samedi 21 mars 2015

Henri Matisse (1869-1954) - Nature morte aux Poissons rouges et Palettes



Henri Matisse (1869-1954)
Nature morte aux  Poissons rouges et Palettes (1914)
Succession Matisse

Les animaux marins et les poissons, fréquents chez Matisse, sont des signes notoires de son évolution vers une peinture simplifiée et synthétique. Son maître, Gustave Moreau lui avait dit avec clairvoyance et d’un léger ton de reproche : « Vous allez simplifier la peinture… » ou encore, «Vous n’allez pas simplifier la peinture à ce point-là, la réduire à ça. La peinture n’existerait plus… ». En effet, les poissons rouges de Matisse sont « simplifiés ». Pour les « synthétiser » il a regardé ceux des estampes japonaises d’Hiroshigé ou d’Hokusaï, même s’il n’en suit pas les sinuosités expressives que l’on retrouve chez nombre d’artistes de la tendance « art nouveau » ; il a vu  au Louvre les dauphins stylisés des vases grecs et a copié (pendant 6 ans) « La Raie » de Chardin, qu’il appelle « la grande nature morte au poisson » ; et surtout il les a observés directement. D’ailleurs il déclara qu’il fallait remplacer le séjour à l’Ecole des Beaux Arts par un long séjour au jardin zoologique.

Le poisson rouge, cet autre placide et silencieux, prétexte à la mobilité de l’œil et à la plasticité de l’espace, sert  les objectifs de condensation, d’identification, de méditation et de repos visuel que Matisse confère à sa peinture. En ce sens, Matisse, très sensible aux œuvres orientales, tapisseries, céramiques et enluminures, qu’il a vu entre 1893 et 1901 à Paris et à Munich, a une vision comparable à celle des artistes orientaux. Aussi n’est ce pas un hasard si le motif du bocal de poissons rouges apparaît dans les œuvres exécutées pendant ou après ses deux voyages au Maroc en 1912-1913. 
C’est une véritable série sur ce motif  du poisson rouge qu’il réalise entre le printemps et l’été 1912, citons : « Poissons rouges sur fond brun » (Copenhague), « Poissons rouges et sculpture » (New York), « Poissons rouges [avec fauteuil] » (Moscou). Apollinaire a constaté à cette époque qu’il y avait beaucoup de « cyprins » dans les salons de peinture ; il parle de sujet à la mode, d’obsession peut-être due aux expositions chinoises. Ceux de Matisse sont bien plus que ça, une métaphore de la peinture contrainte et libérée dans un bocal, un atelier ou un cerveau, un fait coloré qui oriente  le regard, souvent de manière centripète, et organise la toile pour « arriver à l’état de condensation des sensations qui fait le tableau » ; Matisse  aspire dans ces œuvres au rapprochement entre le végétal, l’animal et l’humain que selon lui la renaissance européenne a rendu très difficile.
Après le « Café marocain », la série se poursuit en 1914 et 1915 avec Intérieur, bocal de poissons rouges  et  cette Nature  morte aux  Poissons rouges et Palettes 

A propos de ce tableau, Matisse écrit à Camoin en octobre 1914 : « Je fais un tableau, c’est mon tableau des Poissons rouges, que je refais avec un personnage qui a la palette à la main et qui observe (harmonie brun-rouge) ». Il accompagne sa lettre d’un dessin où le personnage assis à droite contemple l’installation, l’arrangement  du bocal, de la plante et du fruit. A l’hiver dans l’œuvre finale le personnage a laissé place à un enchevêtrement de lignes et de stries qui rapprochent les plans, à l’image d’un rideau où d’une fenêtre bougée. La table et le récipient de l’œuvre précédente ont été remplacés par une zone brune où une palette rectangulaire et un doigt blancs pointent vers le bocal cylindrique neigeux. Cet ensemble rappelle l’extrémité d’un piano avec son pupitre et sa partition ; de même un lutrin se dessine dans les ferronneries qui encadrent de leurs accolades en cœur la sellette aux notes rouges. Dans le triangle métronome du ciel marin la barre d’appui devient une bôme et la toile donne de la voile. Au-dessus du fruit d’or une fois de plus une petite plante verte joint l’eau du bocal au bleu du ciel. Par le bleu blanc rouge brun, Matisse est parvenu à l’harmonie musicale qu’il recherchait et à une résonance de la guerre déclarée en août 1914.
Il y aura d’autres œuvres avec des poissons rouges avec des personnages méditatifs à leurs côtés en 1923 et 1929. 

Extraits de textes de Christian Lassalle / pebeo  

Ce blog a publié plusieurs natures mortes de ce peintre. Pour toutes les retrouver cliquez sur l'onglet libellé et retrouver le nom du peintre.

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