lundi 30 octobre 2017

Eliot Hodgkin (1905-1987) Black Grapes


Eliot Hodgkin (1905-1987)
Black Grapes

Que voit on ? Deux grappes de raisins posées sur un linge dans une cagette en bois blanc. Magnifique travail proche du travail photographique sur la différence de texture des grains de raisins, du bois, du tissu, du papier...

Rappel biographique : Le peintre britannique Eliot Hodgkin a réalisé de nombreuses natures mortes de plantes, de fruits, de légumes et d'autres objets inanimés avec une précision digne des grands illustrateurs botaniques des siècles passés. Cette grande précision et le luxe de détails de ces planches l'ont rendu grandement apprécié des botanistes et des scientifiques agissant dans le domaine environnemental. Hodgkin occupe une place réellement à part dans l'histoire de la nature morte au 20e siècle. La Royal Academy of Arts conserve, et aussi plusieurs dessins et tableaux de ce peintre dont l'oeuvre est hommage frontal, obstiné et très figuratif à l'environnement  dans un siècle qui a grandement participé à sa destruction. Après sa mort, plusieurs œuvres de sa collection furent vendues chez Christie's.

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2017 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau

dimanche 29 octobre 2017

Henri Matisse (1869-1954) - Pêches


Henri Matisse (1869-1954)
Pêches, 1920
Collection privée

 Que voit on ? Sur un entablement recouvert d'une nappe à carreaux, reposant sur un drapé blanc dans un plat en céramique vernissée : trois pêches et une branche de verdure. Le décor est celui d'une scène d'intérieur.

Rappel Biographique : Le peintre français Henri Matisse, chef de file du Fauvisme figure majeure du 20e siècle, a peint tout au long de sa vie, un très grand nombre de natures mortes dans des styles aussi différents que les périodes qu'il a traversées. Il aimait particulièrement ce genre à tel point qu'une de ses toutes premières peintures connues, actuellement conservée au Musée Malraux du Havre (France) est une nature morte, Nature morte au pichet peinte en 1896-97. Les animaux marins, les poissons et les mollusques dont les huitres, fréquents chez Matisse, sont toujours des signes de son évolution vers une peinture simplifiée et synthétique. Son maître, Gustave Moreau lui avait dit avec clairvoyance et d’un léger ton de reproche : « Vous allez simplifier la peinture… » ou encore, « Vous n’allez pas simplifier la peinture à ce point-là, la réduire à ça. La peinture n’existerait plus… ». Il a aussi beaucoup regardé les estampes d’Hiroshige ou d’Hokusaï, dont on retrouve souvent  l’influence chez lui dès lors qu'il s 'agit de peindre la mer et les poissons. 

samedi 28 octobre 2017

Pompei - Grives et lactaires



Pompei 
Grives et lactaires
Musée archéologique de Naples 

 Que voit on ? Réparti sur deux étages comme c'était la règle dans les natures mortes antiques : un amoncellement de lactaires au bas de la composition et trois grives dont une repose en équilibre sur la tranche de l'étagère et forme avec les deux autres, une sorte de trident inversé par lequel cette composition très intemporelle gagne son équilibre.

Rappel historique : Pline l'Ancien raconte que dans la Grèce antique, le peintre Piraikos qui vivait au 3e siècle avant notre ère, vendait déjà fort cher ses " Provisions de cuisine ", des tableaux de chevalets représentant des victuailles ou des instantanés d'échoppes de cordonniers et de barbiers. Dans la hiérarchie des genres picturaux d'alors, ces représentations de provisions de cuisine sont déjà considérées comme un genre mineur... et  elles le resteront pendant de longs siècles... au moins jusqu'à Chardin, si ce n'est jusqu'à Cézanne. Genre mineur donc, loin derrière les sujets religieux, les portraits et les paysages, mais genre que les commanditaires s'arrachent pourtant !
Le grec Piraikos reste le plus célèbre des peintres de ce genre. Hélas, aucun exemple n'est parvenu jusqu'à nous de ces peintures des menus objets du quotidien par Piraikos,  peinture que l'on nommait à cette époque Rhyparographie .
A la même époque, un autre peintre grec, Zeuxis rivalisait avec la nature au point que des oiseaux voulaient picorer les raisins qu'il peignait et qu'il passe être l'inventeur du réalisme et  de l'illusionnisme  ne peinture, pour ne pas dire du premier trompe-l'oeil. Il faut là encore faire confiance au récit de Pline l'Ancien, car aucun exemple de cet art ne nous est parvenu.
Les premières natures mortes connues du monde occidental sont des fresques et des mosaïques du 1er siècle de l'ère chrétienne, provenant de Campanie (Herculanum et Pompéi) ou de Rome. Elles sont exécutées dans un style réaliste et illusionniste : fruits veloutés, poissons et volailles posés sur une marche de pierre ou sur deux étagères d'un garde manger, généralement en trompe l'œil avec des ombres portées, ou quelquefois dans des coupes en verre avec des transparences subtiles.
Ces peintures évoquent le xenion antique, un cadeau fait de denrées qu'un hôte doit offrir à ses invités. Pourtant la nature morte de l'Antiquité possède une autre ambition que celle du seul plaisir mimétique. Comme le précise Charles Sterling : « Il est clair que les natures mortes hellénistiques et romaines qui représentaient des mets prêts à être consommés comportaient une allusion épicurienne ». On trouve ainsi assez fréquemment des mosaïques de natures mortes et des vanités dans les atriums d'été romains, où les convives invités aux repas étaient ainsi encouragés à cueillir le jour qui passe, Carpe diem selon la célèbre formule d'Epicure, à profiter de la vie tant qu'il était encore temps de le faire. Une déclinaison plus sophistiquée de la tradition égyptienne pharaonique qui voulait que l'on fît passer un cadavre devant les convives avant de commencer un repas pour leur rappeler l'impermanence de la vie !  Les natures mortes garderont tout au long des siècles jusqu'à nos jours,  cette signification épicurienne.

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vendredi 27 octobre 2017

Pablo Picasso (1881-1973) - Nature morte aux verre et à la pomme


Pablo Picasso (1881-1973)
Nature morte aux verre et à la pomme (1914)
Collection particlulière

Que voit on ? Dans une manière qui préfigure la période cubiste du peintre, un verre à godrons, une demie pomme et une boite posée sur un lit de lettres et de papiers divers dont certains (à gauche) semblent être des aquarelles.

Rappel biographique :  Pablo Ruiz Picasso est l'auteur d'un oeuvre immense, tous genres confondus, que l'on chiffre à près de 50 000 pièces. Les premiers collages et assemblages sont réalisés pendant l'hiver 1912, Nature morte à la chaise cannée (Paris, Musée Picasso), Guitare(s) en carton (Paris, Musée Picasso). A partir des années 20 ses natures mortes seront très proches, sur la même ligne de conception " cubiste analytique " que celles de George Braque, dont il devient un temps l'intime avant de s'en séparer définitivement.  Il y eut une connivence d'inspiration très rare entre ces deux peintres pendant une certaine période de leur vie et en particulier dans le domaine du traitement de la nature morte.  Picasso a peint énormément d'autres natures mortes après la Seconde guerre mondiale et hors de la période cubiste, mais malgré leur impressionnante quantité, rapportées à la masse énorme de sa production, elles ne constituent pas un genre qui tient autant de place dans son oeuvre que dans l'oeuvre de Georges Braque.

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jeudi 26 octobre 2017

Adrian Stokes (1902-1972) - Still Last Eleven n° 11


Adrian Stokes (1902-1972)
 Still Last Eleven n° 11
 Tate London 

 Que voit on ? Comme dans toute cette série très proche du style de Turner : des contenants (bol, bouteille, vase...)  surgissant d'une brume de couleurs de laquelle ils semblent formés et dont ils paraissent indissociables... bien que clairement dissociés.

