Gustave Courbet (1819-1877)
Nature morte aux pommes véreuses (1871)
Collection privée
Collection privée
Que voit on ? Un ensemble de pommes présentées, à même le sol, sous différents angles. Cette nature morte des années 1871 comme beaucoup d'autres présentées sur ce blog est directement liés à la détention de Gustave Courbet à Ste Pélagie. Pendant sa détention Courbet s'attache à quelques fruits (des pommes le plus souvent) posés sur le rebord d’une fenêtre, au pied d'un arbre ou directement sur le sol. Ces fruits devenant les métaphores de sa solitude, de sa tristesse. Pourquoi cet emprisonnement ? Fidèle à son attitude de révolté, et après avoir refusé la Légion d'Honneur que lui offrait le gouvernement impérial, le peintre, depuis longtemps engagé politiquement, en vint à jouer un rôle dans la chute de l'Empire. Élu Président de la Fédération des artistes, tout en déployant une énergie remarquable pour préserver les richesses des Musées Nationaux pendant le Siège et pendant la Commune, il demande, dans une lettre au gouvernement provisoire, la destruction de la colonne de la place Vendôme, symbole de L'Empire. La colonne fut abattue quelques mois plus tard. Reconnu complice, Courbet fut condamné à six mois de prison et à cinq cents francs d'amende. Cette calomnie transforma la fin de sa vie en un long calvaire. Le 22 septembre 1871, il est incarcéré à la prison Sainte-Pélagie à Paris, cellule 4. Il reçoit les visites de sa sœur, Zoé Reverdy, qui lui apporte des fleurs et des fruits et le 2 novembre, on lui donne une palette et des pinceaux. N'ayant pas l'autorisation de recevoir des modèles vivants, Courbet renoue avec les natures mortes peintes dix ans auparavant.
Malade, et prisonnier sur paroles, il est hospitalisé à partir du 6 janvier 1872 à la clinique du Docteur Duval de Neuilly. Les lettres de Zoé Reverdy à Alfred Bruyas*, de janvier à mai 1872, nous apprennent que “ Gustave peint des fleurs et des fruits...”, “ Gustave est enthousiasmé de ses tableaux de fruits...”, “ Gustave fait des tableaux de fruits en grand nombre...”. On peut juger ici de la beauté de ces oeuvres. Les soucis pécuniaires accompagnent sa détention, mais les amateurs et les marchands ne l'abandonnent pas. Il vend de nombreux tableaux à Durand-Ruel, dont cette Nature morte, pommes et poire.
Rappel biograhique : Le peintre et sculpteur français, Gustave Courbet est principalement reconnu pour le réalisme de ses œuvres opposées aux critères de l'académisme et transgressant la hiérarchie des genres, comme Un enterrement à Ornans (1850), qui provoqua le scandale chez ses contemporains. Anticlérical, ami de Proudhon et proche des anarchistes, il fut l'un des élus de la Commune de Paris de 1871. Accusé d'avoir fait renverser la colonne Vendôme, il fut emprisonné et est condamné à la faire relever à ses propres frais. Réfugié en Suisse, il meurt avant d'avoir commencé à rembourser.
Gustave Courbet enduisait sa toile d’un fond sombre, presque noir, à partir duquel il remontait vers la clarté. Cette technique est, peut-être, en train de condamner les œuvres de Courbet. En effet, ce goudron tend, avec le temps, à remonter à travers la peinture et à assombrir dangereusement les tableaux.
Courbet a eut parfois recours à la photographie, en particulier dans la représentation du nu féminin : comme Eugène Delacroix avant lui, il utilise des clichés à la place des traditionnelles séances de pose assurées par des modèles vivants. Ainsi, la figure centrale des Baigneuses (1853) s'inspire d'un cliché du photographe Julien Vallou de Villeneuve. De même, l'Origine du monde, tableau qui fit récemment encore parlé de lui pour avoir été censuré par Facebook, rappelle, par son cadrage serré, les stéréophotographies pornographiques d'Auguste Belloc.
En 2013, un dossier plaidant pour le transfert de la dépouille de Gustave Courbet (conservée dans le cimetière d’Ornans depuis 1919) vers le Panthéon est déposé par le psychiatre Yves Sarfati auprès du président des Centre des monuments nationaux Philippe Bélaval. La proposition d’hommage posthume à l’artiste apparaît lors du colloque Transferts de Courbet à Besançon en 2011. Il est appuyé par une tribune de Thomas Schlesser dans le Quotidien de l’art du 25 septembre 2013 (numéro 250), où il est affirmé que « la République a une dette envers sa mémoire » ; puis par une tribune dans la rubrique « idées » du Monde.fr d’Yves Sarfati et de Thomas Schlesser, où il est dit qu’ « en honorant Courbet, c'est l'engagement républicain et la justice, que l'on honorerait », qu’ « en honorant Courbet, c'est le monde d'aujourd'hui et celui des Beaux-arts, que l'on honorerait » et qu’ « en honorant Courbet, c'est la Femme, avec un grand F, que l'on honorerait. » Parmi les membres du comité de soutien à la panthéonisation de l’artiste, on trouve : Nicolas Bourriaud, Annie Cohen-Solal, Georges Didi-Huberman, Xavier Douroux, Romain Goupil, Catherine Millet, Orlan, Alberto Sorbelli…
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