Pompei 
Nature morte au figues, poires et grenades.
Fresque de la Maison des Amants Chastes 
Musée national archéologique de Naples
Que voit-on? Sur l'étagère soigneusement rangées deux grenades, deux poires et trois figues. Au niveau inférieur un jeune et fringuant coq qui picore allègrement une grenade dérobée. 
Rappel historique : Pline l'Ancien raconte que dans la Grèce 
antique, le peintre Piraikos qui vivait au 3e siècle avant notre ère, 
vendait déjà fort cher ses " Provisions de cuisine ", des 
tableaux de chevalets représentant des victuailles ou des instantanés 
d'échoppes de cordonniers et de barbiers. Dans la hiérarchie des genres 
picturaux d'alors, ces représentations de provisions de cuisine sont
 déjà considérées comme un genre mineur... et  elles le resteront 
pendant de longs siècles... au moins jusqu'à Chardin, si ce n'est 
jusqu'à Cézanne. Genre mineur donc, loin derrière les sujets religieux, 
les portraits et les paysages, mais genre que les commanditaires 
s'arrachent pourtant !
Le grec Piraikos reste le plus célèbre des peintres de ce genre. Hélas, 
aucun exemple n'est parvenu jusqu'à nous de ces peintures des menus 
objets du quotidien par Piraikos,  peinture que l'on nommait à cette 
époque Rhyparographie .
A la même époque, un autre peintre grec, Zeuxis rivalisait avec la 
nature au point que des oiseaux voulaient picorer les raisins qu'il 
peignait et qu'il passe être l'inventeur du réalisme et  de 
l'illusionnisme, pour ne pas dire du premier trompe-l'oeil. Il faut là encore faire confiance au récit de Pline l'Ancien, car aucun exemple de cet art ne nous est parvenu.
Les premières natures mortes connues du monde occidental sont des 
fresques et des mosaïques du 1er siècle de l'ère chrétienne, provenant 
de Campanie (Herculanum et Pompéi) ou de Rome. Elles sont exécutées dans
 un style réaliste et illusionniste : fruits veloutés, poissons et 
volailles posés sur une marche de pierre ou sur deux étagères d'un garde
 manger, généralement en trompe l'œil avec des ombres portées, ou 
quelquefois dans des coupes en verre avec des transparences subtiles.
Ces peintures évoquent le xenion antique, un cadeau fait de 
denrées qu'un hôte doit offrir à ses invités. Pourtant la nature morte 
de l'Antiquité possède une autre ambition que celle du seul plaisir 
mimétique. Comme le précise Charles Sterling : « Il est clair que les
 natures mortes hellénistiques et romaines qui représentaient des mets 
prêts à être consommés comportaient une allusion épicurienne ». On 
trouve ainsi assez fréquemment des mosaïques de natures mortes et des 
vanités dans les atriums d'été romains, où les convives invités aux 
repas étaient ainsi encouragés à cueillir le jour qui passe, Carpe diem selon
 la célèbre formule d'Epicure, à profiter de la vie tant qu'il était 
encore temps de le faire. Une déclinaison plus sophistiquée de la 
tradition égyptienne pharaonique qui voulait que l'on fît passer un 
cadavre devant les convives avant de commencer un repas pour leur 
rappeler l'impermanence de la vie !  Les natures mortes garderont tout 
au long des siècles jusqu'à nos jours,  cette signification épicurienne.
 
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