dimanche 25 décembre 2016

Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) - Les débris d'un déjeuner, 1756

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Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
La table  d'office dit aussi Les débris d'un déjeuner, 1756
Musée des Beaux Arts de Carcassonne  


Que voit-on ?  C'est une mise en scène assez hétéroclite d'objets très divers en attente de service plutôt qu'en retour de service.  En corrigeant le titre de Débris d'un déjeuner en La table d'office, Pierre Rosenberg a démontré qu'il s'agissait non pas de restes d'un déjeuner mais bien d'un déjeuner en attente d'être consommé, posé sur une table sur laquelle reposent des aliments encore intacts (le pâté en croûte par exemple) ou la soupière encore fermée. Dans cette composition, on atteint une précision, une délicatesse et un souci du réel dans la peinture de la douceur de vivre domestique qui a peu d'égal en son temps. Une sorte d'inventaire de l'art du désordre en symétrie dans lequel on relève : deux tasses en porcelaine et un sucrier posé sur une desserte en bois couleur sang de boeuf ; une linge blanc déplié en plein centre de la composition et chevauchant partiellement le pâté en croûte aux subtils sculptures ; des pommes et une grenade groupées ; une belle soupière en porcelaine dont le contenu est maintenu au chaud ; un plat un peu poussiéreux en céramique blanche dans lequel rien se se reflète ; un pot de crème fraiche recouvert d'un tissu noué ; un curieux pas de deux des flaconnages (pot d'oille et pots de confitures) ; le couteau à manche d'ivoire qui souligne la perspective dans un sens alors qu'une pelle à gâteau en argent pointe dans une autre direction ; des vases et de mystérieux contenants tapis dans l'ombre de l'office. Il existe au Musée du Louvre à  Paris une réplique de la main de Chardin datée 1763 et un peu moins contrastée que ce tableau original antérieur de 7 ans (peint en 1756)  et montré dans les collections du Musée de Carcassonne. La table d'office est le pendant de La table de cuisine qui se trouve au Boston Museum of Arts (USA).

Rappel biographique :  Jean-Baptiste-Siméon Chardin est considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du 18e siècle. Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, il est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maitre incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes.  A partir du Salon de 1748, Chardin expose de moins en moins de scène de genre, il multiplie désormais les natures mortes. Ce retour à  ce type de peinture va durer une vingtaine d'années. Il est difficile de donner des raisons à ce changement de cap. On sait que pendant cette période la vie de Chardin est en pleine mutation. Il se remarie, il reçoit une pension du roi. Il est désormais à l'abri du besoin. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui au Musée du Louvre. Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va lui donner ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres. Les sujets traités sont assez diversifiés, il s'agit de gibiers, fleurs, fruits, vaisselles...
Les natures mortes qu'il peindra à partir de 1760 sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres...  Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux  effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. On peut souvent parler d'impressionnisme avant la lettre.
Chardin cherchait à reproduire la matière, ces fruits semblent aussi vrais que nature, Diderot s'extasiait devant ce réalisme dans son compte-rendu du Salon de 1759 : " Vous prendriez les bouteilles par le goulot si vous aviez soif ". ou encore en 1763, " C'est la nature même; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux. (...)
 Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j'ai besoin de me faire les yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n'ai qu'à regarder ce que la nature m'a donné et   m'en bien servir ".
" O Chardin! ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette: c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile ".

2016 - A Still Life Collection 

Un blog de Francis Rousseau, #AStillLifeCollection, #NaturesMortes 


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