître incontestable de la nature morte au 20e siècle, genre qu'il a profondément transformé et renouvelé tout au long de sa vie, s'inscrivant  (consciemment  ou inconsciemment) dans une démarche similaire à celle de Chardin au 18e siècle. Engagé dans le sillage du fauvisme, influencé par Matisse, Derain et Othon Friesz, il peint, à l'été 1906 les paysages de l'Estaque avec des maisons en forme de cubes (Maisons à L'Estaque) que Matisse qualifie de cubistes.  A partir de 1909,  il entre dans ce que les spécialistes appellent la période du  " cubisme analytique ".  Les paysages qui prédominaient  jusqu'alors dans son œuvre vont céder la place aux natures mortes. 
Ce sont principalement des natures mortes d'objets et/ou d'instruments de musiques (violons, guitare, pipe, journaux et magazines, objets divers de décorations intérieurs comme les nappes, les guéridons...) qu'il peint délaissant volontiers les thématiques habituelles du genre (fruits, légumes, pâtisseries, porcelaines). Dès avant la Première Guerre Mondiale, sa peinture s'enrichit de combinaisons imprévues, avec une multiplication des facettes. Les formes sont géométrisées et simplifiées. Comme le remarque Bernard Zurcher, dans son ouvrage Braque vie et œuvre :   « Si l'on considère que la bataille du cubisme s'est jouée  sur le thème de la nature morte, Braque y était le mieux préparé ou plutôt il a été à même, en consolidant chacune des étapes de son évolution, d'aller plus sûrement à ce « signe qui suffit » tel que l'a nommé Matisse »
Entre 1919 et 1939, son style et ses recherches vont évoluer. De son passé cubiste, il conserve la simultanéité des points de vue et il opère une partition des objets et des plans qui les éloignent de tout réalisme. Guitare et nature morte sur la cheminée  1925, et Fruits sur une nappe et compotier, sont caractéristiques de cette évolution. Les objets semblent des accessoires de la composition," l'effort porte sur la couleur". Braque pousse l'usage du contraste encore beaucoup plus loin dans Nature morte à la clarinette,  avec des formes qualifiées de « naturalistes » Avec Le Guéridon, 1928 et Le Grand guéridon, qu'il continue à travailler jusqu'en 1936-1939, Braque opère un long mûrissement des formes. Il retravaille même en 1945 le Guéridon rouge, commencé en 1939 en réduisant le motif ornemental. Le thème du guéridon revient souvent dans l'œuvre de 1911 à 1952 qui reçoit en 1937 le premier prix de la Fondation Carnegie  de Pittsburgh
Cloîtré dans son atelier pendant toute la durée de la Seconde guerre Mondiale, il refuse toute compromission avec les nazis et le régime de Vichy, malgré les nombreuses propositions qui lui sont faites. Braque se consacre au thème des Intérieurs avec un retour en force du noir qui donne une impression de dépouillement et de sévérité. Pendant cette période, Braque poursuit son sujet favori  le nature morte et particulier les natures mortes aux instruments de musique qui n'ont cessé d'apparaître dans ses tableaux depuis 1908 .  « L'instrument de musique, en tant qu'objet, a cette particularité qu'on peut l'animer en le touchant, voilà pourquoi j'ai toujours été attiré par les instruments de musique » .1942 est une année particulièrement féconde pour le peintre qui commence plusieurs toiles sur le thème de la musique, qu'il terminera plus tard comme L'Homme à la guitare (1942), 1942-1961. 
A cette époque là il réalise une nature morte à sujet animalier Deux poissons dans un plat avec une cruche, (1949-1941) qui inaugure une série de poissons sur fond noir Les Poissons noirs, 1942, et  plusieurs Vanités.  
A la Libération, après la guerre, Aimé Maeght devient son nouveau marchand parisien, et publie la première édition des Cahiers G. Braque. En 1948, lorsqu'il  présente la série des Billards à la Biennale de Venise il reçoit le Grand Prix pour l'ensemble de son œuvre. Suit une série d'expositions en particulier au MoMa de New York, qui parachève la reconnaissance internationale de son œuvre immense et essentielle.

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jeudi 23 février 2017

Georg Flegel (1566-1638)



Georg Flegel (1566-1638) 
Imbiss mit Spiegeleiern 
Bayerischen Staatsgemдldesammlungen, Deutschland

Que voit on ?  Un petit déjeuner ou une collation assez simple et extrêmement appétissante qui présente deux oeufs au plat dans une assiette en porcelaine, une miche de pain non entamée et un verre de schnaps. Les aliments sont d'ailleurs les seuls éléments simples de cette nature morte, la vaisselle étant, quant à elle, absolument somptueuse : ainsi le verre Römer splendide dans lequel se reflète à trois reprises une fenêtre située du côté opposé de la pièce ; le vase en cristal finement ciselé  et transparent qui contient un oeillet (symbole d'un malheur à venir) et dans les reflets duquel on peut voir les deux énormes yeux d'un chat noir qui n'apparait pas non plus dans la composition ;  le couteau au somptueux manche d'ambre et d'ivoire incrusté d'éclats de pierres précieuses. On remarque enfin une coccinelle au pied du verre Römer qui fuit la scène alimentaire et poursuit sa route vers  le bord de l'entablement.... Mangeons ses oeufs tant qu'il en est encore temps !

Rappel biographique : Le peintre allemand Georg Flegel, est un des peintres majeurs de natures mortes des 16e et 17e siècle. Né en Moravie, il déménage à Vienne en 1580 et devient l'assistant de Lucas van Valckenborch peintre et dessinateur.  En tant qu'assistant, son travail consiste à insérer dans les tableaux de son maître, des éléments " décoratifs " tels que des fruits, des fleurs et des ustensiles de table. Flegel et son employeur  déménagent ensuite à Francfort, qui à cette époque là était un centre d'art très important. Puis on retrouve Flegel à Utrecht où il fait partie de la très influente Guilde de Saint-Luc qui compte parmi ses membres des grands maîtres de la nature morte tel que Roelandt Savery et Balthasar van der Ast. Georg Flegel a peint exclusivement des natures mortes, dont certaines très fournies, incluent des animaux, familiers et /ou exotiques, de riches mets, du gibier ou du poisson, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle en métal précieux et en porcelaine, des fruits et des fleurs et des friandises. D'autres natures mortes qu'il a peintes détaillent avec la même richesse et le même soin quelques fruits, des coins de table ou des petits déjeuners, des goûters ou des collations modestes avec des bretzels aux formes étranges trempés dans du schnaps. Il fit école et eut parmi ses élèves ses deux fils, Friedrich et Jacob  Leonhard, ainsi que le peintre floral Jacob Marrel.






mercredi 22 février 2017

Bernard Buffet (1928-1999) - Couverts et compotier

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Bernard Buffet (1928-1999)
Couverts et compotier, 1949
MAM, Paris

 Que voit on ? Sur un fond géométrique composé d'un T gris, d'un alignement de carreaux de faience blanche et d'un linge blanc : deux couverts, une feuille et un compotier vus sous deux angles simultanés et normalement incompatibles sur le même plan : en plongée pour les couverts ; de profil pour le compotier. Une double illusion d'optique qui n'apparait pas au premier coup d'oeil... comme si de rien n'était !

