Nicolas Henri Jeaurat de Bertry (1728-1796)
Buste de femme et panier d’osier rempli de feuilles de musique disposés près d’un bureau en marqueterie, 1777
Collection particulière
Que voit on ? Exactement ce que décrit le titre très précis donné par le peintre à cette nature morte d'objets, dont certains cependant échappent à sa description, comme ce cachet de cire sur un bureau surchargé de documents en tous genres qui vont du Dictionnaire de l'Industrie à une Oraison Funèbre ( si l'on en juge par ce que l'on lire !). Nous sommes visiblement dans le bureau de quelqu'un de très affairé et qui n'aime pas avoir froid, la présence d'une pince à bûches à droite de la composition attestant de la proximité de la cheminée, que l'on imagine ronronnante.... à moins que ce monsieur ne collectionne les papiers à brûler !
Rappel biographique : Fils
d’Edme Jeaurat, graveur du Roy, Jeaurat de Bertry a étudié avec son
oncle, le peintre Etienne Jeaurat. Il a établi sa réputation dans la
nature morte, genre où il excellait, réussissant à saisir les objets de
la vie quotidienne avec un détail et une vitalité rappelant le maitre du
genre, Chardin,
mais pour un critique comme Théodore Lejeune : « Autant Chardin excelle
dans le clair-obscur, autant Jeaurat est cru et sec. » Fait remarquable
et rare, il a été à la fois nommé et reçu, par accord verbal de
l’assemblée, académicien et professeur à l’Académie royale de peinture
et de sculpture, le même jour, le 31 janvier 1756, avec deux natures
mortes comme morceaux de réception : l’un, Ustensiles de cuisine près
d’un petit fourneau en terre allumé qui rappelle l’esprit de Chardin et
l’autre ses trophées militaires.
L’année suivante, il a prйsentй au
Salon de 1757 trois natures mortes représentant des instruments de
musique, une allégorie de la guerre, une de la science, qui ont attiré
une critique favorable du Mercure d’octobre : « On a vu avec plaisir trois tableaux de M. Jeaurat de Bertry : ils sont d’une belle imitation et bien grouppés. »
On ignore où se trouvent ses dernières oeuvres, mais le tableau aux
instruments de musique, signé et daté de 1756, actuellement dans les
collections du musée Carnavalet, semble être le premier de ces trois
tableaux au Salon. Quelques natures mortes de la Réunion des Musées
Nationaux (dont celui de Cambrai) attribuées un temps par erreur à Chardin et à Henri- Horace Roland de La Porte, l’un contenant même son monogramme "JB", lui ont récemment été réattribués.
En 1761, il est nommé peintre et pensionnaire de Marie Leszczynska et signe ses lettres du titre de « peintre de la Reine ».
Reconnu, il quitte Paris pour s’installer Versailles où il résidera
jusqu’à la mort de la reine en juin 1768. Le 1er juillet de la même
année, il reçoit une pension de 400 livres de gratification annuelle, «
en considération des services qu’il a rendus а la feue Reine, pour
l’amusement de cette princesse dans l’art de la peinture. » Il repart
alors pour Paris d’où il ne sortira plus , exception faite d’un second
séjour de quatre ans à la cour.
Pendant la Révolution, il se
concentrera sur le portrait, certains de nature satirique voilée, ainsi
que sur les constructions allégoriques comportant des portraits, le
drapeau tricolore, les pyramides et l’oeil maçonnique. Au Salon de 1796,
il expose le Portrait du Citoyen Gelé à l’instant où il reçoit le brevet d’imprimeur de la Gendarmerie nationale. Au même Salon, il expose encore une Vue de la collégiale et du pont de Corbeil, où il évoque sa propre disparition avec un coche descendant passant sous le porche de la collégiale.
Le fait qu'il fut comblé d'honneur par la reine, ne lui valut pas que
des amis et l'on fut bien sévère avec ce peintre dont le talent mérite
aujourd'hui largement d'être débarrassé des jalousies opportunistes de
son époque.
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