Rappel biographique :  Adrian Stokes - à ne pas confondre avec son homonyme l'architecte Victorien Adrian Scott Strokes (1854-1935) - fut surtout célèbre comme auteur de livres et d'articles sur  Henry Moore (1898-1986), Ben Nicholson (1894-1982) et Barbara Hepworth (1903-1975), de même que  pour son érudition concernant la Renaissance italienne. Mais Adrian Strokes peignit aussi des paysages, des nu et des natures mortes se caractérisant par une monochromie qui rend toujours les sujets  indistincts les uns des autres. Un style qui rend ses toiles immédiatement identifiables.  Stokes a appris à peindre de façon autodidacte dans les années 1930, ne voulant pas se contenter d'être un critique d'art qui ne savait comment les peintres peignaient.  Il exposa ensuite à Londres dans les années 1950 et 1960, mais resta un artiste très confidentiel, seulement apprécié de l'intelligentsia britannique, sans jamais être célèbre hors des frontières du Royaume-Uni. Ayant suffisamment de moyens financiers pour ne pas avoir besoin de vendre son travail, il ne chercha jamais à le promouvoir auprès du grand public. Son écriture pictural est réputée " abstraite et psychanalytique ", plus en  rapport avec la perception de la forme qu'avec la description elle-même de la forme. Il fut un grand admirateur de la psychanalyste américaine Melanie Klein (1882-1960) dont la pensée influença beaucoup l'écriture de Stokes. A la fin de sa vie, voici ce que Stokes écrivait sur Turner, et qui d'un certaine manière pourrait s'appliquer à sa propre peinture qui en est - à bien des égards - très proche : " Il y a une longue histoire  "d'indistinction" des formes dans l'art de Turner, liée à ce que j'ai appelé une  "qualité enveloppante " qui ne concerne pas seulement le tableau lui-même mais aussi le rapport enveloppant du spectateur au tableau  ". Et en effet les peintures de Stokes s'appliquent à représenter des objets dont la substance est rendue indistincte et ce par l'usage de pinceaux cassés qui transmettent une lumière légère, dissolvant littéralement la distinction entre les formes et leur support. En 2001, la Tate de Londres a reçu le legs de huit peintures de Stokes (des natures mortes principalement) données par son ami et admirateur, le critique d'art David Sylvester (1924-2001).

mercredi 25 octobre 2017

Othon Friesz (1879-1949)


Othon Friesz (1879-1949)
Nature morte aux poires
Collection privée

Que voit-on ? Dans un plat en céramique vernissée,  quelques poires qui semblent danser... l''ensemble de la composition d'ailleurs semble danser !

Rappel biographique :  Achille-Emile Othon Friesz, dit Othon Friesz, qui signait E. Orthon Friesz est un peintre et graveur français.  Othon Friesz est, avec Georges Braque et Raoul Dufy, l’élève de Charles Lhuillier à l’Ecole municipale des beaux-arts du Havre. Une bourse lui permet d’entrer à l’Ecole des beaux-arts de Paris dans l'atelier de Léon Bonnat en 1897, mais il préfère se former en fréquentant le musée du Louvre. D’abord influencé par les impressionnistes, puis par Vincent van Gogh et Paul Gauguin, quelques-unes de ses toiles sont exposées au Salon d'automne de 1905, avec des œuvres d'Henri MatisseAlbert Marquet et Henri Manguin. Les aplats de couleurs éclatantes et la nervosité du dessin donnent la sensation au spectateur de pénétrer dans une « cage aux fauves ». C’est le début du fauvisme, dont il va devenir l’un des représentants.
А l’été 1906, il effectue un séjour à Anvers avec Georges Braque, travaillant sur les mêmes sujets, puis, l’année suivante, à l’Estaque et La Ciotat, transposant sur leurs toiles la lumière du Midi. De retour à Paris, tandis que Braque élabore avec Pablo Picasso qu’il vient de rencontrer, les fondements du cubisme, Friesz poursuit un naturalisme influencé par Paul Cézanne et réalise des paysages, des natures mortes et des marines plus traditionnels, tout en conservant de sa période fauve l’énergie du trait et le goût affirmé pour la couleur et les contrastes forts.
En 1912, il ouvre son premier atelier en Normandie puis, de retour а Paris en 1919, il voyage dans le Jura et en Italie et commence а enseigner le dessin а l'Académie de la Grande Chaumière en 1921, et à l'atelier de peinture A de l'Académie scandinave. En 1937, il réalise la décoration du Palais de Chaillot avec Raoul Dufy. Outre ses peintures, il produit un grand nombre de dessins, de gravures et de lithographies.  De 1914 а son décès en 1949, il occupe un atelier au no 73 rue Notre-Dame-des-Champs à Paris. Othon Friesz est inhumé à Paris au cimetière du Montparnasse (27e division). Sa tombe est ornée de son portrait en médaillon en bronze par Paul Belmondo.

mardi 24 octobre 2017

Milton Avery (1885-1965) - Dark Still Life


Milton Avery (1885-1965)
Dark Still Life
Private collection 

Que voit on ? Sur un fond très sombre bleu nuit et un entablement noir : un vase vert, un vase rouge, contenant une fleur, une coupe blanche, très blanche et un plat vert ressemblant étrangement à un fauteuil dans lequel se prélasse un légume... mauve et rose !

Rappel biographique :  Milton Clark Avery est un artiste peintre américain de figures, portraits, animaux, intérieurs, paysages et quelques rares natures mortes. S'il existe un lien entre le monde de la peinture traditionnelle américaine du début du 20e siècle et de celui de l'expressionnisme abstrait autour de 1945, c'est bien Milton Avery qui l'a créé. On ne lui connait aucune formation particulière, sinon en 1913 un cours de dessin d'après nature donné par Charles Noël Flagg à la Connecticut League of Art à Hartford. En 1925, il épouse Sally Michel, également peintre, dont on retrouve l'image dans les nombreux portraits exécutés par son époux. Sa première exposition personnelle a lieu en 1928, elle est suivie d'autres à partir de 1940.
Après la période Fauve de ses débuts, qui lui a permis de jouer avec de riches couleurs, il atténue sa palette et simplifie ses compositions qui tendent vers un dépouillement de plus en plus grand. Ses sujets restent simples tels que Rothko les définit. C'est dans un style presque Intimiste - Avery peignant son atelier, sa femme Sally, sa fille March, Central Park, les plages et montagnes où il passait l'été, des vaches, des poissons, des vols d'oiseaux, ses amis réunis dans son atelier...- qu'il peint des œuvres aux formes simplifiées, aux plans colorés, découpés, dans un espace à deux dimensions, évoquant l'art de Matisse. Toutefois, ses peintures ne sont jamais brillantes quoique très riches. Il maîtrise fort bien ses rapports de couleurs dont les contours peuvent être parfois fluides, créant une sorte d'osmose entre elles. L'art de Milton Avery rejoint ainsi, peu à peu l'abstraction expressionniste de Rothko et de Adolph Gottlieb. Ensemble, ils ont participé à de longues conversations hebdomadaires qui ont facilité la naissance de la peinture abstraite américaine d'après guerre et plus particulièrement de l'Ecole de New York.
Une grande rétrospective lui a été consacrée en 1952 au Baltimore Museum, puis à la Fondation Ford et au Whitney Museum en 1960. Une autre rétrospective posthume fut présentée à Lincoln puis à Little Rock en 1966, puis deux autres encore en 1983, à la Albright-Knox Art Gallery de Buffalo et au Minneapolis Institute of Arts. 

lundi 23 octobre 2017

Nicolas de Staël (1914-1955) - Nature morte aux poires sur fond vert et orange


Nicolas de Staël (1914-1955)
Nature morte  aux poires  sur fond vert et orange
Collection privée

Que voit on ? Trois poires  (plus beiges que jaunes) peintes sans nuances mais avec une expressivité intense, sur un plat d'une  blancheur éclatante. Le reste de la composition est occupé par deux larges bandes de vert en bas et d'orange (tournant au rouge) en haut, le rouge qualifié d 'oranger par Staël occupant plus d'espace que le vert.