Rappel biographique : Bernard Buffet est un peintre français expressionniste, qui a peint aussi bien des personnages que des figures, animaux, nus, paysages, intérieurs, natures mortes, fleurs. Aquarelliste, c'est également un peintre de décors de théâtre et un illustrateur. Il remporte le concours d’entrée de l'École nationale supérieure des beaux-arts en décembre 1943 à quinze ans, passant deux ans dans l'atelier du peintre Eugène Narbonne où il est déjà considéré comme très doué. Il s'y lie notamment d'amitié avec les peintres Maurice Boitel et Louis Vuillermoz.
En 1947, il expose L'Homme accoudé au Salon des indépendants et en décembre a lieu sa première exposition particulière présentée par Pierre Descargues, à la Librairie des impressions d'art.  On y reconnait déjà un graphisme très caractéristique qui sera tout au long de sa vie, la marque du peintre. L'État, par l'intermédiaire de Raymond Cogniat, lui fait son premier achat pour le Musée national d'art moderne de Paris avec la peinture Nature morte au poulet. En 1955, il obtient la première place au référendum organisé par la revue Connaissance des arts désignant les dix meilleurs peintres de l'après-guerre. Il peint les maquettes des décors et des costumes pour La Chambre argument de Georges Simenon qui devient son ami. Élu à l’Académie des beaux-arts au fauteuil de Paul Jouve, Bernard Buffet est alors le plus jeune académicien jamais élu sous la coupole.
En 1978, à la demande de l’administration des postes, Bernard Buffet réalise une maquette pour un timbre de trois francs L’Institut et le Pont des arts. À cette occasion le musée postal à Paris présente une exposition rétrospective de ses œuvres. Dans les années 1970-80, Bernard Buffet est un artiste au sommet de sa gloire que les critiques n'épargnent pas, comme tout artiste qui connait un grand succès de son vivant. Ils lui reprochent principalement le  " statisme " de sa touche dans laquelle ils décèlent peu d'évolutions au cours des années, le traitant volontiers de  " peintre académique ".
Au début des années 1980 son œuvre immense, est plus appréciée à l'étranger qu'en France, et principalement en Extrême Orient, aux Etats-Unis, en Amérique du sud et au surtout Japon où elle connait un succès considérable et où lun musée est spécifiquement construit pour lui à Surugadaira, ce qui, à cette époque, est inédit pour un peintre vivant.
En 1986, sa femme et modèle favori, Annabel, publie D’amour et d’eau fraîche ; la même année sortent les deux premiers volumes de la monographie de Yann Le Pichon, Bernard Buffet, couvrant la période 1947-1982, qui obtiennent immédiatement le Prix Élie Faure.
Bernard Buffet, diminué par la maladie de Parkinson, se suicide par asphyxie, le 4 octobre 1999, dans son atelier du Domaine de la Baume près de Tourtour (Var), étouffé dans un sac en plastique noir sur la surface duquel son nom était dessiné avec sa calligraphie si caractéristique ; dernière mise en scène un rien macabre d'un très grand artiste du 20e siècle, qui toute sa vie avait adoré mettre en scène sa propre existence. En novembre 2007, paraît le troisième et dernier volume de la monographie de Yann Le Pichon, couvrant la période de 1982 à 1999.
En 2016- 2017, le MAM (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris), rend hommage au peintre à travers une exposition où sont présentées toutes les acquisitions du musée  faites dans les années 47- 55 et quelques chef d'oeuvres prêtées par le musée Bernard Buffet de Surugadaira.

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2017 - A Still Life Collection 
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mardi 21 février 2017

Adolphe Bilordeaux (1807-1870)



Adolphe Bilordeaux (1807-1870)
 Nature morte avec L'aurore de Michel Ange Vers 1855 
(tirage sur papier albuminé) 
BnF, Paris

Que voit on ? Une accumulation d'objet comme on pouvait en trouver au milieu du 19e siècle dans les boutiques d'antiquités, dont la mode commençait alors à se répandre dans toute l'Europe et principalement en France, en Italie et en Angleterre.  On y trouvait toutes sortes d'objets hétéroclites, du plus précieux au plus banal, jetés dans l'apparent désordre d'un capharnaüm qui n'était pas aussi improvisé qu'il y parait.  Ici, au milieu des brocards, des vases, des candélabres, des dentelles et des coquillages, émerge une pièce centrale  qui est une copie d'une sculpture de Michel Ange, L'Aurore, reposant négligemment sur un lit de fusils, de sabres, de  sarbacanes et autres cadres de bois entremêlés !  L'original en marbre réalisée par Michel-Ange entre 1524 et 1527, fait en réalité partie de la décoration de la nouvelle sacristie de la Basilique San Lorenzo de Florence. Il s'agit de l'une des quatre allégories des Parties du Temps, qui se trouve à droite sur le sarcophage du tombeau de Laurent de Médicis, duc d'Urbino.  

Rappel biographique :  Dessinateur  et lithographe français, Adolphe Bilordeaux se spécialise dans les études destinées à l'enseignement du dessin. Au milieu des années 1850, il passe à la photographie, en conservant les mêmes sujets. Dans ses natures mortes photographiques, la référence aux beaux-arts et aux grands chefs-d'oeuvre de la sculpture est toujours lourdement appuyée, dans des compositions très chargées où s'accumulent marbres, porcelaines, bronze, ivoire, nacre, tapisseries et cadres, brocards et tissus précieux dans une profusion digne d'un magasin d'antiquités du 19e siècle. 

lundi 20 février 2017

Arman (1928-2005)


Arman  (1928-2005) 
Poubelle des Halles 1961
Centre Pompidou, Paris 

Que voit on  ?  Une accumulation de déchets dans une boîte vitrée, composée de papier journal, carton, tissu, paille, boîte métallique, mimosa séché, culot d'ampoule, crayon, film plastique, étiquettes, dans une boîte en bois et verre. Les contenus des poubelles sont des objets ou des détritus qu’Arman a trouvé dans les poubelles des Halles à Paris (haut lieu de passage et de consommation parisien). Arman s'arrêtait devant les poubelles et les fouillait afin de trouver des détritus divers qu'il jugeait correspondre à la société parisienne de l'époque. Une fois sa récolte effectuée, il déposait tout ce qu’il avait trouvé dans une boîte en verre. Arman  remplissait toujours ces boîtes à ras-bord. Il ne faisait pas ça par hasard, mais pour montrer la consommation à outrance à travers ces boîtes (Arman en a fait plusieurs)  sur le point de déborder. Le geste d’Arman, de ramasser les poubelles et les mettre dans les boîtes, était un geste inédit dans le domaine de la composition d'une nature morte : non seulement il se mettait dans la peau d'un mendiant  en « faisant les poubelles », se confrontant au regard des passants, mais en plus il faisait de l'art avec des masses de détritus, des montagnes d'objets désordonnés rejetés par la société, alors que certains maîtres de la nature morte du passé s'étaient  - au mieux - contentés de les peindre en les rangeant de façon individualisée. Récente acquisition du Centre Pompidou cette "Poubelle des Halles" de 1961 apparaît comme une oeuvre-clef de la production dite "historique" de l'artiste. Elle sera suivi par de nombreuses autres jusqu'en 1971-72.  

