Juan van der Hamen y Leon (1596-1631)
Plato con ciruelas y guindas 1627
Museo nacional del Prado, Madrid
Que voit-on ? Posées en équilibre sur une étagère très étroite, un plat en argent ou en étain, contenant deux sortes de fruits : des prunes noires et des cerises. Comme souvent chez ce peintre, cette composition très géométrique est basée sur les cercles (le plat) et les sphères (prunes et cerises). Ce sont les ombres portées du plat sur l'étagère et sur la tranche de l'étagère qui tracent les perspectives. La thématique de cette nature morte est très mystique si l'on en réfère en tout cas à la symbolique des cerises qui, par leur couleur rouge, renvoient au sang du Christ et à sa Passion. Elle symbolise aussi les bonnes œuvres en raison de sa douceur ou l’Éden auquel l’homme peut de nouveau aspirer grâce au sacrifice du Rédempteur. Dans l’iconographie chrétienne, la cerise représente un fruit du paradis, antidote à la pomme, cause du péché originel. La prune quant à elle et surtout la prune noire, ce qui est le cas ici, est symbole de l'humilité du Christ. Sur ce plat d'étain c'est donc un hommage à la passion du Christ qui est rendu. Mais c'est aussi un extraordinaire exercice pictural sur le traitement des textures, celle brillante et translucide des cerises et à l'opposé, celle mate et veloutée des prunes.
Rappel biographique : le peintre espagnol Juan van der Hamen y Leon (1596-1631) est surtout connu pour ses natures mortes et ses bouquets de fleurs bien qu'il ait peint également des motifs religieux, des paysages et des portraits. Influencé autant par Juan Sanchez Cotan que par la peinture flamande de Frans Snyders dans ses premières natures mortes, il opta finalement pour un naturalisme plus italien et introduisit beaucoup de fraîcheur dans ses compositions. Sa touche est d'une grande délicatesse et d'un absolue précision. Van der Hamen emprunte à Sánchez Cotán le style apparemment sobre de ses compositions mais aussi cette façon systématique de détacher les objets sur un fond sombre et de les éclairer d'une lumière puissante. Les arrangements en quinconces et les ombres portées renforcent l'impression de précision et révèlent que ces compositions sont finalement tout sauf simples ! A partir de 1626, Van der Hamen peint des natures mortes plus complexes que ses premières en plaçant les objets sur différents niveaux. Ce type de composition que l'on retrouve à Rome au début des années 1620 dans les œuvres de Tomasso Salini et d'Agostino Verrocchi, était déjà présent dans les natures mortes de l'Antiquité que l'on découvrira à Pompei et Herculanum au 18e siècle. Les natures mortes de Juan van der Hamen ont exercé une grande influence sur ses contemporains comme Francisco de Zurbarán et plus tard chez des peintres comme Antonio Ponce et Juan Arellano. Une des caractéristiques de la peinture de Van der Hamen, pour laquelle il était surtout connu de son vivant, résidait dans la représentation des coûteuses et luxueuses verreries de Venise ou d'Allemagne. Très préoccupé par l'agencement harmonieux des objets et la représentation précise des textures et des lumières, Van der Hamen livre toujours des compositions très géométriques où les cercles et les sphères ont un rôle primordial (comme c'est le cas ici). Contrastant avec cette sévérité géométrique, l'artiste dispose souvent ses objets sur les bords des structures ou sur des escaliers en pierre, en faisant ainsi varier leur distance à partir de la source lumineuse. Les objets représentés, fruits légumes, bois, terre cuite, et cristaux sont toujours magistralement rendus avec une science de la répartition des couleurs, des ombres, des reflets et des lumières qui en font un maître d'une sensibilité incomparable.
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Un blog de Francis Rousseau