Luis Egidio Melendez (1716-1780)
Bodegón de Pan y Cariño, 1772.
Huile sur toile, 41 x 62 cm
Museo del Prado, Madrid
Que voit on ? Sur un entablement de bois, une composition plus inhabituelle qu'il parait au premier coup d'œil. Certes on retrouve dans le pain en couronne tressée, la maitrise absolue dans ce sujet de celui que l'ion surnomme même parfois "Le Maitre du Pain. A l'arrière de la couronne posée sur un linge immaculé, un petit tonneau contenant une bouteille d'un breuvage dont on ne saura rien, si ce n'est qu'il doit être conservé au frais et à l'abri de la lumière (huile? liqueur précieuse? potion ? remède ?...). A côté de la couronne de pain, un plateau d'argent dans lequel est entreposé un met a la surface réfléchissante comme un miroir et dont on peut penser qu'il s 'agit de miel liquide. L'étrangeté commence avec ce verre vide posé sur un plateau d'argent à pied qui fournit, au passage, au peintre, l'opportunité de se livrer à un merveilleux exercice de style sur les reflets. Et aussi avec cette fourchette qui indique la perspective à la place du couteau habituellement utilisé à cette fin dans à peu près toutes les natures mortes. La nature morte est elle destinée à un malade dont elle représente le remède et son mode d'administration ?...
Rappel biographique : Le peintre espagnol d'origine napolitaine,
Luis Egidio Melendez a fait carrière presque exclusivement à Madrid. Contemporain de
Goya, il est considéré aujourd'hui comme l’un des meilleurs peintres de natures mortes du 18e siècle, réputation qu'il n'avait pas de son vivant qu'il a passé dans une misère noire. C'est son père, Francisco Meléndez et Louis Michel van Loo (dont il est l'assistant de 1742 à 1748) qui assurent sa formation de peintre.
Le futur Charles IV d'Espagne lui commanda une grande série de natures mortes (dont celle ci-dessus) dont une partie importante est aujourd'hui conservée au musée du Prado à Madrid.
Ses toiles peintes dans de petits formats (jamais plus de 50 cm) dans la grande tradition de l'austérité espagnole, n'en foisonnent pas moins d'une minutie des détails. toujours peints avec une absolue perfection. La composition simple et le contraste clair-obscur, s’inscrivent dans la tradition des natures mortes baroques de
Zurbaran et de
Cotan. Comme eux, Meléndez étudia les effets de lumière, la texture et la couleur des fruits et des légumes, ainsi que celles des récipients en céramique, verre et cuivre ou pailles. À la différence des maîtres du 17e siècle, il présente le sujet plus près du spectateur, en légère plongée. Ce sont des objets disposés sur une table, ce qui donne à ses formes une certaine monumentalité. Le genre permet au spectateur d’étudier l’objet par lui-même. Les fonds sont neutres, et c'est un puissant éclairage qui mettent valeur les contours de l’objet. C’est ainsi qu’il représente le duvet des fruits, les transparences des peaux des raisins, les intérieurs brillants des pastèques et quelquefois les accidents présents à la surface des fruits (comme ici avec les figues vertes).
Chaque toile de Meléndez est minutieusement composée et fait l'objet d'un mise en scène précise afin de créer le plus grand réalisme possible. Les « grands thèmes » n’intéressèrent jamais Meléndez qui portent surtout son attention sur les choses de la vie quotidienne, sur l’observation et l’étude de la nature. Il fut souvent comparé à
Chardin, jusqu'à être même parfois surnommé le « Chardin Espagnol » ce qui est assez stupide eut égard au caractère unique de son style et à tout ce qui différencie ces deux grands peintres.
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