Rappel Biographique  : Né en 1928 à Nice, Armand Fernandez fait ses études aux Arts décoratifs de Nice (1946-1949) et à l'école du Louvre à Paris (1949-1950). En 1951, il décide de signer de son seul prénom, comme Vincent Van Gogh, prénom qui perdra son « D » pour devenir son pseudonyme définitif, Arman, en 1958.
En 1955, la Galerie du Haut-Pavé organise sa première exposition personnelle à Paris. Ses premiers « Cachets » (traces d'objets encrés ou peints) à Paris datent de 1956.
En 1959, il commence la réalisation de la série des « Poubelles » : il expose des ordures ménagères, des détritus trouvés dans la rue et des déchets. Ses « accumulations » d'objets suivant une logique quantitative qui efface leur singularité renvoient une image de profusion, en même temps qu'elles soulignent le caractère périssable des produits de la société d'abondance.
En 1960, il est cofondateur du mouvement des Nouveaux Réalistes. Le Nouveau Réalisme réunit des artistes divers mais qui ont un point commun dans leur création : ils s'approprient de manière directe le réel et réalisent un « recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire » (Pierre Restany, 60/90. Trente ans de Nouveau Réalisme, édition La Différence, 1990, p. 76). Ils donnent ainsi une nouvelle vision de ce qui nous entoure au quotidien.  Cette même année 1960, Arman utilise pour la première fois du plexiglas dans ses oeuvres. En 1961, il entame la série des « Colères » : destructions d'objets (les « Coupes » de violon, de piano, de contrebasse…) savamment recollés sur piédestal ou sur supports muraux. Dans les « Combustions » (1963), ces mêmes objets sont brûlés.
Arman s'installe en 1963 aux Etats-Unis et prend la nationalité américaine en 1972.
Entre 1980 et 1999, l'éventail des œuvres et des techniques s'élargit. Arman décline et multiplie les diverses procédures d'exécution. À la fin des années 1990, l'œuvre se radicalise en une succession de gestes reliés à l'objet (Accumulations en Relation, Cascades, Sandwiches Combo). Il montre un intérêt renouvelé pour la peinture (par exemple dans les séries des "Nuits étoilées" et des "émersions"). En 2000, il travaille sur des fragmentations sur panneau, des fragments (dessins et sculptures). Il présente une rétrospective thématique (« La Traversée des Objets »), au château de Villeneuve, à Vence. Ses sculptures en bronze participent d'un geste semblable : l'artiste se saisit des icônes de l'art occidental (Vénus de Milo, Hercule Farnèse, etc.), qu'il tronçonne pour ensuite les ressouder dans un désordre fouillé.
En 2002-2003, Arman renoue avec la peinture de chevalet en une série d'œuvres, « Serious Paintings », qui allient la recomposition d'instruments de musique à leur « mise en scène » en peinture.
Il meurt en 2005 à New York.
Une grande rétrospective a lieu à la Galerie nationale du Jeu de Paume de janvier à avril 1998, exposition qui réunit plus de cent œuvres (de 1959 à 1997). La rétrospective voyage ensuite jusqu'en 2001 en Allemagne, Portugal, Israël, Brésil, Mexique, Taiwan, Espagne…

dimanche 19 février 2017

William J. McCloskey (1859-1941)


William J. McCloskey (1859-1941) 
Lady Apples in overturned Basket 
Private collection 

Que voit-on ?  Ce qu'indique le titre que l'on pourrait traduire par " Ces dames les pommes dans un panier penché".  Les pommes brillantes à souhait (trop même peut être !) se déversent sur un entablement en bois vernis sur lequel elles se reflètent aimablement attestant de la maîtrise du peintre en matière de trompe l'oeil, de reflets et de pommes... sachant que ce fut un des sujets favoris de ce peintre.

Rappel biographique : Le peintre américain William-J.-Mac-Closkey fut une figure déterminante de la scène de la nature morte Californienne au 19e et 20e siècle. Très peu connu en Europe, il est célèbre dans son pays pour ses peintures de fruits (oranges et pommes notamment) présentés dans leur emballage de livraison. Originaire de Philadelphie, il étudie la peinture à la Pennsylvania Academy of Fine Arts avec un maître du réalisme à la technique implacable, Thomas Eakins. Son attrait pour la nature morte s'explique par l'influence qu'exerça sur lui la famille Peale (et surtout Raphaelle Peale dont plusieurs toiles sont présentées sur ce site), véritable dynastie qui avait dominé le monde de l'art à Philadelphie au début du siècle. C'est à cette époque que William épouse Alberta Binford (1855–1911) elle-même artiste de renom. Malgré leurs succès en Californie, le couple McCloskeys déménagent à New-York au début de 1886 et c'est dans cette ville que William va connaitre un véritable triomphe en se spécialisant dans les natures mortes réalistes de fleurs et de fruits. Tout au long de leurs carrières très  distinctes, les McCloskeys vont être extrêmement mobiles, n'hésitant jamais à voyager à travers les Etats-Unis aussi bien qu'en Europe, pour satisfaire des commandes de portraits ou pour exposer et promouvoir leur travail. Ainsi, ils ont vécu et travaillé à San Francisco, Londres, Paris, Salt Lake City, Los Angeles en plus de leur long séjour à New York. Dans la dernière partie de leur carrière, vers le milieu des années 1920, le style très réaliste du couple Mac-Closkey ne fait plus recette. William, aussi bien que sa femme tombent dans l'oubli jusqu'à ce qu'en 1996,  une grande rétrospective leur soit consacrée au Bowers Museum of Cultural Art in Santa Ana en  Californie, faisant réapparaitre au grand jour (et sur le marché de l'art américain) bon nombre de leurs œuvres.  Les tableaux d'oranges enveloppées dans du papier de soie de William (car il en a peint plusieurs) sont aujourd'hui les plus connus. Alberta, elle, a peint plutôt d'autres fruits et quelques fleurs...

samedi 18 février 2017

Herbert Ploberger (1902-1977)



Herbert Ploberger (1902-1977)
Toilettentisch  1926.
Private collection

Que voit on ?  sur un entablement de bois recouvert d'un torchon à carreau rouge et blanc à motifs de Jacquard français, un nécessaire de toilette pour homme comprenant  : un cuir à aiguiser les rasoirs, un rasoir, une paire de ciseaux, un vaporisateur à parfum, une épingle à nourrice, un faux col blanc, une boite d'allumette et trois boites contenant des onguents et poudres diverses. Ce nécessaire est posé devant un miroir fixe dont le gite est tel qu'il ne reflète qu'une partie de la table et de son contenu.. mais il en reflète scrupuleusement tous les éléments possible à refléter... comme le manche de bois du cuir à aiguiser les rasoirs.