Rappel biographique : Le peintre français d'origine russe Nicolas de Staël, né baron Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein, est issu d'une branche cadette de la famille de Staël-Holstein. Plus d'un demi siècle après sa mort, il reste l'un des peintres les plus marquants du 20e siècle posant un problème aux historiens de l'art qui ne savent pas dans quelle catégorie le classer, ce qui doit le réjouir post mortem, lui qui détestait les catégories et les courants.
La réinvention de la figuration opérée par Staël a été mal comprise alors qu'elle anticipait d'une vingtaine d'année l'évolution générale de l'art. Il a « retrouvé le visible sans renoncer aux possibilités expressives et à la liberté d'action qui définissent la peinture contemporaine»  alors que Paris perd sa place de capitale des arts, dès les années 1960, sous l'effet du marché de l'art et de la surenchère : " on y est devenu incapable de discerner le pastiche de l'original " selon Umberto Eco.
Selon Marcelin Pleynet et Michel Seuphor : « ...il faut tenir compte de Nicolas de Staël, vu et revu souvent avec et travers l'avant-garde américaine de années cinquante. Ces nouveaux mouvements d'abstraction suivent le cheminement de Staël, délaissant la peinture gestuelle pour une peinture brossée, voir maçonnée ». Peu exposé de son vivant, son œuvre a donné lieu à de nombreuses manifestations posthumes qui ont confirmé sa stature sur le plan international. " Staël fut le plus puissant créateur de sa génération dans l'École de Paris de l'après-guerre, sur laquelle il a exercé une forte influence Il a été le premier à dépasser l'antinomie  abstraction-figuration ".
Nicolas de Staël meurt à 41 ans en se jetant de la terrasse de l'immeuble où il avait son logement et un de ses ateliers à Antibes. L'ensemble de son oeuvre s'étend sur 15 années. Il a peint, à partir de 1952, plusieurs natures mortes dont quelques unes sont aujourd'hui conservées et exposées au Musée Picasso d'Antibes à quelques pas de son ancien atelier. Plusieurs sont présentées sur ce blog.


2017 - A Still Life Collection 

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dimanche 22 octobre 2017

Paul Cézanne (1839-1906) - Quatre pommes


Paul Cézanne (1839-1906)
Quatre pommes 
Collection privée. 

Que voit on ? Cézanne qui s'empare du sujet de nature morte favori de Courbet : les pommes ! Pas de mots pour décrire la beauté et l'intensité de cette composition si simple, si moderne, si émouvante...

Rappel biographique : Parmi les quelques 900  tableaux et 400 aquarelles que Paul Cézanne,  ce sont  les natures mortes qui arrivent en tête , et notamment les pommes qui arrivent en tête de ses premières « obsessions picturales ». Pour Cézanne, la nature morte est un motif comme un autre, équivalent à un corps humain ou à une montagne, mais qui se prête particulièrement bien à des recherches sur l'espace, la géométrie des volumes, le rapport entre couleurs et formes : « Quand la couleur, est à sa puissance, la forme est à sa plénitude » disait-il. Incomprises en leur temps, les natures mortes de Cézanne sont devenues depuis lors l'un des traits caractéristiques de son génie.

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samedi 21 octobre 2017

Michiko Kon (bn 1955)



Michiko Kon (bn 1955)
Octopus and Melon
Private collection

Que voit-on ?  L'univers très imaginatif de l'artiste japonaise Michiko Kon propulse la nature morte vers des horizons toujours surprenants mais qui ne sont pourtant pas totalement inconnus, certains artistes les ayant explorés dès les 16e et 17e siècle exactement comme elle le fait. Ici, elle propose  une confusion-interrogation inédite (et assez dérangeante comme à son habitude) sur les textures entre la chair du melon et celle de la  pieuvre.... et cela à l'extérieur du fruit-mollusque comme à l'intérieur où un insecte (symbole de mort) a élu domicile. Les cerises elles par contre sont bien des cerises !

Rappel biographique : Michiko Kon (今道子)  est une photographe japonaise née en 1955 qui a étudié pendant deux ans au Tokyo Photographic College. Dans ses photographies, généralement en noir et blanc, influencée par le surréalisme, Michiko Kon associe aliments et objets ou vêtements dans des natures mortes. Certains commentateurs ont vu dans cet aspect de son œuvre une critique de la société de consommation et de l'atmosphère de la Bubble economy qui régnait au Japon dans les années 80 et 90. Cette interprétation a surpris la photographe elle-même. Dans d'autres photographies, Michiko Kon utilise le principe du collage pour placer des objets insolites au milieu de fleurs ou d'aliments. Depuis 2012, Michiko Kon intègre dans ces photographies de vieilles photos de famille ou des objets japonais anciens ; elle joue ainsi avec les concepts de nostalgie et entame un dialogue sur la vie, la mort et le passage du temps, ce qui est un des thèmes fondamentaux des natures mortes depuis l'Antiquité. Ses natures mortes peuvent être aussi vues et lues sous un angle tout simplement humoristique. 

jeudi 19 octobre 2017

Johann Georg Hinz (1630-1688) - Nature morte aux fruits, verres et boissons


Johann Georg Hinz (1630-1688)
 Nature morte aux fruits, verres et boissons

Que voit on ?  Ce que le titre décrit posé sur une somptueux entablement de marbre partiellement recouvert d'un magnifique tapis de Smyrne. Tout est précieux et luxueux dans cette composition au verre de bière. Le zeste du citron déroulé de façon très ostentatoire de part et d'autre de l'entablement met en garde le spectateur contre la futilité du luxe et l'amertume de  posséder des biens terrestres face a la vie qui s'écoule inexorablement.

Rappel biographique  :  Très peu de renseignements sur le peintre Johann Georg Hinz qui signait Hainz, Heintz ou Hintz, si ce n'est qu'il était originaire de Hambourg. Hinz est considéré comme le tout premier et le plus important peintre de natures mortes de l'Ecole de Hambourg. Son travail atteste de sa parfaite connaissance des maitres Néerlandais qu'il est supposé avoir connu à Amsterdam et Haarlem. Il fut renommé pour ses natures mortes d'apparats, ses trompes l'oeil, et ses compositions florales.
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mercredi 18 octobre 2017

John Stewart (1919-2017)


John Stewart (1922-2017)
Artichauts amoureux, 1995

 Que voit-on ? Sur un entablement de bois fendu par les intempéries et le temps, tenus à l'écart du reste des légumes dans un vieux journal qui les enrobent  deux artichauts... en forme de coeur évidemment... D 'où le titre !

Rappel biographique : John Stewart est né à Londres en 1919 puis a été élevé à Paris. En 1951, sa rencontre avec Henri Cartier-Bresson, lors de l’inauguration de la Chapelle de Matisse à Vence marque  «l’instant décisif» de sa vie de photographe. Il se remettait alors de six années de guerre dans l’armée britannique, dont trois ans et demi dans des camps de prisonniers japonais en Thaïlande sur la Rivière Kwai.  II devait sa survie à l’apprentissage de la langue japonaise, qui lui permit d'acquérir le statut de prisonnier-interprète, moins pénible que celui de manœuvre. Son endurance morale, sa résilience, même se résume dans ce conseil :  " Quoique qu’il se passe, ne jamais perdre l’émerveillement d’être en vie et toujours rester en mesure de se dire, aujourd’hui j’ai vu ou senti ceci, que je n’aurais jamais pu connaître auparavant ".  Avant le milieu des années 50, fort de sa passion pour la photographie, il part s'installer à New York où il devient rapidement, aux côtés de Richard Avedon et d’Irving Penn, l’un des collaborateurs d’Alexey Brodovitch pour le prestigieux magazine de mode Harper’s Bazaar. Puis c'est la revue Fortune qui fait appel à lui et lui permet de photographier des personnalités aussi diverses qu'Andy Warhol ou Muhammnad Ali. Dans les années 50 toujours, à la demande de Diana Vreeland et d’Alex Liberman,  il travaille plusieurs années pour un autre grand magazine de mode, celui de de Condé Nast cette fois ci, Vogue, dont c'est véritablement dans ces années là, la période d'or.
Une deuxième aventure asiatique s'offre à lui quand on lui propose le poste de conseiller technique pour le film Le Pont sur la Rivière Kwai tourné au Sri Lanka. C’était le début de nombreux voyages en Asie – une année entière au Ladakh, la remontée de la Rivière Kwai et l’entrée en Birmanie avec les « guerilleros », deux mois dans une province du Tibet interdite aux étrangers, et en 1996 l’établissement d’une organisation caritative (ONG) avec Michèle Claudel au Cambodge.
En 1976, après 20 années de photographie de reportage, de mode et de publicité aux Etats-Unis et en France, John Stewart change de braquet et décide de développer un travail plus personnel.
De retour en France, tournant résolument le dos à la photographie en couleur qui fit sa réputation dans les magazines, il se passionne pour la nature morte et devient un maître du noir et blanc et des tirages d’art avec l’aide de la famille Fresson, dont la technique de tirage au charbon contribue largement au rendu unique de ses natures mortes. Le tirage au Charbon a été élaboré en 1890 par Michel Fresson. qui  utilisait, comme pigment, le pied de vigne calciné plutôt que les sels d’argent, base de toute la photographie jusqu’à l’arrivée du numérique.  Sa pratique requiert un long travail (trois jours pour sortir un tirage 60x80 cm), et une étroite collaboration entre le photographe et  le tireur pour arriver à un résultat d’une résonance et d’une richesse caractéristiques du “charbon”. Ces tirages qui ne sont pas sensibles aux rayons ultra-violets et qui sont stables en dépit de leur exposition au soleil, dépendent en revanche énormément du “coup de main” et des conditions météorologiques, si bien il est impossible d’obtenir une constance absolue. C'est ce qui rend chacun de ces tirages unique. A partir de ce moment là, pour John Stewart, les expositions se succèdent rapidement : la première à NewYork, la deuxième à la Bibliothèque Nationale de France à Paris, en 1976,  puis son travail est montré à Genève, Shanghai, Hong Kong, Londres...  Le Metropolitan Museum de New York à été le premier musée à lui acheter des tirages. Les oeuvres de John Stewart sont désormais exposées dans plus de 60 musées et galeries dans le monde. En 2004, Jan Krugier a présenté ses images à la FIAC et la Galerie Acte 2 a organisé une rétrospective de son œuvre en 2008. Il a également été exposé en 2009 à la Galerie Pia Pierre à Shanghaï, à la Galerie Binôme, au Art Fair de San Francisco, à Art Basel Miami et à Genève en 2010. La même année, la Gallery Tristan Hoare de Londres lui a organisé une rétrospective. Il a également exposé en 2014 à la Galerie Anne Clergue une série de " Véroniques" qui sont une référence directe à l'œuvre de Zurbaran.

