vendredi 6 septembre 2019

Georges Braque (1882-1963) - Les poissons noirs


Georges Braque (1882-1963)
Les poissons noirs,1942.
Huile sur toile, 33 x 54.8 cm.
Centre Georges Pompidou, Paris

Que voit on ? Cloîtré dans son atelier pendant toute la durée de la guerre, Braque se consacre au thème des Intérieurs avec un retour en force du noir qui donne une impression de dépouillement et de sévérité. La guerre est pour Georges Braque synonyme d'austérité et d'accablement. À ce moment-là, « il n'y a guère de place pour l'émulation dans la vie de Braque : ni concours, ni discussion, ni travail en commun.  1942 est une année particulièrement féconde pour le peintre qui commence plusieurs toiles sur le thème de la musique, réalise encore quelques dessins de femme  et... de nombreuses natures mortes reprend le pas : Deux poissons dans un plat avec une cruche, 1939-1941,  inaugure une série de poissons sur fond noir,  dont  le tableau ci dessus  Les Poissons noirs est une autre exemple. Ces intérieurs rappellent que l'artiste s'est « cloîtré » chez lui pendant toute la durée de la guerreSes toiles les plus significatives ont pour sujets des objets de la vie quotidienne, objets dérisoires, utiles à la survie, ou à la nourriture rationnée.

Rappel biographique :  Braque et la deuxième guerre mondiale 
En 1941, un grand nombre des peintures de Braque déposées à Libourne sont confisquées par les autorités allemandes. Cette même année,  Braque ne participe pas au voyage à Berlin organisé par Arno Breker et Otto Abetz dont André Derain, Othon FrieszMaurice de Vlaminck, Kees van Dongen, André Dunoyer de Segonzac font partie.  Mais il ne souhaite pas désavouer son ami Derain, et le commentaire de lui rapporté par Fernand Mourlot : « Heureusement, ma peinture ne plaît pas, je n'ai pas été invité ; sans quoi, à cause des libérations [de prisonniers] promises, j'y serais peut-être allé »  reste, selon Alex Dantchev et Fernand Mourlot, une forme d'exonération de toute accusation de collaboration envers l'ami Derain. Certes, le lien avec Derain est rompu tout comme celui avec les autres artistes qui ont fait le même voyage.
Braque met un soin particulier à se tenir  très à l'écart du régime de Vichy pendant toute la guerre. Pourtant, les avances de l'occupant ne manquent pas, ses tableaux déchaînent l'enthousiasme de Pierre Drieu la Rochelle lors de l'exposition de vingt de ses toiles au Salon d'automne 1943. Les officiers allemands qui visitent son atelier, le jugeant trop froid, proposent de lui livrer du charbon, ce que Braque refuse avec finesse. Il refuse également de créer un emblème pour le gouvernement de Vichy, alors que Gertrude Stein s'est proposée pour traduire les discours de Pétain. Braque a le défaut inverse : il ne se laisse pas acheter. Sa position est claire : pas de compromis, pas de compromission. Ce qui ne l'empêche pas de recevoir Ernst Jünger dans son atelier le 4 octobre 1943. Écrivain et poète en uniforme d'occupant cette année-là, Jünger, qui recevra le prix Goethe en 1982 et qui entre dans la Pléiade en 2008, apprécie les peintures « dégénérées » d'Edvard Munch, de James Ensor, du Douanier Rousseau, de Picasso auquel il a rendu visite cette même année et aussi de Braque, dont il a vu les peintures au Salon d'automne 1943, et qu'il trouve « réconfortantes, parce qu'elles représentent l'instant où nous sortons du nihilisme». Leur force, tant dans les formes que dans les tons représentent pour lui le moment où se rassemblent en nous la matière de la création nouvelle.
En 1945, à la fin de la guerre, Braque se tient à l'écart de l'épuration et rejoint Varengeville. 
Il n'adhère pas non plus au Parti communiste français malgré les démarches répétées de Picasso et de Simone Signoret. Il se tient aussi à l'écart de Picasso dont il apprécie de moins en moins l'attitude et que Maïa Plissetskaïa qualifiera plus tard de hooligan. Il décline l'invitation à séjourner à La Californie à Cannes, choisissant plutôt d'habiter chez son nouveau marchand parisien, Aimé Maeght, à Saint-Paul-de-Vence. Il n'empêche que chacun des deux peintres essaie d'avoir des nouvelles de l'autre. Notamment lorsque Braque subit une opération pour un double ulcère à l'estomac, en 1945, Picasso vient le voir chaque jour, et il continue à chercher son approbation malgré son attitude distante.
À partir de 1951, une sorte de réconciliation va s'amorcer. Françoise Gilot rend visite très souvent à Braque, même après sa séparation, elle lui présente son fils Claude Picasso, alors adolescent, qui ressemble tant à son père que Braque fond en larmes : le garçon est le portrait vivant de son « compagnon de cordée » de l'époque. La véritable nature du lien entre les deux peintres reste difficile à cerner. Selon Braque, ce n'était pas une coopération artistique mais « une union dans l'indépendance».
Après une convalescence de deux ans, Braque reprend sa vigueur, et il expose au Stedelijk Museum d'Amsterdam, puis à Bruxelles au Palais des beaux-arts. 
En 1947, il est à la Tate Gallery de Londres. 
La même année, Aimé Maeght devient son nouveau marchand parisien, et publie la première édition des Cahiers G. Braque.
En 1948, à la Biennale de Venise, où il a présenté la série des Billards, il reçoit le Grand Prix pour l'ensemble de son œuvre. Suit une série d'expositions en particulier au MoMA de New York, qui parachève la reconnaissance internationale de son œuvre. Paul Rosenberg lui consacre encore une nouvelle exposition dans sa galerie de New York en 1948.

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2019 - A Still Life Collection 
Un blog de Francis Rousseau 

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