Rappel biographique : Herbert Ploberger est un costumier, chef décorateur et peintre autrichien. Ploberger reçoit sa formation théorique après la fin de la Première Guerre mondiale à l'université des arts appliqués de Vienne et à Paris. En 1927, il  complète ses connaissances à Berlin auprès du scénographe du Deutsches Theater de Berlin, Ernst Stern. Il devient peintre de scène puis scénographe du Reinhardt-Bahnen. Ploberger est aussi peintre  qui fait partie du  mouvement de la Nouvelle Objectivité, réalisant des portraits et des natures mortes. Luis Trenker l'engage comme costumier en 1934. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participe à des films historiques semblant nationalistes. Après la guerre, il conçoit les décors de deux films autrichiens puis redevient costumier en 1950 dans des productions ouest-allemandes et  travaille aussi de nouveau pour le théâtre en Autriche.

vendredi 17 février 2017

Utagawa Hiroshige (1797-1858) - Abalones and a Half-Beak with a Peach Blossom Branch

Utagawa Hiroshige  (1797-1858) Abalones and a Half-Beak with a Peach Blossom Branch (1832) Private collection

Utagawa Hiroshige  (1797-1858)
Abalones and a Half-Beak with a Peach Blossom Branch (1832)
Private collection

Que voit-on  ?  Sur un fond neutre deux coquillages, des ormeaux ouverts en deux et dont l'intérieur et les contours semblent composer un véritable paysage.  Pour tenir compagnie à ces deux paysages vivants, un poisson bleu - un "poisson spatule" des mers chaudes -  (Hiroshige a peint énormément de poissons de toute sortes durant toute sa vie) et une branche de pêcher en fleurs.

Rappel biographique: Utagawa Hiroshige (歌川広重) est un dessinateur, graveur et peintre japonais. Il se distingue par des séries d'estampes sur le mont Fuji et sur Edo (actuel Tōkyō), dessinant de façon évocatrice les paysages et l'atmosphère de la ville, en reprenant les instants de la vie quotidienne de la ville avant sa transformation à l'ère Meiji (1868-1912). Auteur prolifique, actif entre 1818 et 1858, il crée une œuvre constituée de plus de 8000 estampes, parmi lesquels très peu de natures mortes au sens stricte du terme, si l'on exclut de ce genre les kachō-ga, cet art très japonais de représenter les fleurs et les oiseaux qu'Hiroshige va aussi porter à un sommet..
Il est avec Hokusai, avec qui on le compare souvent — pour les opposer — l'un des derniers très grands noms de l’ukiyo-e et, en particulier, de l'estampe de paysage, qu'il aura menée à un sommet inégalé avant le déclin de la xylographie au Japon. Ses séries les plus connues, les Cent vues d'Edo, Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō et surtout Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō, rivalisent en notoriété avec la célèbre série de Hokusai, les Trente-six Vues du mont Fuji.
Le style d'Hiroshige est cependant bien différent de celui d'Hokusai. Hiroshige se fait l'humble interprète de la nature, qui, à l'aide des moyens frustes de la gravure sur bois, sait exprimer comme à travers « une fenêtre enchantée » les délicates transparences de l'atmosphère au fil des saisons, dans des paysages où l'homme est toujours présent. La composition de ses œuvres est saisissante, caractérisée par une maîtrise subtile des couleurs franches — avec une dominante du vert et du bleu. Son sens du premier plan sera repris plus tard par Degas, et l'on retrouvera en photographie.
Peu après la réouverture forcée du Japon aux échanges avec l'Occident, c'est principalement à travers l'œuvre d'Hiroshige que le monde découvre vers 1870 l'йtonnante originalité des arts graphiques dans ce pays. Le japonisme aura une influence déterminante sur les peintres impressionnistes et ensuite sur l'Art nouveau. Hiroshige  aura une influence déterminante aussi bien sur Vincent Van Gogh, sur Claude Monet que sur Alfred Sisley.

jeudi 16 février 2017

William Michael Harnetts (1848-1892) - Le Colt fidèle (1890)


William Michael Harnetts  (1848-1892)
Le Colt fidèle (1890)
Wadswoth Museum Hardford, Connecticut.

Que voit on ? Comme à l'accoutumé chez ce peintre américain de natures mortes en trompe l'oeil  dont plusieurs ont déjà été postées sur ce blog : peu d'objets occupant la composition mais des objets très forts ou intrigants, peints avec un réalisme tel qu'ils doivent provoquer des exclamations admiratives de la part du spectateur ! Ici sur une planche de boiserie peinte en noir dont la peinture est craquelée et qui comporte plusieurs trous de clous et éclats de bois (fort bien rendus) : un révolver à manche d'ivoire -  un Colt pour être précis,- pendu a un clou. C'est l'arme fétiche des conquérants du Far West, largement popularisée par les Westerns.  A la droite du Colt, que le peintre a pris la peine d'honorer du qualificatif de " Fidèle" , un clou qui ne supporte plus rien et une coupure de journal écorné qui comporte un entrefilet que le spectateur du tableau doit bien entendu pouvoir lire dans son intégralité  (ce qui n'est pas le cas sur cette reproduction !)

Rappel Biographique : Le peintre américano-irlandais William-Michael Harnett est connu pour ses natures mortes en trompes-l'oeil faites à partir d'objets du quotidien au sens large puisque l'on y trouve aussi bien des livres que des ustensiles de bureau, de cuisine, des attributs de chasse ou des instruments de musique folklorique. Il se situe, dans ce sens, dans la tradition des grands peintres de trompes l'oeil et de natures mortes hollandais du 17e siècle et de Peter Claesz en particulier. Beaucoup d'autres peintres américains se sont engouffrés dans cette tendance à la suite de William-Michael Harnett, comme Raphaelle Peale ou John Peto, mais il en demeure le représentant le plus spectaculaire. 
 
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2017 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau 

mercredi 15 février 2017

Pierre Bonnard (1867-1947) - Nature morte aux citrons


Pierre Bonnard (1867-1947)
Nature morte aux citrons 
Fondation Bemberg, Toulouse

Que voit-on ?  Sur un entablement recouvert d'une nappe verte imprimée à  motifs de fleurs, un plat contenant plus d'une douzaine de citrons. Le plat est posé devant une fenêtre à travers laquelle on aperçoit un jardin dont la végétation est agitée par le mistral  C'est le sud selon Bonnard, un sud qui s'exprime en jaune et bleu et en jaune + bleu = vert.

