Juan van der Hamen y Leon (1596-1631)
Bodegon con turrones
(Nature morte avec nougats)
Huile sur toile, 122 x 83 cm
Cleveland Museum of Art
Que voit-on ? Tout dans cette composition, si élégamment signée en bas à gauche, respire l'harmonie des plaisirs de la vie. Présentés sur un entablement de pierre en forme de fenêtre ou d'alcôve, comme c'est fréquemment le cas dans les natures mortes hispano-hollandaises du 17e siècle, les turrones (nougats aux amandes ou aux noisettes) et les jijones (nougats en pure pâte d'amande et miel sans fruits secs entiers) dans des coupes d'argent simples et solides, encadrent littéralement les deux pièces de verreries qui occupent exactement le centre de la composition et qui sont aussi mystérieuses l'une que l'autre. Ce calice fermé au pied luxueusement ouvragé qui contient une liqueur rose-rouge translucide et prometteuse et cette bonbonne en verre noir dans laquelle se reflète la fenêtre que l'on ne voit pas, attestent de la sophistication de la maison. Quatre noix et demie, pour faire bonne mesure, s'offrent ouvertes en deux au regard du spectateur, laissant apparaitre, une fois de plus, leur similitude avec la forme du cerveau humain.
Rappel biographique : le peintre espagnol Juan van der Hamen y Leon - dont un grand nombre de natures mortes ont été publiées dans ce blog - est surtout connu pour être un maître de ce genre, bien qu'il ait peint aussi des motifs religieux, des paysages et des portraits. Influencé autant par Juan Sanchez Cotan que par la peinture flamande de Frans Snyders dans ses premières natures mortes, il opta finalement pour un naturalisme plus italien et introduisit beaucoup de fraîcheur dans ses compositions. Sa touche est d'une grande délicatesse et d'un absolue précision. Van der Hamen emprunte à Sánchez Cotán le style apparemment sobre de ses compositions mais aussi cette façon systématique de détacher les objets sur un fond sombre et de les éclairer d'une lumière puissante. Les arrangements en quinconces et les ombres portées renforcent l'impression de précision et révèlent que ces compositions sont finalement tout sauf simples ! A partir de 1626, Van der Hamen peint des natures mortes plus complexes que ses premières en plaçant les objets sur différents niveaux. Ce type de composition que l'on retrouve à Rome au début des années 1620 dans les œuvres de Tomasso Salini et d'Agostino Verrocchi, était déjà présent dans les natures mortes de l'Antiquité que l'on découvrira à Pompei et Herculanum au 18e siècle. Les natures mortes de Juan van der Hamen ont exercé une grande influence sur ses contemporains comme Francisco de Zurbarán et plus tard chez des peintres comme Antonio Ponce et Juan Arellano. Une des caractéristiques de la peinture de Van der Hamen, pour laquelle il était surtout connu de son vivant, résidait dans la représentation des coûteuses et luxueuses verreries de Venise ou d'Allemagne. Très préoccupé par l'agencement harmonieux des objets et la représentation précise des textures et des lumières, Van der Hamen livre toujours des compositions très géométriques où les cercles et les sphères ont un rôle primordial. Contrastant avec cette sévérité géométrique, l'artiste dispose souvent ses objets sur les bords des structures ou sur des escaliers en pierre, en faisant ainsi varier leur distance à partir de la source lumineuse. Les objets représentés, fruits légumes, bois, terre cuite, et cristaux sont toujours magistralement rendus avec une science de la répartition des couleurs, des ombres, des reflets et des lumières qui en font un maître d'une sensibilité incomparable.
________________________________-
2017 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.