mardi 17 octobre 2017

Henri Matisse (1869-1954) - Nature morte avec coquillage



Henri Matisse (1869-1954)
Nature morte avec coquillage, 1940.
Private collection.

Que voit on  ? Sur un entablement résolument blanc dont le volume est indiqué par deux seuls traits (un en haut, un en bas),  un coquillage bénitier (motif fétiche du peintre déjà vu à plusieurs reprises dans son oeuvre), ici traité comme un rocher sur lequel les "tentacules" du coquillage sont dessinées au crayon. Equilibrant la composition : une tasse à café et sa soucoupe, un pot à eau en céramique vernissée et une cafetière / chocolatière rouge (cuivre ? terre cuite? ), un ustensile là aussi souvent peint par Matisse après Derain, Marquet, Liotard, et en premier lieu, par Chardin. Le tout encadré par quatre pommes vertes.  Cette composition utilise exactement les mêmes éléments que  que la Nature morte au coquillage Bénitier sur un marbre noir aussi peinte par matisse la meme année.

Rappel Biographique : Le peintre français Henri Matisse, chef de file du Fauvisme figure majeure du 20e siècle, a peint tout au long de sa vie, un très grand nombre de natures mortes dans des styles aussi différents que les périodes qu'il a traversées. Il aimait particulièrement ce genre à tel point qu'une de ses toutes premières peintures connues, actuellement conservée au Musée Malraux du Havre (France) est une nature morte, Nature morte au pichet peinte en 1896-97. Les animaux marins, les poissons et les mollusques dont les huitres, fréquents chez Matisse, sont toujours des signes de son évolution vers une peinture simplifiée et synthétique. Son maître, Gustave Moreau lui avait dit avec clairvoyance et d’un léger ton de reproche : « Vous allez simplifier la peinture… » ou encore, « Vous n’allez pas simplifier la peinture à ce point-là, la réduire à ça. La peinture n’existerait plus… ». Il a aussi beaucoup regardé les estampes d’Hiroshige ou d’Hokusaï, dont on retrouve souvent  l’influence chez lui dès lors qu'il s 'agit de peindre la mer et les poissons. 

lundi 16 octobre 2017

Andy Warhol (1928-1987) - Campbell's Soup can


Andy Warhol (1928-1987)
 Campbells' soup can

Que voit on ? La peinture sur une tole d'une boîte de soupe en conserve et sans doute l' image qui a le plus contribué à la célébrité d'Andy Warhol  dès lors sacré " roi du pop art "


Rappel biographique : On ne présente plus l'artiste américain Andy Warhol, pape du Pop art, (Pope of the pop), sujet de multiples expositions, livres, et films avant et depuis sa mort... Warhol est généralement reconnu comme l'un des très grands artistes du  20e siècle. Avec lui la nature morte peut prendre toutes les formes humoristiques imaginables (et même inimaginables!) des célèbres boîtes de Campbell soup à des oeufs en forme de pastilles colorées (déjà publiés dans ce blog), en passant par des trèfles à 4 feuilles traitées façon capucines et vendus en rouleaux de papier peint. Warhol iconoclaste adoré de son vivant par les grands de ce monde, les élites intellectuelles, les stars d'Hollywood et les riches aristocrates anglos saxons qu'il aimait malmené, était en fait un puritain, très religieux et assez " coincé "...
Tout commence pour lui au début des années 1960, lorsque publicitaire déjà  reconnu, il utilise dans ses dessins une technique directe sur du papier hydrofuge et repasse les contours avec de l'encre encore humide sur des feuilles de papier absorbant, en adoptant le vieux principe du buvard. Bien qu'à cette époque, beaucoup d'artistes soient illustrateurs publicitaires pour des entreprises, tous le font discrètement. Pour Warhol, c'est le contraire : il est tellement connu en tant que publicitaire que son travail artistique n'est pas pris au sérieux. Il présente dans une galerie quelques-unes de ses œuvres, mais c'est un échec. Reconsidérant alors son travail alimentaire et son travail de peintre, plutôt que de les opposer, il pense à les réunir. Il a l'idée d'élever les images de la culture populaire au rang de l'art élitiste, rejoignant ainsi les artistes du pop art, mouvement lancé à Londres au milieu des années 1950 par Richard Hamilton et Eduardo Paolozzi, qui l'expérimentent indépendamment les uns des autres. Si Roy Lichtenstein et Jasper Johns en sont les pionniers, Andy Warhol  en sera véritablement le pape.
En 1963, il adopte la technique qu'il utilisera pour ses œuvres les plus célèbres : la photographie sérigraphiée sur toile. 
Les photographies simplifiées en noir et blanc, sans gris, sont imprimées en sérigraphie sur la toile peinte de grands aplats de couleurs. Le motif est parfois reproduit plusieurs fois sur la toile, comme un motif de papier peint. C'est le stéréotype du pop art.
Ses motifs de prédilection sont des noms célèbres de marques déposées, le symbole du dollar, les visages de célébrités...  
Le thème des Comics, qui avait d'abord intéressé l'artiste, était déjà largement exploité  par le peintre Roy Lichtenstein qui en avait fait sa marque de fabrique. Jasper Johns avait choisi la typographie. Pour se démarquer, Warhol comprit qu'il devait lui aussi trouver sa marque. Ses amis lui ayant conseillé de peindre ce qu'il aimait le plus, il choisit de représenter les conserves de Campbell's Soup, pour sa première exposition majeure. Les boîtes de Campbell's Soup ouvertes ou neuves, rouillées, aux étiquettes déchirées, uniques ou multipliées, en séries, en damiers, seront le thème récurrent de Warhol. Pour lui, l'image, son pouvoir au sein de la société de consommation est en lien avec la mort. La répétition de la figure se rapporte souvent à son extinction. Le choix des sujets est en rapport avec cette obsession de la mort, y compris pour les toiles célèbres sérigraphiées de Marilyn Monroe (peintes après sa mort, notamment les Diptyque Marylin) ou de Liz Taylor (peinte alors que l'actrice était gravement malade), icônes reproductibles à l'infini qui deviennent des images de consommation.
Dans les dernières années de son œuvre, Warhol presque peintre officiel, appliquera son style à de nombreux portraits de commande, tout en continuant à expérimenter d'autres techniques picturales dans ses séries ShadowsOxydation paintings, et ses reprises de toiles de Botticelli ou de Léonard de Vinci.

dimanche 15 octobre 2017

André Masson (1896-1987)- Nature morte au mortier

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André Masson (1896-1987)
 Nature morte au mortier,  1923 (détail)

Que voit on ? Une grenade et trois pommes accompagnent cet énigmatique mortier, relief en creux de la rondeur des pommes et de la grenade. Contre le mortier, dans un bleu chimique et interrogatif :  on peut déceler une bouteille plus qu'un pilon.

