Bernard Lorjou (1908-1986)
Nature morte aux fruits, 1967
Collection privée.
Que voit on ? Dans le style toujours vif qui est le sien (certains diront "agressif"!) Lorjou donne ici une de ses plus flamboyantes natures mortes. des années 60. A gauche : une pastèque, un citron et une pomme verte sur un entablement blanc .A droite :un pot contenant deux fleurs. Un petit chef d'œuvre totalement laissé dans l'ombre au 21e siècle... comme son auteur lui-même d'ailleurs qu'une malédiction semble avoir frappé !
Rappel biographique : Bernard Lorjou est un peintre français qui
a bénéficié de son vivant d'une importante notoriété et qui a été
totalement oublié depuis son décès. Tant mieux diront certains ! Pendant
les années 1950, il est, avec Bernard Buffet, Jean Carzou et Alfred
Manessier l'un des peintres français les plus cités et les plus célèbres
d'alors. Dans les années 1920, alors qu'il fréquente les anarchistes du
Libertaire, il découvre l'oeuvre d'Edouard Manet et veut devenir
peintre. En 1925, il entre à l'atelier de dessin François Ducharne, où
il devient maquettiste et dessinateur en soierie. Plus tard, ses
créations dans ce domaine habillent des célébrités comme la duchesse de
Windsor ou Marlène Dietrich. Puis sans en avoir jamais suivi de cours
de beaux arts pour apprendre son métier ou même l'histoire de l'art, il
devient peintre de façon autodidacte et il fonde le mouvement
anti-abstrait « L'Homme témoin de son temps ». La première
exposition du groupe a lieu а Paris en 1948. La même année, il partage
avec Bernard Buffet le Prix de la critique. Ce dernier participe à la
seconde exposition de l'Homme témoin en 1949. La troisième et
dernière a lieu en novembre 1962 devant une assistance très clairsemée.
En 1953, il rencontre Domenica Walter-Guillaume qui le met en relation
avec le marchand d'art Georges Wildenstein, Edgar Faure, Arthur
Honegger et d'autres personnalités très influentes dans ces années là.
Farouche adversaire de l'art abstrait, Lorjou le qualifia dans une
lettre ouverte au président de la République de façon pour le moins"
réactionnaire" « d'imbécile, apatride, vide, art de dégénéré… devenu par la volonté de votre ministre de la Culture, l'ART officiel français ». Le ministre en question n'était autre qu'André Malraux qui n'apprécia que très moyennement !
Personnage irascible, fantasque et peu sympathique, Lorjou fait
circuler en 1977 une pétition pour la défense de l'Art français et
contre le Centre Beaubourg qu'il n'hésite pas à qualifier de Centre de Merde parce qu'il représente pour lui cet art officiel qu'il exècre particulièrement.
D'un style onirique figuratif, il est souvent considéré par la critique
comme un expressionniste tardif. Artiste autodidacte, il s'était
définit lui-même comme « la bête noire » des conservateurs de
musées. Ses excès langagiers et sa pensée souvent aigre lui garantissent
un purgatoire qui durera longtemps !
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