Chaïm Soutine (1893-1943)
Nature morte au faisan (1924)
Musée de l'Orangerie, Paris
Coll. Jean Walter et Paul Guillaume
Que voit-on ? Posé sur un table, un faisan gisant dans un torchon blanc déplié et taché de traces jaune qui figurent sans doute l'état d'avancement du gibier. Soutine dans son style si particulier a conservé les plumes et la parure de l'animal qu'il s'applique à rendre en circonvolutions abstraites et colorées. Ce cadavre d'animal, contrairement a beaucoup d'autres qu'il a peint, n'est pas éventré. Un gros piment rouge posé en plein milieu du torchon blanc (et du cadre )évoque à peine une tache de sang indélébile. Une saucière blanche disposée dans le fond de la toile est liée à la blancheur du torchon par une cuillère en bois au manche interminable. Le torchon lui-même avec ses taches et ses empreintes finit par former à lui seul une très interessante composition abstraite..
Rappel biographique : Le peintre français d'origine biélorusse Chaïm Soutine a développé une technique de peinture très qui utilise une palette de couleurs éclatantes et tourmentées tout en se situant dans une mode expressionniste avant la lettre qui a pu peut parfois, dans ses portraits, rappeler le style d' Egon Schiele. Il est l'un des peintres majeurs rattachés, à ce qu'on appelle l'École de Paris avec Modgliani et Chagall et sans doute le personnage le plus extravagant de la bande.
Dans le domaine des natures mortes, Soutine a commencé par traiter (avant la première guerre mondiale) des sujets assez banals (Nature morte a la pipe ou Nature morte à la Soupière) puis se consacre surtout à la représentation des animaux et en particulier des animaux écorchés ou éventrés qu’il prend comme modèle. Ces visions morbides issues de son enfance hanteront une bonne part de sa peinture, comme la série des carcasses de bœufs et celle des volailles (dindons, poulets, lapin etc...). Les voisins, horrifiés par les cadavres d’animaux qu’il conserve dans son atelier et les poissons qu'il laissent plusieurs jours à l'air libre avant de les peindre, se plaignent des odeurs qui émanent de son atelier. Visiblement les natures mortes à sujets de fleurs échappent à cette règle (Glaïeuls (1919) et Le Vase de fleurs (1918).
Pendant la Seconde guerre mondiale Soutine, traqué puisque juif, mène une vie clandestine, retournant souvent à Paris pour se faire soigner d'un ulcère récidivent. Bien que conscient du danger auquel il s’expose, il n'a jamais fait ou même tenter de faire les démarches nécessaires pour fuir la France. Suite à une dénonciation, il se réfugie près de Tours, avec sa nouvelle liaison, Marie-Berthe Aurenche, ex épouse de Max Ernst. Le 31 juillet 1943, il est fiévreux et doit être hospitalisé. Avant d’être transporté, il se rend à son atelier et brûle ses toiles. À l’hôpital de Chinon, on le dirige vers une clinique parisienne. Les contrôles de la France occupée doivent être évités et le voyage se révèle plus long que prévu. Opéré sept jours après son arrivée, il meurt deux jours après l'opération.
Au cimetière du Montparnasse, rien ne fut gravé sur la tombe avant la fin de la guerre. Pablo Picasso fut l'un des rares à suivre son enterrement. Malgré des interruptions plus ou moins longues, Chaïm Soutine a beaucoup peint et beaucoup détruit ses oeuvres et ce jusqu’à la fin de sa vie.
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