Rappel biographique : le peintre français André Masson participa au mouvement surréaliste du début des années 1920 à  1950 avec un épisode de rupture en 1929  lorsqu'il se brouille avec Breton. Notamment célèbre pour ses dessins automatiques et ses tableaux de sable, il est l'auteur d'une œuvre multiforme, marquée par l'« esprit de métamorphose » et l'« invention mythique ». Son influence est notable sur l'expressionnisme abstrait. Il a peint quelques nature mortes...

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samedi 14 octobre 2017

Agostinho José da Mota (1824-1878


Agostinho José da Mota  (1824-1878)
Mamão e melancia (Papaye et Pastèque), 1860 
 Museu Nacional de Belas Artes, Sao Paulo,  Brazil 

 Que voit on ? Sur un fond gris et un entablement d'une grande sobriété : une explosion de couleurs à travers une collection de fruits exotiques tropicaux, parmi lesquels on reconnait un régime de bananes plantains, un quartier de pastèque (avant l'usage du couteau pour couper des quartiers, on éclatait les pastèques contre le sol ou contre un mur pour les consommer) ; une papaye assez gigantesque et généreuse en chair...  Aucune symbolique dans cette nature morte brésilienne du 19e siècle, toute à l'étourdissement des couleurs et des formes exotiques !

Rappel biographique : Agostinho José da Mota était un peintre et un enseignant brésilien. Son penchant pour l'art s’est manifesté dans son enfance et s'est amplifié avec le temps. En 1837, il s'inscrit à l'Académie impériale des Beaux-Arts de Sao Paulo où il est un des étudiants les plus brillants et reçoit un prix qui lui permet de voyager en Europe dès 1850. En 1851, il décide de partir à  Rome où il  étudie sous la direction du peintre français Jean-Achille Benouville. Il  passe 8 ans en Italie et y produit quelques très belles œuvres. De retour au Brésil en 1859, il commence à enseigner à l'Académie des Beaux Arts de Rio de Janeiro, d’abord le dessin puis le paysage. Parmi ses élèves, les plus connus furent : Modesto Brocos, Henrique Bernardelli, Pedro Peres, Firmino Monteiro et José Maria de Medeiros.
L'impératrice Teresa Cristina du Brésil, qui était elle-même d'origine italienne, lui commanda une suite de natures mortes, un genre dans lequel il a excellé d’autant plus qu’il fut parmi les premiers à peindre des fruits tropicaux quasiment inconnus en Europe.
Il fut aussi  le pionnier de la peinture en plein air au Brésil, bien avant Georg Grimm qui en revendiqua cependant le titre. A la fin de sa vie, très dépensier et menant grand train, il connut quelques difficultés financières et fut obligé de peindre des panneaux publicitaires pour survivre. 

vendredi 13 octobre 2017

Joan Miró (1893-1983)


Joan Miró (1893-1983)
Nature morte avec orange, 1916
Private collection

Que voit-on ?  Ce que décrit le titre qui omet volontairement la bouteille de vin et la rose... Ceci dit on se demande bien ce que cette orange peut bien faire dans cette casserole... mais bon, ce fut le propre du surréalisme que de forcer le spectateur à s'interroger. Donc mission accomplie !

Rappel biographique : Le peintre espagnol Joan Miró, (Joan Miró i Ferrà) qui se définissait comme  un « catalan international» fut l'un des principaux représentants du mouvement surréalisteSes premières peintures dont on peut considérer que cette nature morte fait partie, dénotent une influence claire du fauvisme et du cubisme montrant une certaine proximité de couleurs avec Van Gogh et quelquefois même Cézanne.  
Il abandonne peu à peu les couleurs et les formes dures utilisées jusqu'alors pour les remplacer par d'autres plus subtiles. Il explique cette démarche dans une lettre à son ami Ricart en date de 1918 :
« Pas de simplifications ni d’abstractions. En ce moment je ne m’intéresse qu’à la calligraphie d’un arbre ou d’un toit, feuille par feuille, branche par branche, herbe par herbe, tuile par tuile. Ceci ne veut pas dire que ces paysages deviendront cubistes ou rageusement synthétiques. Après, on verra. Ce que je me propose de faire est de travailler longtemps sur les toiles et de les achever autant que possible. À la fin de la saison et après avoir tant travaillé, peu importe si j'ai peu de toiles. L'hiver prochain, messieurs les critiques continueront à dire que je persiste dans ma désorientation. »

jeudi 12 octobre 2017

Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) - Canard mort pendu par la patte, avec pâté, écuelle et bocal d’olives,

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Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
Canard mort pendu par la patte, avec pâté, écuelle et bocal d’olives, 1764.
Museum of Fine Arts, Springfield

 Que voit-on ?  Il s'agit d'une nature morte ovale représentant des Rafraîchissements, des Fruits & des Animaux. Elle fait partie d'une groupe de trois et doit être placée au milieu des trois selon la notice du Salon de 1765 où elle fut présentée, notice rédigée par la plume de Diderot en ces  termes : 
" S’il est vrai qu’un connaisseur ne puisse se dispenser d’avoir au moins un Chardin, qu’il s’empare de celui-ci. L’artiste commence à vieillir. Il a fait quelquefois aussi bien ; jamais mieux. Suspendez par la patte un oiseau de rivière. Sur un buffet au-dessous, supposez des biscuits entiers et rompus, un bocal bouché de liège et rempli d’olives, une jatte de la Chine peinte et couverte, un citron, une serviette déployée et jetée négligemment, un pâté sur un rondin de bois, avec un verre à moitié plein de vin. C’est là qu’on voit qu’il n’y a guère d’objets ingrats dans la nature, et que le point est de les rendre. Les biscuits sont jaunes, le bocal est vert, la serviette blanche, le vin rouge, et ce jaune, ce vert, ce blanc, ce rouge, mis en opposition, récréent l’œil par l’accord le plus parfait. Et ne croyez pas que cette harmonie soit le résultat d’une manière faible, douce et léchée. Point du tout ; c’est partout la touche la plus vigoureuse. Il est vrai que ces objets ne changent point sous les yeux de l’artiste. Tels il les a vus un jour, tels il les retrouve le lendemain. Il n’en est pas ainsi de la nature animée. La constance n’est l’attribut que de la pierre. " (Diderot, Salon de 1765, Bouquins, p. 348.)

Rappel biographique : Jean-Baptiste-Siméon Chardin est considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du 18e siècle. Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, il est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maître incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes. A partir du Salon de 1748, Chardin expose de moins en moins de scène de genre, il multiplie désormais les natures mortes. Ce retour à ce type de peinture va durer une vingtaine d'années. Il est difficile de donner des raisons à ce changement de cap. On sait que pendant cette période la vie de Chardin est en pleine mutation. Il se remarie, il reçoit une pension du roi. Il est désormais à l'abri du besoin. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui au Musée du Louvre (salle 39) . Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va lui donner ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres.
Les natures mortes qu'il peindra à partir de 1760 sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres...  Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. On peut souvent parler d'impressionnisme avant la lettre.
Chardin cherchait à reproduire la matière, ces fruits semblent aussi vrais que nature, Diderot s'extasiait devant ce réalisme dans son compte-rendu du Salon de 1759 : " Vous prendriez les bouteilles par le goulot si vous aviez soif ". ou encore en 1763, " C'est la nature même; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux. (...)
 Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j'ai besoin de me faire les yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n'ai qu'à regarder ce que la nature m'a donné et   m'en bien servir ".
" O Chardin ! ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette: c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile ".

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mercredi 11 octobre 2017

Jacques Linard (1597-1645) (attribué à)


Jacques Linard (1597-1645) (attribué à)
Nature morte à la boite de copeaux

Que voit- on ? Une boite faite de copeaux de bois agrafés sur le côté, mais surtout une multitude de coquillages exotiques présentant leurs précieuses nacres au regard ébahi du spectateur du 17e siècle. Certains de ses coquillages d'ailleurs sont purement imaginaires.

