Que voit on ? sur un plan en carreau de faience blanche comme les carreaux qui ornaient alors les couloirs du metro parisien ou des morgue dans les hôpitaux : un grand carré de linge blanc, sans un pli, figurant l'espace délimité d'un ring de box dans lequel va se jouer le match ou le drame. A l'intérieur de ce ring, le peintre a disposé une bouteille noire et sans aucune nuance (symbolisant tous les alcools) et 3 balles (elle aussi noires et sans nuances) de revolver. A cheval sur le ring et l'extérieur du ring : un revolver. En dehors du ring : un compotier vide de tous fruits, symbolisant l'absence des plaisirs de la vie, la vacuité de l'existence. En dehors du ring aussi une boîte fermée qui contient sans doute d'autres balles, pour ce qui semble être une tragique partie de roulette russe. Une nature morte dans la grande tradition des
memento mori antiques avec des éléments empruntés à la modernité et au mal de vivre des années 50, la période de l'après Seconde Guerre Mondiale.
Cette nature morte est le pendant et la conclusion de
Couvert et Compotier qui montre le peu d'appétit du peintre (un seul fruit au menu du repas) pour la vie et son peu d'espoir dans un avenir meilleur.
Rappel biographique : Bernard Buffet est un peintre français expressionniste, qui a peint aussi bien des personnages que des figures, animaux, nus, paysages, intérieurs, natures mortes, fleurs. Aquarelliste, c'est également un peintre de décors de théâtre et un illustrateur. Il remporte le concours d’entrée de l'École nationale supérieure des beaux-arts en décembre 1943 à quinze ans, passant deux ans dans l'atelier du peintre Eugène Narbonne où il est déjà considéré comme très doué. Il s'y lie notamment d'amitié avec les peintres Maurice Boitel et Louis Vuillermoz.
En 1947, il expose L'Homme accoudé au Salon des indépendants et en décembre a lieu sa première exposition particulière présentée par Pierre Descargues, à la Librairie des impressions d'art. On y reconnait déjà un graphisme très caractéristique qui sera tout au long de sa vie, la marque du peintre. L'État, par l'intermédiaire de Raymond Cogniat, lui fait son premier achat pour le Musée national d'art moderne de Paris avec la peinture Nature morte au poulet. En 1955, il obtient la première place au référendum organisé par la revue Connaissance des arts désignant les dix meilleurs peintres de l'après-guerre. Il peint les maquettes des décors et des costumes pour
La Chambre argument de Georges Simenon qui devient son ami. Élu à l’Académie des beaux-arts au fauteuil de Paul Jouve, Bernard Buffet est alors le plus jeune académicien jamais élu sous la coupole.
En 1978, à la demande de l’administration des postes, Bernard Buffet réalise une maquette pour un timbre de trois francs
L’Institut et le Pont des arts. À cette occasion le musée postal à Paris présente une exposition rétrospective de ses œuvres. Dans les années 1970-80, Bernard Buffet est un artiste au sommet de sa gloire que les critiques n'épargnent pas, comme tout artiste qui connait un grand succès de son vivant. Ils lui reprochent principalement le " statisme " de sa touche dans laquelle ils décèlent peu d'évolutions au cours des années, le traitant volontiers de " peintre académique ".
Au début des années 1980 son œuvre immense, est plus appréciée à l'étranger qu'en France, et principalement en Extrême Orient, aux Etats-Unis, en Amérique du sud et au surtout Japon où elle connait un succès considérable et où lun musée est spécifiquement construit pour lui à Surugadaira, ce qui, à cette époque, est inédit pour un peintre vivant.
En 1986, sa femme et modèle favori, Annabel, publie
D’amour et d’eau fraîche ; la même année sortent les deux premiers volumes de la monographie de Yann Le Pichon,
Bernard Buffet, couvrant la période 1947-1982, qui obtiennent immédiatement le Prix Élie Faure.
Bernard Buffet, diminué par la maladie de Parkinson, se suicide par asphyxie, le 4 octobre 1999, dans son atelier du Domaine de la Baume près de Tourtour (Var), étouffé dans un sac en plastique noir sur la surface duquel son nom était dessiné avec sa calligraphie si caractéristique ; dernière mise en scène un rien macabre d'un très grand artiste du 20e siècle, qui toute sa vie avait adoré mettre en scène sa propre existence. En novembre 2007, paraît le troisième et dernier volume de la monographie de Yann Le Pichon, couvrant la période de 1982 à 1999.
En 2016- 2017, le MAM (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris), rend hommage au peintre à travers une exposition où sont présentées toutes les acquisitions du musée faites dans les années 47- 55 et quelques chef d'oeuvres prêtées par le musée Bernard Buffet de Surugadaira.
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2017 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau