samedi 5 août 2017

Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779) - Le gobelet d'argent

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Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
Le gobelet d'argent (vers 1730)
Palais des Beaux-Arts, Lille

Que voit on ?  Au premier plan : un gobelet d’argent appartenant à l’artiste et qu'il s'est plu à  représenter dans ses tableaux tout au long de sa carrière. Autour du gobelet, disposés dans le décor dépouillé d’une niche de pierre, comme négligemment abandonnés, d'autres objets familiers qui sont en réalité parfaitement ordonnés. Ils semblent dialoguer entre eux comme les protagonistes d’une conversation familière et intime. Le couteau, projeté en oblique vers le spectateur, vient contredire le rythme calme des verticales et des horizontales de la composition. Quelques détails accrochent le regard : les miettes de pain tombées sur le rebord de la margelle en pierre ou le magnifique reflet de la cuillère sur le gobelet...  Le brillant du gobelet et du rebord du plat est rendu par quelques touches de blanc qui viennent égratigner la surface de la toile.
Selon la notice du  Musée des Beaux Arts de Lille, une radiographie du tableau a révélé de nombreux repentirs : un chou et un agrume ont été finalement recouverts par le peintre pour obtenir une construction plus sobre. La scène baigne dans une lumière douce unifiée par une grande harmonie des couleurs. L’atmosphère est silencieuse, recueillie. Le sujet en soi n’a rien de bien extraordinaire,  il fait partie des multiples natures mortes d'objets de cuisine peintes par Chardin, mais la façon dont le peintre restitue leur présence et leur matérialité  force l’admiration. Austère et sensuel, l’ensemble est d’un réalisme éblouissant.

Rappel biographique : Jean-Baptiste-Siméon Chardin est considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du 18e siècle. Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, il est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maître incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes. A partir du Salon de 1748, Chardin expose de moins en moins de scène de genre, il multiplie désormais les natures mortes. Ce retour à ce type de peinture va durer une vingtaine d'années. Il est difficile de donner des raisons à ce changement de cap. On sait que pendant cette période la vie de Chardin est en pleine mutation. Il se remarie, il reçoit une pension du roi. Il est désormais à l'abri du besoin. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui au Musée du Louvre (salle 39) . Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va lui donner ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres.
Les natures mortes qu'il peindra à partir de 1760 sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres...  Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. On peut souvent parler d'impressionnisme avant la lettre.
Chardin cherchait à reproduire la matière, ces fruits semblent aussi vrais que nature, Diderot s'extasiait devant ce réalisme dans son compte-rendu du Salon de 1759 : " Vous prendriez les bouteilles par le goulot si vous aviez soif ". ou encore en 1763, " C'est la nature même; les objets sont hors de la toile et d'une vérité à tromper les yeux. (...)
 Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j'ai besoin de me faire les yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n'ai qu'à regarder ce que la nature m'a donné et   m'en bien servir ".
" O Chardin ! ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette: c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile ".

2017 - A Still Life Collection 
Un blog de Francis Rousseau, #AStillLifeCollection, #NaturesMortes 

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