Rappel biographique : le peintre français Pierre Bonnard est connu pour ses peintures de personnages, ses nus, ses portraits, ses paysages animés, ses intérieurs et ses natures mortes de fleurs et fruits. Bonnard est un artiste post-impressionniste, membre du groupe des Nabis, par lesquels il fut surnommé le Nabi japonard. En réaction à l'impressionnisme, les Nabis veulent libérer leur peinture des exigences du réalisme : « Ensemble, nous avons méprisé l'école et les écoles, les rapins, leurs traditions, leurs farces et leurs bals inutilement nudistes. Ensemble nous nous sommes sérieusement amusés ». Les artistes nabis cherchent des voies plus spirituelles au contact de philosophies et de doctrines nouvelles teintées d'Orient, d'orphisme, d'ésotérisme, et de théosophie. Ils s'appliquent à retrouver le caractère « sacré » de la peinture et à provoquer un nouvel élan spirituel par le seul moyen de l'art.
Une fois devenu célèbre, Pierre Bonnard fut connu pour ne pouvoir s’empêcher de retoucher ses toiles une fois celles-ci achetées et exposées dans un musée. Ses amis appelaient ça « bonnarder » ou « bonnardiser ». Un journaliste relate cette attitude devenue visiblement coutumière. « Au  musée de Grenoble et au Musée du Luxembourg, il  arriva à Bonnard de guetter le passage d'un gardien d'une salle à l'autre, de sortir d'une poche une minuscule boîte garnie de deux ou trois tubes et, d'un bout de pinceau, d'améliorer furtivement de quelques touches un détail qui le préoccupait. Et, son coup fait, de disparaître, radieux, comme un collégien après une inscription vengeresse au tableau noir. »

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mardi 14 février 2017

Paul Cézanne (1839-1906) - Fruits


Paul Cézanne (1839-1906) 
Fruits (aquarelle), 1898
Collection privée 

Que voit on ? Pêches, pommes, poires et prunes à peine esquissées et serrées sur un feuillage de feuille de vignes, dans une assiette de céramique elle même tout juste tracée au crayon fin ... Une aquarelle qui laisse sans voix devant l'extraordinaire génie du trait du dessinateur Cézanne mais aussi devant la sensibilité hors pair du coloriste Cézanne pour cette petite merveille où la couleur dominante est ... le blanc !!!!

Rappel biographique : Cézanne a peint environ trois cents tableaux et parmi ses premières « obsessions picturales », ce sont les natures mortes qui arrivent en tête, et notamment les pommes. Pour Cézanne, la nature morte est un motif comme un autre, équivalent à un corps humain ou à une paysage, mais qui se prête particulièrement bien à des recherches sur l'espace, la géométrie des volumes, le rapport entre couleurs et formes : « Quand la couleur, est à sa puissance, la forme est à sa plénitude » disait-il. Incomprises en leur temps, les natures mortes de Cézanne sont devenues depuis lors l'un des traits caractéristiques de son génie. Au lieu de la notation chronométrique des phénomènes, Cézanne put conserver son émotion du moment. Il composa ses natures mortes, variant à dessein les lignes et les masses, disposant les draperies selon des rythmes prémédités, évitant les accidents du hasard, cherchant la beauté plastique, mais sans rien perdre du véritable motif, de ce motif initial qu'on saisit à nu dans ses ébauches et ses aquarelles, de " cette délicate symphonie de nuances juxtaposées, que son oeil découvrait d'abord, mais que sa raison venait aussitôt et spontanément appuyer sur le support logique d'une composition, d'un plan, d'une architecture."

2017 - A Still Life Collection 
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lundi 13 février 2017

Maurice de Vlaminck (1876-1958) - Nature morte aux citrons 1906



Maurice de Vlaminck (1876-1958)
Nature morte aux citrons, 1906
Collection privée

Que voit-on ?  Sur un entablement bleu qui est vraisemblablement une nappe : une cruche à eau et un saladier rempli de citrons présentés sur un fond jaune et rouge qui laisse imaginer un paysage de Provence au début de l'été. Une explosion de couleurs qui compose un fond de tableau totalement abstrait. alors que le premier plan est largement figuratif.

Rappel biographique : Le peintre français Maurice de Vlaminck s'est illustré dans les courants fauviste et cubiste. Peintre de figures, portraits, nus, paysages, paysages animés, paysages urbains, intérieurs, natures mortes, fleurs et fruits, peintre à la gouache, aquarelliste, graveur, dessinateur et illustrateur, il fut aussi écrivain, et  publia vingt-six livres, romans, essais et recueil de poèmes. Ses natures mortes quelquefois très inspirées de celles de Cézanne sont des explosions de couleurs et de formes qui font assez souvent de lui, un peintre abstrait avant la lettre.

dimanche 12 février 2017

Olivier Debré (1920-1999)




Olivier Debré (1920-1999)
Nature morte fond noir, 1958
Collection privée

Que voit on ?  Exactement ce que décrit le titre sans cependant qu'il soit possible d'identifier au premier coup d'oeil de quels éléments (en blanc) se composent cette nature morte ! En y regardant de plus près, le traçage en blanc en forme de vase et de bouteilles et donne plus d'indications, si besoin était ! Mais besoin n'est pas, car l'oeuvre est plus forte de son mystère et de son lyrisme que de son explication.

Rappel biographique :  Le peintre français Olivier Debré est un représentant majeur du courant de  l’Abstraction lyrique. Fils du professeur Robert Debré, le frère de Michel Debré (Premier ministre du Général de Gaulle) et l'oncle de Bernard Debré et de Jean-Louis Debré, il fut le seul artiste d'une famille qui compte surtout des hommes politiques et des médecins. En juin 1937, il subit un choc en voyant, exposé au Pavillon de l’Espagne de l’Exposition internationale à Paris, le Guernica de Picasso. Georges Aubry, dont la galerie est située rue de Seine à Paris, l'encourage en l'exposant le premier. Il est remarqué par Dunoyer de Segonzac et Picasso qu'il rencontrera en 1941, ce dernier l’invitant dans son atelier  rue des Grands-Augustins pendant l’hiver 1942-1943.
Durant la Seconde Guerre mondiale, son art est marqué par l'expression graphique. Le dessin lui permet de traduire toute l'horreur de la guerre : Le Mort de DachauLe Sourire sadique du Nazi, Le Mort et son âme. En 1946, il installe un atelier à Cachan, il y peint une toile de 8 m de long : La Vérité et la Justice poursuivant le crime.
En 1949, il présente sa première exposition personnelle à la galerie Bing, à Paris, marchand de Soutine et de Modigliani. А l'automne, Olivier Debré installe un second atelier rue de Saint Simon à Paris et  fait la connaissance de ses grands aînés:  Hans Hartung, Gérard Schneider, Serge Poliakoff, Maria Elena Vieira da Silva. Il réalise ses premiers Signes-personnages.
Dans les années 1950, privilégiant la matière et les couleurs sourdes.
1953 correspond à une période charnière dans son œuvre où il délaisse les signes-personnages pour les signes-paysages. C'est à cette époque qu'il prend conscience des possibilités multiples offertes par la technique de la lithographie qu'il n'a jamais cessé de pratiquer. En 1956, Michel Warren organise sa première exposition individuelle à Paris. L'année suivante, la seconde exposition chez Michel Warren le fait figurer « désormais en bonne place parmi les chefs de file de l'Ecole de Paris », écrit John Prossot dans Apollo dont la couverture reproduit le tableau exposé. Après un voyage en Espagne, il expose, en 1959, а la Phillips Gallery а Washington et rencontre Rothko.
Sa première exposition personnelle à Oslo se tient à la galerie Haaken A.Christensen en 1966. Il voyagera et peindra en Norvège jusqu'à la fin de sa vie.  En 1967, il participe à l'exposition internationale de Montréal avec une gigantesque peinture Signe d'homme, pour le pavillon français. En 1975-1976, il fait partie, avec Pierre Alechinsky, Hans Hartung, Roberto Matta, Zoran Music, Edouard Pignon et Pierre Soulages, de l'exposition itinérante en France Trente créateurs organisée par André Parinaud.
De 1980 а 1985, Olivier Debré est nommé professeur, chef d'atelier de peinture murale а l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. La consécration du peintre est également marquée par l'inauguration d'une salle Olivier Debré au Musée des beaux-arts de Tours en 1992.  Le 17 mars 1999, quelques mois avant sa mort en juin, il est élu membre de l'Institut de France, à l'Académie des beaux-arts, au fauteuil précédemment occupé par le peintre Georges Cheyssac.
En 2015, le CCC - Centre de Création Contemporaine de Tours est devenu le "Centre de Création contemporaine Olivier Debré". Il s'implante en 2016 dans un nouveau bâtiment actuellement en construction sur le site du jardin François 1er. Le lieu ne sera pas un musée consacré à Olivier Debré mais un centre d'art qui fera vivre l’œuvre du peintre en la mettant en résonance avec la création artistique contemporaine.

