lundi 21 novembre 2016

John Stewart (1919-2017)



John Stewart (1919-2017)
Quince and pears, 1975
 (charcoal print)

Que voit on ?  Sur une bille de bois à la veine très apparente, faisant office d'entablement et reposant contre un fond noir : trois fruits et leur branchage. La nature des fruits est annoncée dans le titre : poires et coing. Une des deux poires - fruit souvent photographié à divers états de maturation par John Stewart - occupe le fond de la composition de toute la largeur de sa silhouette allongée. L'autre, présentée de dos (si on peut dire s'agissant d'un fruit !) distrait ironiquement le regard du spectateur par quelques gouttes d'eau perlant autour de son calice. Au premier plan, laissant éclater en plein centre de la composition sa chair d'un blanc étincelant : le demi coing dans lequel scintillent les pépins, comme autant de minuscules pierres précieuses serrées au fond de leur écrin. On suit alors le fil du feuillage contourné de ce demi fruit ouvert et pourtant si mystérieux : un feuillage qui épouse la courbe de la bille de bois au point de se fondre dans sa texture comme s'il était le pli d'un drapé de sa matière...  Un absolu d'élégance dans l'univers de la nature morte, parachevé par un traitement du noir et blanc d'une rare sensualité.


Rappel biographique: John Stewart est né à Londres en 1919 puis a été élevé à Paris.  En 1951, sa rencontre avec Henri Cartier-Bresson, lors de l’inauguration de la Chapelle de Matisse à Vence marque  «l’instant décisif» de sa vie de photographe. Il se remettait alors de six années de guerre dans l’armée britannique, dont trois ans et demi dans des camps de prisonniers japonais en Thaïlande sur la Rivière Kwai.  II devait sa survie à l’apprentissage de la langue japonaise, qui lui permit d'acquérir le statut de prisonnier-interprète, moins pénible que celui de manœuvre. Son endurance morale, sa résilience, même se résume dans ce conseil :  " Quoique qu’il se passe, ne jamais perdre l’émerveillement d’être en vie et toujours rester en mesure de se dire, aujourd’hui j’ai vu ou senti ceci, que je n’aurais jamais pu connaître auparavant ".  Avant le milieu des années 50, fort de sa passion pour la photographie, il part s'installer à New York où il devient rapidement, aux côtés de Richard Avedon et d’Irving Penn, l’un des collaborateurs d’Alexey Brodovitch pour le prestigieux magazine de mode Harper’s Bazaar. Puis c'est la revue Fortune qui fait appel à lui et lui permet de photographier des personnalités aussi diverses qu'Andy Warhol ou Muhammnad Ali. Dans les années 50 toujours, à la demande de Diana Vreeland et d’Alex Liberman,  il travaille plusieurs années pour un autre grand magazine de mode, celui de de Condé Nast cette fois ci, Vogue, dont c'est véritablement dans ces années là, la période d'or.
Une deuxième aventure asiatique s'offre à lui quand on lui propose le poste de conseiller technique pour le film Le Pont sur la Rivière Kwai tourné au Sri Lanka. C’était le début de nombreux voyages en Asie – une année entière au Ladakh, la remontée de la Rivière Kwai et l’entrée en Birmanie avec les « guerilleros », deux mois dans une province du Tibet interdite aux étrangers, et en 1996 l’établissement d’une organisation caritative (ONG) avec Michèle Claudel au Cambodge.
En 1976, après 20 années de photographie de reportage, de mode et de publicité aux Etats-Unis et en France, John Stewart change de braquet et décide de développer un travail plus personnel.
De retour en France, tournant résolument le dos à la photographie en couleur qui fit sa réputation dans les magazines, il se passionne pour la nature morte et devient un maître du noir et blanc et des tirages d’art avec l’aide de la famille Fresson, dont la technique de tirage au charbon contribue largement au rendu unique de ses natures mortes. Le tirage au Charbon a été élaboré en 1890 par Michel Fresson. qui  utilisait, comme pigment, le pied de vigne calciné plutôt que les sels d’argent, base de toute la photographie jusqu’à l’arrivée du numérique.  Sa pratique requiert un long travail (trois jours pour sortir un tirage 60x80 cm), et une étroite collaboration entre le photographe et  le tireur pour arriver à un résultat d’une résonance et d’une richesse caractéristiques du “charbon”. Ces tirages qui ne sont pas sensibles aux rayons ultra-violets et qui sont stables en dépit de leur exposition au soleil, dépendent en revanche énormément du “coup de main” et des conditions météorologiques, si bien il est impossible d’obtenir une constance absolue. C'est ce qui rend chacun de ces tirages unique. A partir de ce moment là, pour John Stewart, les expositions se succèdent rapidement : la première à NewYork, la deuxième à la Bibliothèque Nationale de France à Paris, en 1976,  puis son travail est montré à Genève, Shanghai, Hong Kong, Londres...  Le Metropolitan Museum de New York à été le premier musée à lui acheter des tirages. Les oeuvres de John Stewart sont désormais exposées dans plus de 60 musées et galeries dans le monde. En 2004, Jan Krugier a présenté ses images à la FIAC et la Galerie Acte 2 a organisé une rétrospective de son œuvre en 2008. Il a également été exposé en 2009 à la Galerie Pia Pierre à Shanghaï, à la Galerie Binôme, au Art Fair de San Francisco, à Art Basel Miami et à Genève en 2010. La même année, la Gallery Tristan Hoare de Londres lui a organisé une rétrospective. Il a également exposé en 2014 à la Galerie Anne Clergue une série de " Véroniques" qui sont une référence directe à l'œuvre de Zurbaran.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.