Rappel biographique : le peintre français Jacques Linard, issu d 'une famille de peintres (son père Jehan Linard était un peintre connu)  fut actif à Paris dès le début des années 1620.  Sa sœur épousa Claude Baudesson, et donna naissance au futur grand peintre de natures mortes Nicolas Baudesson. Moins d'une cinquantaine d'œuvres  de Jacques Linard  sont parvenues jusqu'à nous aujourd'hui. Ce sont  en très grande majorité des natures mortes. De tous les peintres  dit " de la réalité ", Jacques Linard paraît le plus ancien à avoir traité les thèmes des cinq sens et des quatre éléments. Ses natures mortes mettant en scène des coquillages et des coraux sont parmi ses plus célèbres.

mardi 10 octobre 2017

Gustave Caillebotte (1848-1894)


Gustave Caillebotte (1848-1894)
Nature morte aux cristaux devant la cheminée, 1879
Collection privée, USA

Que voit on ?  Tout est somptueux dans cette nature morte de Caillebotte à commencer par la véritable symphonie de reflets des carafes et verres en cristal ; leur projection d'un trait de blanc sur l'acajou vernis de la table brillante comme le miroir d'un lac gelé ; la précision sculpturale des godrons de chaque verre et carafe ; les dessins vaporeux du marbre de la cheminée comme un ciel de nuages transposé dans un intérieur ; les deux compotiers remplis d'oranges posées sur un lit de mousse comme à l 'étale de l'épicier du quartier ; les deux bouteilles de vins qui encadrent ce temple qu'est la table comme deux colonnes de verre remplies de précieux breuvage, couleur de pierre précieuse...  Un chef d'oeuvre (un de plus) de Caillebotte dans un cadrage très particulier où il n'hésite jamais à couper les sujets d'un trait net (les bouteilles de vin à droite et à gauche, les verres en bas, la carafe à gauche tout en conservant à l'ensemble équilibre et mouvement...

Rappel Biographique : le peintre français Gustave Caillebotte fut aussi mécène, collectionneur  et organisateur des expositions impressionnistes de 1877, 1879, 1880 et 1882. Le talent de Caillebotte fut longtemps méconnu (sauf aux États-Unis) au profit de son rôle de « mécène éclairé ». Le peintre fut redécouvert dans les années 1970 à l'initiative de collectionneurs américains. Les rétrospectives de ses œuvres sont désormais fréquentes. Certains de ses tableaux se trouvent maintenant au musée d'Orsay à Paris.
Caillebotte est l'un des premiers grands peintres français à exposer régulièrement aux États-Unis, où il rencontre un vif succès, et où se trouvent aujourd'hui nombre de ses toiles. Il est l'un des fondateurs du courant « réaliste », qu'illustrera par exemple au 20e siècle l'américain  Edward Hopper.
Fortuné, il n'a pas besoin de vendre ses toiles pour vivre, si bien que ses descendants possèdent encore près de 70 % de ses œuvres. À sa mort, Martial et Auguste Renoir son exécuteur testamentaire, prennent les dispositions pour que l’État accepte le legs de ses tableaux impressionnistes.
Les historiens d'art qualifient volontiers cet artiste « d’original et audacieux ». Sa technique ne l'est pas moins assez proche de l'art photographique, mais, par de puissants effets de perspectives tronquées, les distances et les premiers plans sont écrasés et l'horizon absent, d'où la perception instable et plongeante (Caillebotte invente la vue en plongée dans la peinture). Les effets de vue plongeante s'imposent dans son art à travers les personnages au balcon et ses vues en surplomb des rues et des boulevards. 
Dans ses natures mortes saisies souvent dans des cadrages et sous des angles inhabituels, il s'intéresse surtout à l'aspect préparé et alimentaire. Il affectionne les natures mortes à l'étalage dont il croque le plan sur les marchés, dans les restaurants, ou dans les boutiques et qu'il retravaille entièrement dans son atelier, car contrairement aux impressionnistes qui peignent en plein air, Caillebotte retravaille toutes ses esquisses à l'atelier. 


lundi 9 octobre 2017

Henri Matisse (1869-1954) - Nature morte au coquillage Bénitier sur un marbre noir


Henri Matisse (1869-1954)
Nature morte au coquillage Bénitier sur un marbre noir, 1940 
The Pushkin Museum of Fine Arts, Moscow

Que voit on  ? Sur un entablement défini par le peintre comme un entablement de marbre noir, trônant sur la droite comme une pieuvre qui répand ses tentacules, un coquillage bénitier encadré par trois pommes vertes. Equilibrant la composition sur la gauche du cadre : une tasse à café et sa soucoupe, un pot à eau en céramique vernissée et une cafetière / chocolatière rouge (cuivre ? terre cuite? ), un ustensile souvent  peint par Matisse après Derain, Marquet, Liotard, et en premier lieu, par Chardin.

Rappel Biographique : Le peintre français Henri Matisse, chef de file du Fauvisme figure majeure du 20e siècle, a peint tout au long de sa vie, un très grand nombre de natures mortes dans des styles aussi différents que les périodes qu'il a traversées. Il aimait particulièrement ce genre à tel point qu'une de ses toutes premières peintures connues, actuellement conservée au Musée Malraux du Havre (France) est une nature morte, Nature morte au pichet peinte en 1896-97. Les animaux marins, les poissons et les mollusques dont les huitres, fréquents chez Matisse, sont toujours des signes de son évolution vers une peinture simplifiée et synthétique. Son maître, Gustave Moreau lui avait dit avec clairvoyance et d’un léger ton de reproche : « Vous allez simplifier la peinture… » ou encore, « Vous n’allez pas simplifier la peinture à ce point-là, la réduire à ça. La peinture n’existerait plus… ». Il a aussi beaucoup regardé les estampes d’Hiroshige ou d’Hokusaï, dont on retrouve souvent  l’influence chez lui dès lors qu'il s 'agit de peindre la mer et les poissons.   

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dimanche 8 octobre 2017

Bartolomeo Bimbi (1648-1730)- Citrons de Cosme III de Medicis


Bartolomeo Bimbi (1648-1730) 
Collection de citrons de Cosme III de Medicis 
Villa medicea di Poggio a Caiano

Que voit-on ? Sur le même principe que la collection de diverses variétés de figues déjà présentée sur ce blog, voici donc une collection toute aussi somptueuse de diverses variétés de citrons,  particulièrement appréciés de Come III de Medicis.  Comme dans le cas des figues certaines  des espèces dont la liste figurent au bas du tableau, ne sont plus cultivées aujourd'hui ou se sont même  éteintes.  On y  retrouve toutes les variétés d'agrumes à fruits jaunes connues sous la Renaissance  :  Citrus bergamia, Citrus medica (connu aussi sous le nom de Cédrat), Citrus Digitata,  Citrus limettioides,  Citrus latifolia,  Citrus limon, Citrus aurantiifolia, Citrus Meyeri  (venu de Chine), Citrus  Albo Variehata (venu des Indes), Poncirus trifoliata, etc...

Rappel biographique : Bartolomeo Bimbi fut un peintre italien de natures mortes qui a été actif à la fin du 17e et au début du 18e siècle. Il fut l'élève de Lorenzo Lippi et d'Onorio Marinari, et à Rome de Mario de'Fiori. Bimbi a en partie perpétué la tradition de Jacopo Ligozzi, mais fut initié à la peinture des fleurs par Agnolo Gori qui le présenta à Cosme III et au prince Ferdinand de Médicis. À partir de 1685, il exécuta pour ce dernier de nombreuses œuvres de tableaux d'animaux, de fleurs et de fruits, représentations d'après nature, d'une extrême précision scientifique. Pour cela il utilisait le savoir de spécialistes comme Redi, qui analysait les nouvelles espèces apportées à l'artiste pour être peintes et accrochées dans les villas médicéennes.
Les nombreuses commandes de ses clients encouragèrent la réalisation de grands tableaux de la faune pour la Villa Medicea dell'Ambrogiana, de la flore pour la Villa Medicea di Castello et des fruits pour le pavillon de chasse de la Topaia, sur les hauteurs de la résidence du Castello.
Aujourd'hui, la plupart de ses œuvres se trouvent dans le musée de la nature morte qui occupe le second et dernier étage de la Villa médicéenne de Poggio a Caiano. Elles témoignent d'une exceptionnelle « biodiversité » de la Toscane de jadis, et reproduisent avec précision, même les défauts dus aux maladies et aux parasites. Elles font l'objet de recherches historico-botaniques par le Conseil national de la recherche et de diverses universités qui souhaitent sauvegarder des espèces menacées d'extinction ou de récupérer des variétés horticoles disparues.

samedi 7 octobre 2017

Adriaen Coorte (1665–1707) - Strawberries


Adriaen Coorte  (1665–1707) 
Strawberries, 1705 
Royal Picture Gallery, Mauritshuis

Que voit-on ? Disposées sur l'entablement blanc d'un meuble sombre présenté sur fond noir : un amoncellement de fraises sauvages que le noir du fond de cadre fait d'autant plus ressortir. Une fleur d'un blanc éclatant, rescapée de la fructification, résiste et fanfaronne, encore très gaillarde, en plein centre de la toile.

