Suzanne Valadon (1865-1938)
Nature morte aux poissons
Collection privée
Que voit-on ? Sur une modeste chaise en paille d'atelier, (similaire à celle que l'on trouve dans certaines toiles de Van Gogh), étendus sur un linge blanc : deux harengs secs, tête-bêche et bouche ouverte présentent un chatoiement de couleurs qui balaient tout le spectre lumineux comme un arc en ciel. Toisant de très haut ce modeste repas d'artiste pauvre, tout en haut de la commode contre laquelle la chaise est posée, reposant sur un torchon à carreau d'une impeccable propreté : un citron. Le moment de se souvenir que le citron dans les natures mortes hollandaises en particulier, symbolisait le goût amer de la vie... goût qui jamais n'échappa à Suzanne Valadon.
Rappel biographique : Suzanne Valadon est une des plus importantes peintres françaises du 20e siècle et la premiere femme admise, en 1894, à la Société nationale des beaux-arts. Elle a commencé sa carrière comme acrobate de cirque en 1880, jusqu’à ce qu’une chute mette fin prématurément à cette activité. Dans le quartier de Montmartre où elle habite avec sa mère, puis avec son fils naturel, le futur peintre Maurice Utrillo, né 1883, elle a la possibilité de s’initier à l’art. Devenue modèle d’artistes, elle les observe en posant, et apprend ainsi leurs techniques. Modèle de Pierre Puvis de Chavannes, Pierre-Auguste Renoir, Henri de Toulouse-Lautrec, elle noue des relations avec certains. Habituée des bars de Montmartre où la bourgeoisie parisienne vient s’encanailler, Toulouse-Lautrec durant cette période, fait d’elle le portrait intitulé Gueule de bois. Edgar Degas (pour qui elle n'a jamais posé), remarquant les lignes vives de ses dessins et de ses peintures, encourage ses efforts. Elle connaît de son vivant le succès et réussit à se mettre à l’abri des difficultés financières de sa jeunesse. Suzanne Valadon peint des natures mortes, des bouquets et des paysages remarquables par la force de leur composition et leurs couleurs vibrantes. Elle est aussi connue pour ses nus. Ses premières expositions au début des années 1890 comportent principalement des portraits, dont celui d’Erik Satie avec qui elle a une relation en 1893. Il lui propose le mariage au matin de leur première nuit.
Suzanne Valadon est alors connue pour travailler plusieurs années ses tableaux avant de les exposer.
La peintre trouve dans la galeriste Berthe Weill, une alliée solide qui soutient son travail. La marchande fait ainsi participer l'artiste à près de dix-neuf expositions entre 1913 et 1932, dont trois rétrospectives personnelles. Son mariage, en 1896, avec un agent de change, prend fin en 1909, Suzanne quitte son mari pour l'ami de son fils, le peintre André Utter (1886-1948), qu’elle épouse en 1914. Cette union, houleuse, dure près de trente ans. André Utter en Adam et elle-même en Eve figurent sur l’une de ses toiles les plus connues, Adam et Eve. En 1923 elle achète avec Utter le château de Saint-Bernard, au nord de Lyon, pour couper son fils Maurice Utrillo de ses penchants pour l'alcool. Ce dernier qui signait ces toiles Maurice Utrillo V. (pour Valadon) peint le château ainsi que l’église ou encore le restaurant du village. Suzanne Valadon morte, le 7 avril 1938, entourée de ses amis peintres André Derain, Pablo Picasso et Georges Braque, est enterrée au cimetière parisien de Saint-Ouen.
Ses oeuvres sont conservées dans de nombreux musées, dont le Musée national d'art moderne à Paris, le Metropolitan Museum of Art à New York, le Musée de Grenoble, le Musée des beaux-arts de Lyon. Une exposition permanente lui est dédiée à Bessines-sur-Gartempe (Haute-Vienne), sa ville natale.
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