lundi 23 novembre 2015

Foujita (1886-1968) - Mon intérieur



Foujita (1886-1968)
Mon intérieur (1922)
Centre Georges Pompidou, Paris

Que voit-on ? Cette peinture, aussi appelée quelquefois Nature morte à l'accordéon exposée au Salon d’automne de 1922, est, avec Mon intérieur (Nature morte au réveille-matin) aussi publiée sur ce blog, l’une des deux grandes natures mortes réalisées par Foujita au cours de l’hiver 1921-1922, dans son atelier de la rue Delambre à Montparnasse. Elle reflète le monde intérieur de l’artiste japonais, installé en France depuis 1913, et permet de le considérer comme un maître dans le domaine de la nature morte. Pour sa composition, il a choisi des objets révélateurs du lien étroit qu’il a tissé entre l’Orient et l’Occident, de son attachement à la France et de sa passion de collectionneur d’objets symboles, qu’il peindra toute sa vie. À la fois acteurs et témoins, la théière, la bouteille d’eau, la lampe à pétrole, la boîte à couture et autres bibelots chinés aux Puces, participent de la mythologie de son exil. Juxtaposés frontalement et symétriquement dans un ordre à la fois rigide et cocasse, ils illustrent les chapitres de la vie de l’artiste. Par exemple, les couleurs du drapeau français, mises en évidence au centre du tableau, instaurent un rapport savoureux entre la bobine de fil bleu, les boutons de nacre blanche et le rouge intense du napperon. Dans les années 1920, Foujita connaît déjà le succès à Paris, mais sa vie mondaine n’entamera jamais sa sérénité orientale et sa méditation sur le sens de la vie et de la mort. Au centre de son travail se retrouve son analyse de l’immanence des choses. Cette présentation de son atelier est conçue selon les quatre grands axes sacrés au Japon, le haut et le bas, la droite et la gauche. Le haut met en scène la question de la mort. Le bas incarne le vivant à travers les icônes qui représentent son rapport au sacré et au profane, à l’Orient et à l’Occident. Au centre de la composition, l’image d’Épinal qui est accrochée au mur, Le Degré des âges, représente un couple cheminant inexorablement du berceau au cercueil. Les autres objets présents sont également symboliques du passage de la vie à la mort. À gauche, un calendrier est ouvert à la date du 15 août, qui est celle de l’Assomption de la Vierge Marie, de la victoire de la vie éternelle sur la mort. À droite, le carton de foire troué par des balles symbolise ou parodie la mort. Cet ensemble est relié au reste de la composition par une image de l’Annonciation faite à Marie, qui figure sur le couvercle du nécessaire à couture. Cette image sacralise le Foujita couturier qui, en 1914, travailla comme styliste, chez Selfridges à Londres, puis fut, à Montparnasse, le propre confectionneur de ses vêtements et de ceux de sa femme Fernande ou de ses amis. Sur la table, deux poupées, l’une japonaise et l’autre française, représentent ses deux pays d’élection. Elles se donnent la main sous la protection d’une paire de chiens traditionnels en porcelaine, tels des gardiens du temple. Au centre, en majesté, son accordéon trône comme un bouddha, encadré par un recueil des Fables de La Fontaine – qui symbolise la sagesse et la morale occidentales – et les cinq éléments constitutifs de l’univers oriental, le feu et l’eau, sous la forme d’une lampe et d’une bouteille, le bois représenté par le vieux meuble ciré sur lequel reposent les objets, et enfin l’air et l’éther de l’espace environnant. Ces simples objets familiers, qui incarnent le dialogue de Foujita avec la vie et la mort, constituent une sorte d’autoportrait métaphysique de l’artiste. 
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007


Rappel biographique :  l'artiste français d'origine japonaise Tsugouharu Foujita aussi connu sous le nom de Léonard Foujita ou Foujita est aussi bien peintre que dessinateur, graveur, illustrateur, céramiste, photographe, cinéaste ou créateur de mode.... Il a illustré énormément d'ouvrages de librairie dans le Montparnasse des Années Folles et bien après (plus d'une centaine entre 1919 et 1970)  et un nombre non négligeable de natures mortes - ou intitulées comme telles - parsèment son oeuvre du début à la fin. 


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