Rappel biographique : le peintre hollandais Adriaen Coorte est spécialisé exclusivement dans la peinture de natures mortes. Au contraire de la tendance de l'époque en Europe du Nord qui déployait argenterie et cristaux dans les natures mortes monumentales, Coorte a peint des natures mortes de petits formats et au sujets très intimistes pour ne pas dire minimalistes.
On sait très peu de sa vie, si ce n'est qu'ill fut l'élève de Melchior d'Hondecoeter vers 1680 à Amsterdam et qu'il a installé son petit atelier de natures mortes à Middelburg, en 1683. Il peignait souvent sur du papier (quelquefois au dos de simples feuilles de compte) qu'il collait ou que l'on colla par la suite sur un panneau de bois ou sur un canevas pour mieux les préserver.
Environ 80 oeuvres signées par lui ont été cataloguées, et presque toutes suivent la même composition à savoir de très petites quantités de fruits, de légumes ou coquillages, voir même quelquefois un seul fruit ou légume (comme ici) , posés le rebord d'une dalle de pierre, éclairé par le haut, avec le fond sombre typique de natures mortes du début du 17e siècle.
Les fraises des bois et les asperges sont ses motifs les plus fréquents. Les premières sont parfois représentées soit dans le même pot en terre cuite, soit dans de jolis bols bleus et blancs en porcelaine Wan-Li importés de Chine par la Compagnie des Indes. Quelques rares papillons brisent la noirceur de l'arrière-plan, ajoutant une tâche de couleur à ces compositions d'une magnifique austérité. Le fait qu'elle soient peintes sur du papier ajoutent à leur fragilité et à leur délicatesse infinie.
Coorte ne fut pas très connu de ses contemporains en dehors de la petite ville de Middelburg et, comme Vermeer un siècle avant, il est totalement tombé  dans l'oubli  jusqu'à ce que les années 1950, l'historien d'art hollandais Laurens J. Bol, publie une première monographie suivie en 1977 d'un catalogue raisonné de l'oeuvre de  Coorte.   

vendredi 6 octobre 2017

Henri Le Sidaner (1862-1939) - La table sur la terrasse au clair de Lune


Henri Le Sidaner (1862-1939)
La table sur la terrasse au clair de Lune, 1903 
Collection privée

Que voit on ?  Le très  grand peintre impressionniste français Henri le Sidaner  (encore aujourd'hui injustement méconnu dans son pays) affectionnait particulièrement les peintures de table devant des paysages, devant des fenêtres ou même dans le jardin de sa maison de Gerberoy.  Ici, il s 'agit d'une table dressée pour un repas du soir à deux, au clair de lune, devant un paysage maritime, à Villefranche-sur-Mer selon toute vraisemblance ou le peintre avait ses habitudes estivales. 
Cette magnifique toile longtemps dans la collection de Claude Monet,  n'utilise que quelques couleurs (bleu, noir et blanc) et réussit à restituer l'impression nocturne comme rarement.  De la nature morte nocturne elle-même (genre assez rare lui aussi !) on retiendra surtout la nappe blanche éblouissante sous la lune, les verres, les bouteilles, et un bol de consommé à l'avant du guéridon. Une splendeur !

Rappel biographique : Rappel biographique : Le peintre français post impressionniste Henri Le Sidaner fut ami de Claude Monet et élève aux Beaux Arts de Paris de Cabanel qu'il soutint toute sa vie. C'est  à partir de l'année 1900 qu'il se consacre à une peinture intimiste dont il exclut systématiquement toute figure humaine : jardins déserts, tables servies pour d'hypothétiques hôtes et présentant de magnifiques natures mortes (qui disent rarement leur nom,) campagnes solitaires expriment une vision silencieuse et paisible, nimbée de mystère. Son succès ne se démentira pas de son vivant. Dans la recherche de l'instant intime, de « l'arrêt sur image », les toiles que Le Sidaner peint à  Gerberoy où il habite à partir de 1900,  dépeignent une incomparable douceur de vivre en même temps qu'elles déclinent selon l'heure et la saison des accords chromatiques variés. A partir de l'été 1903  c'est le début des motifs d'intérieur à la fenêtre ouverte et des tables de jardin, des crépuscules... À l'aide d'un soigneux arrangement de nature morte, le peintre décline harmonieusement la sensation du « temps qui s'arrête ». C'est ce qui lui a souvent valu d'être comparé à Marcel Proust dans le domaine de la littérature.

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jeudi 5 octobre 2017

Claude Monet (1840-1926) - Le déjeuner


Claude Monet (1840-1926)
Le déjeuner, panneau décoratif, vers 1874
Musée d'Orsay, Paris
(Legs de Gustave Caillebotte, 1894)

 Que voit-on ?  Un déjeuner non pas sur l'herbe mais dans le jardin (de la maison de Giverny sans doute) peint un peu dans la même mise en scène que celle imaginée par Henri Le Sidaner pour ses déjeuners de Gerberoy,  à ceci près, qu'ici, il y a des personnages dans le champs. En l'occurrence, les silhouettes de deux femmes dont l'une - à cause de la lumière qui l 'entoure - apparait comme une statue du jardin ou  même comme un " repentir " qui n'aurait pas été tout a fait masqué. On reste frappé de la troublante parenté avec les toiles d'Henri le Sidaner dont on sait la profonde amitié qui le liait à Claude Monet.

Rappel biographique : le peintre français Claude Monet, l'un des fondateurs de l'impressionnisme, est surtout connu pour ses paysages et ses portraits.  " La couleur, disait-il " est mon obsession quotidienne, ma joie et mon tourment ".  Claude Monet est l’un des fondateurs de l'impressionnisme. En 1859, il part à Paris tenter sa chance sur le conseil d'Eugène Boudin. Après des cours à l'académie Suisse puis chez Charles Gleyre et la rencontre de Johan Barthold Jongkind, le tout entrecoupé par le service militaire en  Algérie, Monet se fait remarquer pour ses peintures de la baie d'Honfleur. En 1866, il connait le succès au Salon de la peinture. Toute cette période est cependant marquée par une grande précarité. Il fuit ensuite la  guerre de 1870  à Londres puis aux Pays-Bas. Dans la capitale anglaise, il fait la rencontre du marchand d'art Paul Durand-Ruel qui lui assurera sa principale source de revenu pendant le reste de sa carrière. Revenu en France, la première exposition des futurs impressionnistes a lieu en 1874. À partir de 1890, Monet se consacre à des séries de peintures, c'est-à-dire qu'il peint le même motif à différentes heures de la journée, à diverses saisons. Il peint alors parfois des dizaines de toiles en parallèle, changeant en fonction de l'effet présent. La fin de sa vie est marquée  par une maladie, la  cataracte, qui affecte son travail.
Monet peint devant le modèle sur l'intégralité de sa toile dès les premières ébauches, il retouche ensuite de nombreuses fois jusqu'à ce que le résultat le satisfasse. Contrairement à ce qu'il affirme, il termine la plupart de ses toiles en atelier, prenant modèle sur les premières peintures d'une série pour peindre les autres. D'un caractère parfois difficile, prompt à la colère comme au découragement, Claude Monet était un grand travailleur qui n'hésitait pas à défier la météo pour pratiquer sa passion. Monet résume sa vie ainsi de la meilleure manière : « Qu'y a-t-il à dire de moi ? Que peut-il y avoir à dire, je vous le demande, d'un homme que rien au monde n'intéresse que sa peinture - et aussi son jardin et ses fleurs ».


mercredi 4 octobre 2017

Antoine Vollon (1833-1900) - Trois pêches




Antoine Vollon (1833-1900)
Trois pêches
Collection privée

Que voit on ? Exactement ce que décrit le titre peint avec une délicatesse et une art des différences des lumières et des textures qui laisse  rappelle que ce peintre était capables de rendre avec un égal génie les sujets les plus sophistiqués comme des aiguières en argent richement ciselé ou des plats en précieuse porcelaine de la Compagnie des Indes, et des objets du quotidien, comme une motte de beurre ou une pêche...

