Martiros Sergeyevich Saryan (1880-1972)
Nature morte avec mules persanes, 1913
Collection particulière
Que voit on ? Posées sur différents supports tissés très colorés : trois tasses en porcelaine ; l'une blanc-bleu et lesdeux autres à motifs Compagnie des Indes. L'une est renversée, une autre contient un citron entier, et la troisième est vide. Quelques fruits au premier plan encadrent une paire de mules persanes qui donne te titre à cette nature morte à l'atmosphère très orientale.
Lorsqu'il découvre l'Arménie en 1901, il ressent une « passion presque charnelle » pour elle, et n'a « de cesse de la représenter par des toiles inondées de lumière et vibrantes de couleurs ». Bien très influencé par Paul Gaughin, il fut le premier à réaliser la nécessité d'élaborer un style propre basé sur les anciennes traditions nationales.avec une palette « délibérément gaie, vive et colorée .
Il disait lui-même : « La couleur devrait chanter. Elle devrait exprimer la perception de l'essence de la vie qui réside en chaque être humain. En utilisant la couleur, j'augmente encore plus ce que je vois, afin que la lumière puisse être plus brillante dans mes oeuvres. »
En 1909, Sarian se tourne vers les changements réels qui affectent son temps. Il observe l'éloignement de l'homme et de la nature. Il choisit de peindre des motifs que la civilisation industrielle n'avait pas encore touchés et qui portent l'empreinte et l'enseignement d'une vie séculaire. Il devient ainsi passeur de mémoire des lieux et des jours. Il généralise à l'extrême la nature et il révèle l'expressivité des formes. Il construit l'art de sa composition sur un seul plan en répartissant régulièrement les grandes taches de couleur pure. Il s'inspire en cela du principe et de l'art de la miniature arménienne, ainsi que l'art de l'enluminure arménienne. Les couleurs de la palette de Sarian irradient la lumière. La combinaison harmonieuse et contrastée de trois ou quatre tons principaux permet au peintre d'obtenir expressivité, chaleur et surtout lumière. Cette lumière alliée à des couleurs suaves et chantantes qu'elle fait rayonner sont devenues des symboles de la patrie du peintre. Sa sagesse et son habileté ont pu le préserver des persécutions politiques dont son fils spirituel Minas Avétissian fut mortellement frappé. C'est pour cela que les historiens de la peinture arménienne ont toujours privilégié la peinture du jeune Sarian à celle plus académique du vieux peintre.
En 1960 Louis Aragon de lui : « Comme cette lumière de Rome qui nous parvient à travers les siècles français par le pinceau de Nicolas Poussin, puis de Jean-Baptiste Corot, la lumière d'Arménie nous atteint grâce à Martiros Sarian. Lumière enfin dégagée des larmes qui brouillaient la voix des poètes de Naпri, lumière enfin heureuse sur les fruits, les hommes, les montagnes, elle est un trésor retrouvé, comme si les eaux du déluge s'étant retirées, la plaine d'Erevan n'était que la pure couleur de l'avenir. Si bien que les siècles, à côté de notre Cézanne et de notre Matisse, placeront Sarian à la première place, car il est un peintre du bonheur. »
En 1980, huit ans après son décès une grande exposition lui a été consacrée au Centre Pompidou- Paris.
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