samedi 11 février 2017

Anne Vallayer-Coster (1744-1818) - Nature morte au jambon, avec bouteille et botte de radis


Anne Vallayer-Coster (1744-1818)
Nature morte au jambon, avec bouteille et botte de radis (1767) 
Staatliche Museen, Berlin 

Que voit-on ?  C'est l'image arrêtée d'un mouvement en train de se dérouler qu'Anne Vallayer Coster peint dans cette nature morte. Sur un entablement de pierre recouvert d'un linge blanc plissé de façon désordonnée : un plat d'argent qui présente une magnifique pièce de jambon cuit, ornée d'une branche de laurier comme c'est souvent le cas des charcuteries et pâtés au 18e siècle. "L'arrêt sur image" concerne le couteau planté dans le jambon et qui a été laissé là, en plein milieu du découpage de la tranche ! Deux bouteilles, l'une d'eau et l'autre de vin encadrent cette belle pièce de charcuterie et reflètent le reste de la pièce et notamment la fenêtre, dans la grande tradition des natures mortes de l'age d'or hollandais. La botte de radis permet à la peintre de se livrer à une belle variation sur les textures et permet accessoirement au spectateur du 21e siècle que nous sommes de constater que le jambon du 18e siècle - qui ne connaissait ni colorants chimiques ni conservateurs alimentaires - n'était pas rose mais... rouge !

Rappel biographique : L'artiste peintre française Anne Vallayer-Coster, fille d'un orfèvre connu, fut, en peinture, l'élève de Madeleine Basseporte et de Claude Joseph Vernet.  Elle est admise à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1779 en tant que peintre de natures mortes et elle expose au Salon dès l’année suivante.  Elle devient chef du cabinet de peinture de la reine Marie-Antoinette qui la prit sous sa protection ainsi que son professeur de dessin. Un appartement lui est même attribué au Louvre sous la Grande Galerie. D'abord spécialisée dans le portrait, elle abandonne ce genre pour ce consacrer au nature morte vers la fin de sa vie et s’illustre aussi dans les tableaux de genre et la miniature. Elle poursuit sa carrière avec succès jusqu’à sa mort.

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vendredi 10 février 2017

Michiko Kon (née en 1955)


Michiko Kon (née en 1955)
Goldsfish, Fish Eggs and Toothbrush  1985
Private collection 

Que voit on ?  Un poisson rouge un peu à l 'étroit dans un verre  rempli d'eau tel un mini aquarium dans lequel une brosse à dents est plantée. La brosse a cette particularité (peu commune!) de comporter des oeufs de poissons soigneusement déposés à l'extrémité de chacune de ses rangées de poils.  L'effet est troublant et semble surprendre le poisson rouge lui-même ! Trois gouttes d'eau d'inégale grosseur ponctuent la composition sur la droite ajoutant à la fascination de cette nature morte photographique surréaliste. 

Rappel biographique : Michiko Kon (今道子)  est une photographe japonaise née en 1955 qui a étudié pendant deux ans au Tokyo Photographic College. Dans ses photographies, généralement en noir et blanc, influencée par le surréalisme, Michiko Kon associe aliments et objets ou vêtements dans des natures mortes. Certains commentateurs ont vu dans cet aspect de son œuvre une critique de la société de consommation et de l'atmosphère de la Bubble economy qui régnait au Japon dans les années 80 et 90. Cette interprétation a surpris la photographe elle-même. Dans d'autres photographies, Michiko Kon utilise le principe du collage pour placer des objets insolites au milieu de fleurs ou d'aliments. Depuis 2012, Michiko Kon intègre dans ces photographies de vieilles photos de famille ou des objets japonais anciens ; elle joue ainsi avec les concepts de nostalgie et entame un dialogue sur la vie, la mort et le passage du temps, ce qui est un des thèmes fondamentaux des natures mortes depuis l'Antiquité.

jeudi 9 février 2017

Marie Laurencin (1883-1956) - Nature morte au bouquet de table, coupe et petit autoportrait,


Marie Laurencin (1883-1956) 
Nature morte au bouquet de table, coupe et petit autoportrait, 1908
Collection privée 

Que voit-on ? Au premier plan, centré dans la composition : une coupe en céramique bleu et blanche à motif de spirale. A gauche de la coupe un vase jaune dans lequel s'épanouit une rose ou une pivoine dont un pétale est tombé derrière la coupe. Le fond rose est habillé par un petit autoportrait de la peintre.

Rappel biographique : Marie Laurencin est une peintre française étroitement associée à la naissance de l'art moderne. Portraitiste, illustratrice et graveuse, elle fut également une épistolière  et a composé des poèmes en vers libres, indissociables, dans le cours de son processus de création, de l'expression picturale des scènes fantasmatiques qu'elle représente.
Co-disciple de Braque, créature de Roché, muse d'Apollinaire, disciple de Matisse soutenue par Derain, amie de Picasso jusqu'à leur rupture et amante de Nicole Groult, Marie Laurencin a fait de son style un dépassement du fauvisme que du cubisme. Sa vie entière apparait comme une œuvre emblématique, tant du point de vue artistique que de la libération de la femme. Si sa gloire internationale de l'entre-deux-guerres a été ternie durant l'Occupation par ses mondanités déplacées et sa collaboration muette, sa vie comme sa peinture ont fasciné de nouveau, après une longue période de purgatoire. Très peu exposée en France, il faut attendre 2011 pour qu'une biographie explore sa part d'ombre et le printemps 2013 pour qu'une exposition parisienne la fasse redécouvrir au grand public. Antithèses des cauchemars de Goya, qui fut son seul idéal, ses aquarelles vives et glacis pastel répètent indéfiniment le mystère ambigu et hallucinant de « princesses » et de bêtes féeriques, de fleurs et d'adolescentes à la pâleur irréelle. En une réminiscence des fêtes galantes de Watteau, le trait fluide saisit l'instant extatique d'une pose dansante par leurs regards muets comme ceux d'un masque. Ses natures mortes, qui ne sont pas très nombreuses, sont toutes très fluides et pour certaines même presque diaphanes, entraînant les sujets qu’elle traite vers une abstraction douce assez étrange...