Rappel biographique : le peintre français Antoine Vollon est considéré comme appartenant au mouvement réaliste, bien que son style s'adapte toujours en fonction du sujet traité. Artiste productif, fougueux et extrêmement doué, Antoine Vollon affichait une préférence marquée pour les effets de lumière. Il a peint des ports, des marines aux grands cieux tourmentés et des pêcheurs mais c'est surtout comme peintre de natures mortes qu'il aimait se présenter lui-même.
Il débute sa carrière à Lyon, où il apprend la gravure sur métaux et fréquente l 'Ecole des beaux-arts de la ville où il est l'élève de Théodule Ribot. Il développe rapidement une attention particulière surtout pour les natures mortes qui relèvent d’un défi technique et artistique. Ce défi couvre un champs très large qui va de la représentation d'une motte de beurre, à la peinture de fruits et de fleurs isolés (poires, prunes, cerises, pêches, tomates, courges, violettes...) en passant par le rendu des reflets du métal des ustensiles de cuisines jusqu'à la représentation des matières vivantes quotidiennes de la cuisine (plateau d'huîtres, œufs, carcasse de cochon pendu et vidé, poissons de mer en attente de cuisson...).  Ses œuvres sont aujourd’hui conservées dans les plus grands musées du monde entier (Amsterdam, Londres, New York...) et chez quelques chanceux collectionneurs privés principalement aux Etats-Unis où Vollon est beaucoup plus connu qu'en Europe (Washington, New York, Boston, Philadelphie…). En France, le musée d'Orsay à Paris conserve une de ses toiles (Autoportrait), de même que les musées de Lyon (sa ville natale), Amiens et Rouen. Le Musée des Beaux arts de Dieppe quant à lui conserve deux toiles : Femmes du Pollet à Dieppe et Poissons de mer.
Alexandre Dumas fils était le grand collectionneur  français de l'œuvre de Vollon, ainsi que de riches américains, comme Henry Frick (Frick Collection) ou le peintre William Merritt Chase qui l'admirait beaucoup et s'inspira, dans la plupart de ses propres natures mortes de celles d'Antoine Vollon. Le MET à New York conserve l'une des plus belles toiles de Vollon.

mardi 3 octobre 2017

Anna Atkins (1799-1871)


Anna Atkins (1799-1871)
Pteris aquilina, 1853

 Que voit-on ? Une photographie d'une fougère présentée à la façon d'une planche dans plusieurs états de développement du bourgeon au rameau final.

Rappel biographique : Anna Atkins est une botaniste britannique, considérée comme une pionnière de l'utilisation d'images photographiques (notamment par cyanotype) pour l'illustration d'ouvrages imprimés, en l'occurrence des herbiers qu'elle fit paraître à partir de 1843. Certains la considèrent même comme la première femme à avoir réalisé une photographie, titre qu'elle dispute avec Constance Talbot, l'épouse de William Henry Fox Talbot.
Orpheline de mère très jeune, c’est son père, John George Children (1777-1852), naturaliste réputé, qui l’élève. Elle reçoit ainsi une formation scientifique rare pour les femmes de son époque. Illustratrice de renom, elle réalise les deux cent cinquante gravures qui illustreront la traduction anglaise de l’ouvrage de Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), Histoire des mollusques, qui paraît en 1822-1824, sous le titre de Genera of Shells. Cette traduction, réalisée par son père, a un rôle important dans la nomenclature des coquillages car elle fournit les types permettant d’identifier les genres créés par Lamarck.
Elle se marie en 1825 avec John Pelly Atkins et se consacre dès lors à la biologie et commence la confection d’un herbier. Anna Atkins offre certains spécimens au Museum du Kew Gardens. Elle devient membre, en 1839, de la Société botanique de Londres, l’une des rares sociétés savantes ouvertes aux femmes. En 1841, elle commence à s’intéresser aux algues à la suite de la publication de A Manual of the British marine Algae de William Henry Harvey (1811-1866).
Grâce а son père, elle connaît très bien les travaux de sir John Herschel (1792-1871) et de William Henry Fox Talbot (1800-1877), deux pionniers de la photographie. Elle commence à faire paraître en 1843 son ouvrage British Algae: Cyanotype Impressions qui est le premier ouvrage publé à utiliser des photogrammes réalisés par cyanotype, une technique tout juste inventée par Herschel. Douze parties paraissent jusqu’en 1853, tirées à environ 400 exemplaires, dont une douzaine nous sont parvenus plus ou moins complets. En 1853, elle applique le même procédé aux fougères et fait paraître Cyanotypes of British and Foreign Ferns. Elle travaille en collaboration avec son amie Anne Dixon (1799-1864). Les cyanotypes ont l’avantage d'être simples à réaliser et de présenter une grande stabilité dans le temps.
Elle lègue son herbier au British Museum en 1865.

lundi 2 octobre 2017

Allan McCollum (bn.1944)



Allan McCollum (bn.1944)
Perfect Vehicles (1985-1990)
Private collection 


 Que voit-on ? Comme Nine Perfect Vehiculesdéjà posté sur ce blog, cette installation D'allan Mc Collum fait partie de sa série des  Perfect Vehicles.  Il s 'agit ici d'une rectangle de 10 sur 5, la potiche chinoise devenant ici l'unité de mesure. Peut-on la considérer comme une nature morte ? Il semblerait que oui, selon la critique internationale, bien qu’il agisse d’une sculpture et non de peinture. Cette installation présente comme les précédentes, des poteries d'inspiration chinoise, quasi identiques   (mais pas tout à fait) et radicalement différente dans leurs couleurs.  Même si les formes semblent être les mêmes, elles diffèrent par quelques détaisl souvent infimes, souvent imperceptibles mais qui ne rend pas moins chacune d’elle, unique. C’est d’ailleurs la caractéristique commune des œuvres de McCollum que de tenter d'extraire ainsi  toujours " l‘unique " à partir de la série.  Dans le même esprit McCollum a proposé de nombreuses autres installations sur ce même thème avec les mêmes poteries (mais qui ne sont jamais tout à fait les mêmes) présentées soit en nombre différents (par 4, 5, 6, 7, 12 ou 36..)  soit dans des couleurs différentes ou des compositions différentes (en ligne, en groupe, en rangées, en amoncellement....

Rappel biographique : Allan McCollum,  est un artiste contemporain américain né à Los Angeles et vivant actuellement à New York. Il a exploré durant trente ans la question de la signification publique et personnelle des objets, dans le contexte d'un monde de la production en série. Sa première exposition solo a eut lieu en 1970. En 1975, son travail a été sélectionné et présenté  à la Biennale de Whitney ; c'est cette année là que McCollum  s’est installé à New York. Vers la fin des années 1970, il connait la célébrité avec sa série Surrogate Paintings. Il a participé depuis lors à une centaine d'expositions individuelles, dont des rétrospectives de ses travaux au Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, France (1998) ; au  Musée Sprengel de Hanovre en Allemagne (1995-96) ; à la  Serpentine Gallery à Londres (1990) ; au  Centre pour l'art contemporain Rooseum de Malmц, en Suède (1990) ;  à l'IVAM Centre del Carme de Valencia en Espagne (1990) ;  au Stedelijk Van Abbe museum d'Eindhoven au Pays-Bas (1989) et au  Portikus de  Francfort en Allemagne (1988).
Il a participé à la section « Aperto » de la Biennale de Venise  en 1988, et à de multiples expositions aux Etats-Unis et en Europe. Ses œuvres font partie des collections de plusieurs musées à travers le monde, dont le MoMA, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Whitney Museum of American Art, le  Guggenheim de New York, l'Institut of Art de Chicago, le Musée d'Art Contemporain de Los Angeles. McCollum est surtout connu aujourd'hui pour son utilisation de méthodes de production de masse dans son travail artistique : il produit des milliers d'objets qui ont tous la particularité d'être unique. En 1988-91, il a ainsi créé plus de 30.000 objets apparemment semblables mais complètement uniques qu'il a intitulés Individual works (« Travaux individuels »), qui ont été rassemblés et exposés par collections de 10 000 pieces !  Les objets ont été fabriqués à l'aide de dizaines de moules en caoutchouc tirés d'objets ménagers usuels comme des capsules, des bouchons de canettes, divers récipients à nourriture et des outils de cuisine. Le même principe préside à la composition de ses collections d'objets qui sont interprétés comme autant de natures mortes : combinant ensemble des milliers de compositions possibles sans jamais répéter la même.