Adrian Stokes (1902-1972)
Still Life 1958
Tate
Que voit-on ? Sur un entablement posé contre un mur dont on devine une étagère : un verre vide et des carafes et décanteurs. Sur l'étagère elle-même : un bol, un pot en verre vide, et une bouteille vide, elle aussi, et dont on perçoit que l'étiquette est tournée contre le mur. C'est le seul objet sombre de cette nature morte et le plus clairement lisible, la volonté de ce peintre étant de rendre les frontières entres les objets, aussi indistinctes que possible.
Rappel biographique : Adrian Stokes - à ne pas confondre avec son homonyme l'architecte Victorien Adrian Scott Strokes (1854-1935) - fut surtout célèbre comme auteur de livres et d'articles sur Henry Moore (1898-1986), Ben Nicholson (1894-1982) et Barbara Hepworth (1903-1975), de même que pour son érudition concernant la Renaissance italienne. Mais Adrian Strokes peignit aussi des paysages, des nu et des natures mortes se caractérisant par une monochromie qui rend toujours les sujets indistincts les uns des autres. Un style qui rend ses toiles immédiatement identifiables. Stokes a appris à peindre de façon autodidacte dans les années 1930, ne voulant pas se contenter d'être un critique d'art qui ne savait comment les peintres peignaient. Il exposa ensuite à Londres dans les années 1950 et 1960, mais resta un artiste très confidentiel, seulement apprécié de l'intelligentsia britannique, sans jamais être célèbre hors des frontières du Royaume-Uni. Ayant suffisamment de moyens financiers pour ne pas avoir besoin de vendre son travail, il ne chercha jamais à le promouvoir auprès du grand public. Son écriture pictural est réputée " abstraite et psychanalytique ", plus en rapport avec la perception de la forme qu'avec la description elle-même de la forme. Il fut un grand admirateur de la psychanalyste américaine Melanie Klein (1882-1960) dont la pensée influença beaucoup l'écriture de Stokes. A la fin de sa vie, voici ce que Stokes écrivait sur Turner, et qui d'un certaine manière pourrait s'appliquer à sa propre peinture qui en est - à bien des égards - très proche : " Il y a une longue histoire "d'indistinction" des formes dans l'art de Turner, liée à ce que j'ai appelé une "qualité enveloppante " qui ne concerne pas seulement le tableau lui-même mais aussi le rapport enveloppant du spectateur au tableau ". Et en effet les peintures de Stokes s'appliquent à représenter des objets dont la substance est rendue indistincte et ce par l'usage de pinceaux cassés qui transmettent une lumière légère, dissolvant littéralement la distinction entre les formes et leur support. En 2001, la Tate de Londres a reçu le legs de huit peintures de Stokes (des natures mortes principalement) données par son ami et admirateur, le critique d'art David Sylvester (1924-2001).
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