mercredi 8 février 2017

Luis Egidio Melendez (1716-1780) - Bodegón con melón y la jarra de agua

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Luis Egidio Melendez (1716-1780) 
Bodegón con melón y la jarra de agua
Museo nacional del Prado, Madrid

Que voit on ?  Posée sur un entablement en bois qui occupe tout le bas de la composition,  une nature morte au cadrage d'une grande modernité,  étalée sur quatre plans successifs. 
Au premier plan : un gigantesque melon qui occupe les 3/4 de la composition en largeur et la moitié en hauteur, melon dont la peau craquelée et l'intérieur bombé présage de délices gustatifs certains ; sur le même plan, huit grains de raisins, énormes eux aussi et si fermes qu'ils en ressemblent à des olives ! 
Au deuxième plan : une cruche en céramique remplie d'eau ,protégée par la coupelle qui sert à la boire. 
Au troisième plan, cachée derrière le melon : une bouteille de vin dont on aperçoit uniquement que le col et le bouchon !!! Trait d'humour de Melendez qui n'en manquait dans aucune de ses toiles. 
Au quatrième plan et là aussi on ne peut que sourire : un panier complet de pique-nique contenant pain, nappe pliée, assiettes, couteau dont on ne voit que le bout du manche pour ne pas risquer de le confondre avec celui qui marque traditionnellement dans la nature morte la perspective ou /et la mort. Point de sujet macabre ici, mais toute la fraicheur et la joie d'un repas de plein air tout prêt à être emporté, véritable sujet en fait de cette nature morte dans laquelle, comme dans un portrait ou même un paysage, le groupe occupe l'arrière plan et le sujet unique le premier plan ! Absolument génial !

Rappel biographique : Le peintre espagnol d'origine napolitaine, Luis Egidio Melendez  a fait carrière presque exclusivement à Madrid. Contemporain de Goya, il  est considéré aujourd'hui comme l’un des meilleurs peintres de natures mortes du 18e siècle, réputation qu'il n'avait pas de son vivant qu'il a passé dans une misère noire. C'est son père, Francisco Meléndez et Louis Michel van Loo (dont il est l'assistant de 1742 à 1748) qui assurent sa formation de peintre.
Le futur  Charles IV d'Espagne lui commanda une grande série de natures mortes, dont une partie importante est conservée au musée du Prado  à Madrid.
Ses toiles peintes dans de petits formats, dans la grande tradition de l'austérité espagnole, n'en foisonnent pas moins d'une minutie des détails. toujours peints avec une absolue perfection. La composition simple et le contraste clair-obscur, s’inscrivent dans la tradition des natures mortes baroques de Zurbaran et de CotanComme eux, Meléndez étudia les effets de lumière, la texture et la couleur des fruits et des légumes, ainsi que celles des récipients en céramique, verre et cuivre ou pailles. À la différence des maîtres du 17e siècle, il présente le sujet plus près du spectateur, en légère plongée. Ce sont des objets disposés sur une table, ce qui donne à ses formes une certaine monumentalité. Le genre permet au spectateur d’étudier l’objet par lui-même. Les fonds sont neutres, et c'est un puissant éclairage qui mettent valeur les contours de l’objet. C’est ainsi qu’il représente le duvet des fruits, les transparences des peaux des raisins, les intérieurs brillants des pastèques et quelquefois les  accidents  présents à la surface des  fruits (comme ici avec les figues vertes). 
Chaque toile de Meléndez est minutieusement composée et fait l'objet d'un mise en scène précise afin de créer  le plus grand réalisme possible. Les « grands thèmes » n’intéressèrent jamais Meléndez qui portent surtout son attention sur les choses de la vie quotidienne,  sur l’observation et l’étude de la nature. Il fut souvent comparé à Chardin, jusqu'à être même parfois surnommé  le « Chardin Espagnol » ce qui est assez stupide eut égard au caractère unique de son style et à tout ce qui différencie ces  deux grands peintres. 

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mardi 7 février 2017

Jean Hélion (1904-1987) - Nature morte à la citrouille,

Jean Hélion (1904-1987) Nature morte à la citrouille, 1948 Collection privée

Jean Hélion (1904-1987)
Nature morte à la citrouille, 1948
Collection privée

Que voit on ? Ce qu'annonce le titre : une citrouille éventrée, posée sur un guéridon carré dont un pied est masqué par un parapluie noir. Au sol : une tranche de la citrouille du guéridon (si on peut dire), un baguette de pain, un journal, une enveloppe timbrée ouverte, un godillot et deux fils électriques entremêlées qui sortent d'une gaine murale. Autant d'éléments qui sont des éléments symboliques fétiches de ce peintre et illustrateur français injustement laissé à l'écart aujourd'hui.

Rappel biographique : le peintre français, Jean Hélion,  est un peintre complexe qui est passé de l'art abstrait à la figuration ce qui est un cas assez rare.  On peut le considérer, avec Fernand Léger, comme l'un des plus grands peintres français du 20e siècle, un des plus dérangeants, aussi, sûrement. En 1921, il découvre le Louvre par hasard et les tableaux de Philippe de Champaigne et de Poussin le subjuguent.  En 1927, Hélion fait la connaissance du peintre uruguayen Joaquin Torrès-Garcia, qui lui révèle le cubisme. Sensible, spontanément amoureux de tout ce qui vient à sa rencontre, son optimisme énergique lui fait accomplir une évolution rapide, depuis le réalisme expressionniste jusqu'aux limites de l'abstraction. Ses grands coups de pinceau débordent les objets, s'ordonnent par rapport au cadre. Ayant rencontré Van Doesburg en 1929, il forme avec lui le groupe Art concret et participe en 1930 à la fondation du mouvement Abstraction- Création avec Arp, Herbin, Delaunay, Kupka, Van Doesburg, Gleizes, Valmier, Tutundjian. Devenu l'un des tout premiers peintres abstraits français, il rencontre Léger, Calder, et va rendre visite à Naum Gabo à Berlin. Ses tableaux, géométriques, aérés, lumineux, puissants, vont s'ordonner, par l'introduction de lignes courbes dans l'agencement des plans, en « figures abstraites » : il déchiffre le monde à travers le filtre des formes géométriques, assez proche de celles d'un  Mondrian.
Apres la Seconde guerre mondiale, Jean Hélion, dont la situation financière a toujours été difficile, épouse Pegeen Guggenheim, fille de la richissime et extravagante Peggy Guggenheim, avec laquelle il eut trois enfants. ll se met dès lors à peindre d’après nature, et se consacre à une œuvre figurative, inspirée des scènes de la vie quotidienne. Il n'abandonnera plus l'art figuratif, allant même, dans les années 1950, jusqu'à l'extrême et, même, au grotesque. Il peint des natures mortes dans lesquelles il intègre des objets de la vie ordinaire — en particulier des citrouilles, des chapeaux melon et des parapluies —, objets chargés de symboles, qui trouvent dans ses œuvres une place permanente. Plus tard, il passera à un compromis avec une peinture intégrant des taches colorées.
Jean Hélion a toujours  exprimer dans ses œuvres la vivacité des couleurs et le rythme de ses compositions. Salué, dans les années 1960, par la nouvelle génération de peintres, celle de Gilles Aillaud ou Eduardo Arroyo, il est aujourd'hui considéré comme le précurseur des fauves allemands des années 1970  et des figuratifs des années 1980. Pourtant bizarrement, on retient généralement avant tout de lui son œuvre des années 1930-1950.

