Jan Davidszoon de Heem (1606-1684)
Fruits et riche vaisselle sur une table
Musée du Louvre, Paris
Notice du Musée du Louvre sur ce tableau :
Sur une table s'entassent verrerie et vaisselle luxueuses débordant de mets, fruits divers et tourte entamée. Un luth et une flûte à bec sont appuyés contre la table. L'apparent désordre est en fait mûrement réfléchi par Jan Davidsz de Heem. Le peintre, essentiellement formé à Utrecht et à Leyde, est installé à Anvers depuis cinq ans lorsqu'il peint ce Dessert. Il réalise ici une brillante synthèse entre la précision technique hollandaise et le baroque flamand. De son apprentissage initial, il garde le goût du rendu des matières qu'il sublime par de savants jeux de lumière : douceur du velours au vert profond, éclat métallique de l'orfèvrerie, fragile transparence du verre, velouté d'une peau de pêche ou au contraire racornissement d'une pelure de citron... Cependant la composition est directement inspirée du baroque des disciples de Rubens comme Frans Snyders : théâtralité du grand rideau mauve, froissement des draperies, abondance décorative perpétuellement à la limite du déséquilibre.
Quel étrange repas, mêlant verres de vins, fruits de saisons différentes et instruments de musique ! En fait l'opulence décoratrice de ce Dessert s'enrichit d'une symbolique que le peintre avait pu approfondir lors de son séjour à Leyde. Certains fruits évoquent en effet des valeurs chrétiennes : les cerises sont considérées comme des fruits du paradis, les pêches et les pommes incarnent le fruit défendu alors que les raisins symbolisent la rédemption. Le pain et le vin renvoient clairement à l'eucharistie. Tous ces mets sont encadrés de symboles forts que nous retrouvons fréquemment dans les vanités. Sur la gauche le luth et la flûte rappellent que les plaisirs des sens, qu'ils flattent l'oreille ou la bouche, sont aussi éphémères que la musique. Notre oeil est également subtilement attiré par le cordon bleu d'une montre, posée sur le rebord de la table. Évocation de la fugacité du temps, elle est aussi un symbole de la mesure qu'il faut savoir garder face à l'abondance des plaisirs sensuels. Sur la droite, le globe terrestre, que nous dévoile théâtralement le rideau, rend la portée de cette morale universelle.
Rappel biographique : Le peintre hollandais Jan Davidszoon de Heem est un des membres d'une véritable dynastie de peintres, dont quelques uns spécialisés exclusivement dans les nature mortes. Ses premières œuvres sont dans le style de Balthasar van der Ast (1593/94-1657), son maître. Il travaille ensuite à Leyde et montre un style proche des toiles de Pieter Claesz (1595/97-1661) et de Willem Claesz Heda (1594-1680). En 1636 , il s'installe à Anvers dont il devient citoyen de la ville, ce qui signifie qu'il y a acquiert respectabilité pour son métier et fortune relative. Il est le fils du peintre David de Heem le vieux (1570 ?-1632 ?) et le père des peintres Cornelis de Heem (1631-1695) et Jan Jansz de Heem (1650-après 1695). On ne lui connait pas d'autres oeuvres que des natures mortes, le plus souvent florales et dans la grande tradition de la Nature morte hollandaise. Celle-ci qui est composée uniquement de vieux livres aux reliures défectueuses ou inexistantes est une exception dans sa thématique habituelle, même si le message délivré est toujours le même : celui de la fragilité de l'existence humaine, de ses activités... et du savoir.
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2014 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau
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