Pieter Claesz (1597-1661)
Nature morte aux instruments de musique, 1623
Huile sur bois, 69 x122 cm
Musée du Louvre, Paris
Que voit on ? Cette très célèbre nature morte de Claesz qui recèle plusieurs histoires en une seule, regroupe, sur la droite de la composition, trois magnifiques instruments de musique (un thème de prédilection de l'artiste) et, sur la gauche, mets délicats de l'époque tourtes, sucreries espagnoles, nougats... ) et objets précieux.
Elle raconte l'histoire des plaisirs de la vie avec ses nourritures matérielles et ses nourritures spirituelles (la musique) et de leurs usages avec, comme élément central de l'oeuvre un somptueux verre de vin posé au milieu des nourritures mais dont le reflet apparait dans un miroir posé du côté des instruments de musiques et des plaisirs de l'esprit.
On remarque aussi cette tortue au premier plan, prétexte à démontrer toute la virtuosité du maître dans le traitement des textures.
Le Musée du Louvre ne possède qu'un seul tableau de Pieter Claesz et c'est cette Nature morte aux instruments de musique, monogrammée et datée PC A(nn)O 1623. Les circonstances de son acquisition raconte elle aussi une histoire, absolument tragique et qui a du attendre longtemps avant de trouver une résolution vaguement honorable.
Cette œuvre fut en effet « donnée » au Louvre en 1939 par l'industriel du textile Friedrich Unger (1891-1954) dans le but de hater sa procédure de sa naturalisation française alors que apatride de religion israélite, résidant à Aurillac, il avait pu fuir l'Autriche où il avait été emprisonné par la Gestapo, obligé de céder ses participations dans ses entreprises textiles et abandonné sur place la majeure partie de sa collection de tableaux. Ce "don" au Louvre fut assorti d'un tableau de Francesco Trevisani, (alors attribué à Jacques-Louis David) et d'une nature morte de Jan II de Heem. Si l'administration de l'époque accepta avec célérité la triple donation, la procédure de naturalisation fut plus lente et même ...échoua. Après la guerre, Friedrich Unger essaya en vain de se faire restituer ses œuvres données au Louvre. Il faudra attendre septembre 2009 pour que sa fille Grete, née en 1927, obtienne une compensation financière du gouvernement français à hauteur d'1,37 million d'euros.
Rappel biographique : Le peintre Pieter Claesz ou Pieter Claesz Van Haarlem (du nom de la ville ou il fut le plus actif), dont ce blog a posté déjà de nombreuses natures mortes, est un des plus grands représentants de la nature morte hollandaise de l'époque baroque, un maître auquel la plupart des peintres de natures mortes se sont référés à un moment ou a un autre de leur carrière. Willem Claeszoon Heda avec lequel on peut le confondre tant celui ci s'inspira de Pieter Claezs jusqu'à signer ses tableaux de son prénom abrégé (Claez), il fut l’un des peintres les plus importants de ce genre très diversifié qu'est la nature morte.
Bien que très construites et obéissant a un style très défini, une évolution dans la composition des natures mortes de Claez est perceptible. Si, au début, il disposait fréquemment les objets en croix ou dans une diagonale rigoureuse, par la suite il utilisa beaucoup plus le chevauchement des objets, ce qui crée une plus grande profondeur. En outre, au cours de sa vie, il élargit son point de vue et la vue latérale sur la table de la nature morte devient plus fréquente que la vue en plongée.
Claesz, souvent, utilisa les mêmes objets dans ses natures mortes : un couteau avec un lourd manche en nacre, une bouteille de verre brun, des assiettes en étain et des cruches à col de cygne, ainsi que de fin coquillages des porcelaines importés de Chine. On retrouve ces éléments d'une nature morte à l'autre, on les reconnait comme des objets familiers. Souvent, un verre est représenté couché, ce qui confère une certaine tension à la composition.
Si, au début de sa carrière, Claesz utilisait assez souvent des couleurs vives, il adoucit considérablement sa palette par la suite, employant des couleurs presque monochromatique et conférant ainsi à ses tableaux une atmosphère plus intimiste.
L’utilisation qui est faite de la lumière et de l’ombre par Claesz est remarquable. Il donne un tel rendu des textures par l'effet de la lumière sur les surfaces, que l'on peut reconnaître immédiatement une assiette en étain d’une assiette en argent, un roemer d'un pot en céramique. Cette maîtrise dans le traitement de la matière et des textures (les reflets du vin dans les verres sont des effets de pur génie !) est une caractéristique partagée par plusieurs peintres néerlandais du 17e siècle. C'est ce qui fait leur spécificité.
Claesz, avec Heda, fut à l’origine d’une véritable école de la nature morte, donnant à ce genre un statut véritablement noble. À partir de 1628, une sérieuse concurrence apparaît à Haarlem entre Pieter Claesz et Willem Claeszoon Heda, lequel s’inspirait fortement de lui et le suivait de près dans toutes ses innovations.
Nicolaes Berchem, le fils de Claesz, fut quant à lui un peintre de paysage très réputé.
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