Jean Hélion (1904-1987),
Nature morte avec Pain et Sel, 1946
Collection privée
Que voit on ? A travers une fenêtre ouverte deux hommes brandissant des baguettes françaises de pain. Devant la fenêtre, posé en équilibre sur le haut du dossier d'une chaise, une autre baguette de pain dont le crouton a été entamé. Au premier plan , l'amorce d'une cruche.
Rappel biographique : le peintre français, Jean Hélion, est un
peintre complexe qui est passé de l'art abstrait à la figuration ce qui
est un cas assez rare. On peut le considérer, avec Fernand Léger, comme
l'un des plus grands peintres français du 20e siècle, un des plus
dérangeants, aussi, sûrement. En 1921, il découvre le Louvre par hasard
et les tableaux de Philippe de Champaigne et de Poussin le subjuguent.
En 1927, Hélion fait la connaissance du peintre uruguayen Joaquin
Torrès-Garcia, qui lui révèle le cubisme. Sensible, spontanément
amoureux de tout ce qui vient à sa rencontre, son optimisme énergique
lui fait accomplir une évolution rapide, depuis le réalisme
expressionniste jusqu'aux limites de l'abstraction. Ses grands coups de
pinceau débordent les objets, s'ordonnent par rapport au cadre. Ayant
rencontré Van Doesburg en 1929, il forme avec lui le groupe Art concret
et participe en 1930 à la fondation du mouvement Abstraction- Création
avec Arp, Herbin, Delaunay, Kupka, Van Doesburg, Gleizes, Valmier,
Tutundjian. Devenu l'un des tout premiers peintres abstraits français,
il rencontre Léger, Calder, et va rendre visite à Naum Gabo à Berlin.
Ses tableaux, géométriques, aérés, lumineux, puissants, vont s'ordonner,
par l'introduction de lignes courbes dans l'agencement des plans, en « figures abstraites » : il déchiffre le monde à travers le filtre des formes géométriques, assez proche de celles d'un Mondrian.
Apres la Seconde guerre mondiale, Jean Hélion, dont la situation
financière a toujours été difficile, épouse Pegeen Guggenheim, fille de
la richissime et extravagante Peggy Guggenheim, avec laquelle il eut
trois enfants. ll se met dès lors à peindre d’après nature, et se
consacre à une œuvre figurative, inspirée des scènes de la vie
quotidienne. Il n'abandonnera plus l'art figuratif, allant même, dans
les années 1950, jusqu'à l'extrême et, même, au grotesque. Il peint des
natures mortes dans lesquelles il intègre des objets de la vie ordinaire
— en particulier des citrouilles, des chapeaux melon et des parapluies
—, objets chargés de symboles, qui trouvent dans ses œuvres une place
permanente. Plus tard, il passera à un compromis avec une peinture
intégrant des taches colorées.
Jean Hélion a toujours exprimer dans ses œuvres la vivacité des
couleurs et le rythme de ses compositions. Salué, dans les années 1960,
par la nouvelle génération de peintres, celle de Gilles Aillaud ou
Eduardo Arroyo, il est aujourd'hui considéré comme le précurseur des
fauves allemands des années 1970 et des figuratifs des années 1980.
Pourtant bizarrement, on retient généralement avant tout de lui son
œuvre des années 1930-1950.
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