Nicolas Henri Jeaurat de Bertry (1728-1796)
Objets de curiosité disposés sur une table surmontant une mappemonde et des instruments de musique Huile sur toile, 1770
Collection particulière
Que voit on ? Un cabinet de curiosité réduit à l'échelle d'une nature morte sous et sur une table , dans laquelle sont rassemblés des objets hétéroclites, comme des coquillages, un serpent (naturalisé) dans un bocal transparent,et le Manuel du Naturaliste, qui va avec ! des partitions de musique de Danses amusantes, de gigantesques ouvrages de cartographie (sous la table), un cor de chasse, un tison, une tabatière, des plumes à écrire... bref le parfait attirail de l'honnête homme du XVIIIe siècle, peint avec toute le soin qui fit la réputation de l'art de vivre à la française sous le règne de Louis XV.
Rappel biographique : Fils d’Edme Jeaurat, graveur du Roy, Nicolas Henry Jeaurat de Bertry a étudié avec son oncle, le peintre Etienne Jeaurat. Il a établi sa réputation dans la nature morte, genre où il excellait, réussissant à saisir les objets de la vie quotidienne avec un détail et une vitalité rappelant le maitre du genre, Chardin, mais pour un critique comme Théodore Lejeune : « Autant Chardin excelle dans le clair-obscur, autant Jeaurat est cru et sec. » Fait remarquable et rare, il a été à la fois nommé et reçu, par accord verbal de l’assemblée, académicien et professeur à l’Académie royale de peinture et de sculpture, le même jour, le 31 janvier 1756, avec deux natures mortes comme morceaux de réception : l’un, Ustensiles de cuisine près d’un petit fourneau en terre allumé qui rappelle l’esprit de Chardin et l’autre ses trophées militaires.
L’année suivante, il a présenta au Salon de 1757 trois natures mortes représentant des instruments de musique, une allégorie de la guerre, une de la science, qui ont attiré une critique favorable du Mercure d’octobre : « On a vu avec plaisir trois tableaux de M. Jeaurat de Bertry : ils sont d’une belle imitation et bien grouppés. »
On ignore où se trouvent ses dernières oeuvres, mais le tableau aux instruments de musique, signé et daté de 1756, actuellement dans les collections du musée Carnavalet, semble être le premier de ces trois tableaux au Salon. Quelques natures mortes de la Réunion des Musées Nationaux (dont celui de Cambrai) attribuées un temps par erreur à Chardin et à Henri- Horace Roland de La Porte, l’un contenant même son monogramme "JB", lui ont récemment été réattribués.
En 1761, il est nommé peintre et pensionnaire de Marie Leszczynska et signe ses lettres du titre de « peintre de la Reine ». Reconnu, il quitte Paris pour s’installer Versailles où il résidera jusqu’à la mort de la reine en juin 1768. Le 1er juillet de la même année, il reçoit une pension de 400 livres de gratification annuelle, « en considération des services qu’il a rendus а la feue Reine, pour l’amusement de cette princesse dans l’art de la peinture. » Il repart alors pour Paris d’où il ne sortira plus exception faite d’un second séjour de quatre ans à la cour.
Pendant la Révolution, il se concentrera sur le portrait, certains de nature satirique voilée, ainsi que sur les constructions allégoriques comportant des portraits, le drapeau tricolore, les pyramides et l’oeil maçonnique. Au Salon de 1796, il expose le Portrait du Citoyen Gelé à l’instant où il reçoit le brevet d’imprimeur de la Gendarmerie nationale. Au même Salon, il expose encore une Vue de la collégiale et du pont de Corbeil, où il évoque sa propre disparition avec un coche descendant passant sous le porche de la collégiale.
Le fait qu'il fut comblé d'honneur par la reine, ne lui valut pas que des amis et l'on fut bien sévère avec ce peintre dont le talent mérite aujourd'hui largement d'être débarrassé des jalousies opportunistes de son époque.
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Un blog de Francis Rousseau
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