samedi 22 octobre 2016

Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) - La tabagie (pipes et vases à boire)

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Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
La tabagie ou pipes et vases à boire, 1740
Huile sur toile, 32 x 40cm
Musée du Louvre, Paris

Que voit on ? Un nécessaire du fumeur et un "nécessaire" à boire (appelés "vases à boire" par Chardin et que l'on nomme plus volontiers " timbales" aujourd'hui) sont mêlés sans raison apparente, et constituent un pêle-mêle d'objets, saisis comme au hasard par le pinceau du peintre.  Cet aspect improvisé cache très bien une composition extrêmement pensée et un parfait regroupement d'objets qui donnent une impression de naturel voir même d'improvisation, alors que ce n'est pas du tout le cas. Dans ce chef-d'œuvre qui est un des joyaux des collections de natures mortes du Musée du Louvre, le grain crémeux, soyeux de la texture  - et pourquoi ne pas le dire impressionniste avant la lettre - est une prouesse et une innovation technique pour ce milieu de 18e siècle habitué aux trompes-l'oeil virtuoses de Jean-Baptiste Oudry ou de De La Porte, les deux autres grands maîtres de ce genre. Loin de leur exactitude et de leur réalisme, Chardin invente littéralement avec cette " tabagie " une peinture qui rend perceptible la vie silencieuse des objets et dans laquelle quelque chose d'indicible flotte dans la lumière. Dans cette toile qui tend vers la monochromie, le travail est basé sur une harmonie de bleus et de blancs, cassée par la lueur argentée de la coupe, la masse sombre du coffret de bois et les roses fanées du motif de la céramique du petit pot et de son couvercle. Le peintre affine encore le jeu de couleur en ajoutant un touche de rouge dans le logement de la pipe en terre à long bec où se consume le  tabac.  La Tabagie est est sans doute l'une des plus belles natures mortes de Chardin, une sorte d'aboutissement dans l'œuvre d'un peintre qui enchaîna pourtant les toiles sublimes. Le peintre Albert Marquet lui rendra hommage en la copiant à l'identique (voir ici).

Rappel biographique : Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, Chardin est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maître incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui dans les collections du  Musée du Louvre à Paris. Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va  donner à ce "genre inférieur" ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres.
Les natures mortes qu'il peindra à partir de 1750-1760 sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres...  Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux  effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi.

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2016 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau

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