James Ensor (1860-1949)
Still-life in"chinoiseries", 1906
Private collection
Que voit on ? Le thème de prédilection de ce peintre (les masques... qu'ils soient de carnaval, de cérémonies sacrées ou de théâtre), traité dans un décor de chinoiseries figurées par un éventail planté dans un vase et représentant une scène de cour et par un fragment de papier peint accroché au mur représentant à peu près la même scène, à ceci près qu'il semble être de facture plutôt japonaise que chinoise. Cela ne préoccupe guère James Ensor, qui dans son fouillis orientaliste mêle, statue en porcelaine d'odalisque mirant son reflet dans l'onde, pot à parfum et théière, masque de théâtre No et masque de carnaval chinois dans une explosion de couleurs où domine toutefois le jaune, la couleur que seul l'Empereur de Chine avait le droit de porter.
Rappel biographique : Le peintre belge James Ensor se revendiquait du mouvement anarchiste et a laissé une œuvre expressionniste très importante. Il est un des membres fondateurs du groupe bruxellois d'avant garde Les Vingt. En 1898, il est l'un des instigateurs du bal du Rat mort qui a lieu à la fin du carnaval d'Ostende. Ensor doit attendre le début du 20e siècle pour assister à la reconnaissance de son œuvre : expositions internationales, visite royale, anoblissement avec titre de baron, Légion d'honneur ... on le surnomme alors le prince des peintres. Et c'est précisément ce moment qu'il choisit pour abandonner la peinture et consacrer les dernières années de sa vie exclusivement à la musique !
Dans beaucoup de ses tableaux Ensor est fasciné par la lumière d'Ostende, sa ville natale, qui lui inspire des pâleurs secrètes : « La lumière déforme le contour. Je vis là-dedans un monde énorme que je pouvais explorer, une nouvelle manière de voir que je pouvais représenter. »
Dans la Mangeuse d'huîtres (1882), une nappe immaculée éblouit l'avant-plan et tombe quasi en dehors des limites du cadre. Malgré les tableaux prestigieux que celui-là rappelle (toute la tradition des natures mortes flamande du 17e siècle), mais aussi Edouard Vuillard, on le refuse au Salon d' Anvers. L'année suivante, toutes ses toiles sont rejetées du Salon de Bruxelles et il est mis à l'écart du Cercle des 20. Ulcéré, il bascule dans la déraison, couvre et balafre ses toiles de couleurs rougeoyantes symbolisant son exaspération.
C'est entre 1887 et 1893 qu'il peint ses plus beaux tableaux : la gamme chromatique prend feu au milieu des nacres translucides des ciels et des marines. Contemporaine de Vincent Van Gogh et d'Edvard Munch, son œuvre contient beaucoup des futures révolutions du Fauvisme au Mouvement Cobra.
Il va s'appliquer à mettre en évidence les aspects grotesques des choses, et s'orienter vers une vision radicale, sarcastique et insolente du monde. Comme chez Pieter Brueghel l'Ancien ou Jérôme Bosch, l'inanimé respire et crie. Ses obsessions et ses peurs jouent un rôle manifeste dans les traits menaçants qu'il attribue aux objets utilitaires, aux revenants et aux masques. Ces derniers, à partir des années 1880 dominent son inspiration et renvoient au carnaval, ce « monde à l'envers », anarchique où les rapports sociaux sont démontrés par l'absurde.
Artiste pluraliste, il l'est également dans son style et ses techniques: toile, bois, papier, carton, couteau à palette, pinceau fin ou spatule… : « Chaque œuvre devrait présenter un procédé nouveau », écrit-il.
Dans un but purement alimentaire, il édite des eaux-fortes, les fameux « biftecks d'Ensor », œuvres purement commerciales mais qui ont fait alors la fierté des marchands de souvenirs. Il réalise aussi des caricatures à la manière de Bruegel et de Bosch.
Par sa prédilection pour les personnages masqués, les squelettes, qui, dans ses tableaux, grouillent dans une atmosphère de carnaval, Ensor est le père d'un monde imaginaire et fantastique qui annonce le surréalisme.
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