Paul Gauguin (1848-1903)
Nature morte au profil de Charles Laval (1886)
Indianapolis Museum of ArtQue voit-on ? Sur un entablement en bois recouvert d'un drapé blanc réalisé avec une serviette, 8 fruits ronds (pommes) et un fruit contondant (aubergine) entourent une statue ou une poterie dont la forme est difficile à cerner. Le fond du tableau est un mur sur lequel est posée une toile (sans doute exécutée par Laval) qui représente un paysage en hauteur. Sur la droite du cadre, un personnage de profil Charles Laval, qui donne son titre à la toile, observe la nature morte. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois chez Gauguin qu'un personnage en marge du sujet central, observe une nature morte, mais cette fois-ci le personnage n'est pas n'importe qui. En effet Charles Laval (1861-1894) a joué un rôle déterminant dans la vie de Gaughin qui s'en est énormément inspiré ; c'est donc lui et sa façon de peindre que l'on retrouve dans cette nature morte qui en deviennent les sujets centraux. Gaughin et Laval se lient d'un forte amitié dès 1886 à la Pension Gloanec à Pont-Aven. En quête d'un exotisme qui pourrait leur fournir la clé d'un art « autre », Laval et Gauguin partent ensemble en 1887 pour le Panama. Afin de gagner quelques subsides, Laval exécute des portraits académiques (tous perdus). Une série de mésaventures conduisent Laval et Gauguin à quitter le continent pour la Martinique, où un musée leur est d'ailleurs consacré. Laval réalise une petite série de paysages diaprés aux couleurs éclatantes, longtemps attribués à Gauguin. À bien des égards, les toiles martiniquaises de Laval devancent celles de Gauguin : Laval compose ses peintures selon les structures cadencées de Pierre Puvis de Chavannes, tout en simplifiant ses figures en arabesques décoratives. Monumentales et intemporelles, ses Femmes de la Martinique se situent à mille lieues d'un reportage colonial. Sujet à des crises de démence, tentant même de se suicider, Laval rentre des Antilles en 1888, quelques mois après Gauguin. Il en rapporte des toiles et des aquarelles qui fascinent littéralement Gauguin mais entre-temps, celui-ci a sympathisé avec le jeune Emile Bernard. Laval, Gauguin et Bernard vont dès lors façonner ensemble une nouvelle syntaxe plastique. Bien des années plus tard, lorsque Charles Laval sera si injustement oublié, Bernard et Gauguin, devenus ennemis irréductibles, revendiqueront l'un comme l'autre l'invention de ce système pictural révolutionnaire, occultant le rôle d'un Laval qui, discrètement, apportait son talent poétique au synthétisme. Dans le cadre d'une série d'échanges, Vincent van Gogh commande à Laval un Autoportrait dont le Hollandais louera avec enthousiasme les qualités psychologiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.