lundi 6 février 2017

Maerten-Boelema de Stomme (1611-1644)



Maerten-Boelema de Stomme (1611-1644) 
Nature morte au citron  
Musée des Beaux Arts de Reims, France

Que voit-on ? Une nature morte à plusieurs niveaux de lecture symbolique. Sur un entablement recouvert d'un linge rouge, un verre  Römer, verre traditionnel d'Europe centrale décoré de pastilles de verre utilisé au XVIIe siècle d'une capacité est de 0,2 ou 0,25 litre, rempli de vin blanc symbolisant le caractère "bon vivant" du commanditaire de l'oeuvre. Le verre Römer reflète deux fois la même fenêtre qui se trouve du côté non peint de la chambre : une fois en haut à gauche, à l'extérieur du verre sur sa face convexe et une fois à droite plongeant dans le vin à l'intérieur du verre sur sa face concave, symbolisant ainsi la magie de la vie mais aussi ses dérives trompeuses et ses illusions.  Groupés autour du verre plusieurs éléments viennent, sans mauvais jeu de mots, assombrir le tableau. Au  premier plan, le citron qui donne son nom au tableau ; on remarque qu'il est coupé et pelé au trois quart, ce qui signifie que la vie du commanditaire (un homme mur donc) est proche de son issue fatale, symbolisée par le splendide coquillage qui n'est rien d'autre qu'une représentation de la mort. Sur la droite de la composition, quelques noix dont une brisée soulignent le funeste message. Le couteau au splendide manche d'ébène et de nacre, placé comme il est entre la vie qui s'écoule (le citron) et la mort prochaine (le coquillage), est là pour marquer la perspective bien sûr, mais aussi pour matérialiser clairement la menace de la mort. Au cas on l'on aurait pas bien compris le message, le peintre insiste - mais avec élégance - en disposant  de l'autre coté du citron (à sa droite) un petit coquillage dont l'intérieur ressemble curieusement à un oeil torve qui observe le spectateur.
C'est la mort qui veille...

Rappel biographique : Le peintre hollandais Maerten Boelema de Stomme est un peintre néerlandais de l'époque de l'âge d'or de la nature morte hollandaise. Il en est même un des représentants les plus illustres.  Le surnom  de «le muet» (de stomme) qui lui fut donné se réfère au fait qu'il était sourd et muet. Il signait d'ailleurs ses oeuvres  'M.B. de Stomme'  '"M.B le Muet"). Maerten Boelema était un élève de Willem Claeszoon Heda (connu aussi comme) Willem Claesz qui fut un des grands maîtres hollandais du genre. Maerten Boelema mourut  jeune, à l'âge de 33 ans. Extraordinaire  histoire que celle de cet artiste qui  a peint toutes les natures mortes que nous connaissons de lui aujourd'hui - c'est à dire une vingtaine -  dans les deux dernières années de sa vie (1642-1644) ! Compte tenu de la perfection de son style, on peut imaginer ce qu'aurait été l'œuvre de ce peintre s'il avait pu vivre plus longtemps. Comme son maître Claesz, Maerten Boelema est un peintre qui maîtrise parfaitement les transparences et qui a beaucoup peint de nautiles.




2017 - A Still Life Collection 

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dimanche 5 février 2017

Salvador Dalí (1904-1989) - La corbeille à pain "plutôt mort que la souillure"


Salvador Dali (1904-1989)
La corbeille à pain "plutôt mort que la souillure", 1945
Huile sur panneau de bois contreplaqué, 33 x 38 cm
Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres.

Que voit-on ?  Posée sur le bord d'un entablement de desserte qui  n'occupe que la moitié droite de la composition : une corbeille à pain. La corbeille est comme une gerbe de fleurs sur un cercueil d'où le sous-titre dans la grande veine du surréalisme. Figure picturale essentielle, le pain fut très présent dès 1926 chez Dalí. La très classique Corbeille de pain (1926), et  La corbeille de pain, Plutôt la mort que la souillure (1945) ci-dessus, qui reprend le thème classique de la précédente furent exposées à une place d'honneur par Dalí au musée de Figueras, exprimant l'importance qu'il leur accordait. Ce fut d'ailleurs avec une baguette de pain de 2 mètres qu'il débarqua aux États-Unis pour la première fois suscitant l'étonnement des médias locaux d'alors qui y virent le symbole de la France, alors que le symbole était bien entendu double ! Et au cas justement où l'on aurait mal interprété son geste, il  réitéra en France cette fois dans une conférence parisienne qu'il donna en 1959 en se présentant avec une baguette de pain de 12 mètres de long, " Trrrriom-phalliquement " portée par plusieurs boulangers.

Rappel biographique : Salvador Domingo Felipe Jacinto Dalí i Domènech, connu comme Salvador Dalí, marquis de Dalí de Púbol, fut un peintre, sculpteur, graveur et écrivain catalan de nationalité espagnol, considéré comme l'un des principaux représentants du surréalisme et comme l'un des plus célèbres peintres du 20e siècle... en tout cas l'un des plus médiatisés de son vivant ! Les thèmes qu'il aborda le plus fréquemment furent le rêve, la sexualité, le comestible, sa femme Gala et la religion. La nourriture et l'acte de manger, ont une place centrale dans l'œuvre et la pensée dalinienne pour qui « la beauté sera comestible ou ne sera pas ». La création picturale peut-être la plus connue de Dalí est Montres molles. Elles coulent comme un camembert et dans l'explication surréaliste qu'il en donnera il dira  « Les montres molles sont comme du fromage, et surtout comme le camembert quand il est tout à fait à point, c’est-à-dire qui a la tendance à commencer à dégouliner. Et alors, mais quel rapport entre le fromage et le mysticisme ? […] Parce que Jésus, c’est du fromage. »
Salvador Dalí réalisa plus de 1500 toiles dans sa vie, et produisit également des illustrations de livres, des lithographies, des costumes de théâtres, un grand nombre de dessins, de sculptures, des objets et plusieurs films.

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