Gustave Caillebotte (1848-1894)
Tête de veau et langue de boeuf (1882)
Art Institute of Chicago
Que voit-on ? Cette peinture qui fut présentée pour la première fois dans la rétrospective des oeuvres de Caillebotte de 1894 à la Galerie Durand-Ruel à Paris, fait partie des nombreuses oeuvres de la même époque où le peintre décrit des scènes de la vie ménagère quotidienne, des étales de boucher, des animaux morts pendus à leur crochet d'étalage, des fruits ou des poissons à l'étalage des boutiques. Caillebotte prenait des notes (dessinées) sur le vif c'est à dire sur les marchés et les devantures de boutiques, qu'il restituait ensuite sur la toile dans son atelier. En mettant en scène ces sujets on ne peut plus quotidiens que sont une tête de veau et une langue de boeuf, Caillebotte subvertit de façon assez amusante les normes du Réalisme. Ces deux éléments présentés dans toute leur nudité sont les matières premières de deux des mets les plus appréciés des tables bourgeoises et des brasseries parisiennes au 19e siècle : la tête de veau sauce gribiche et la langue de boeuf sauce piquante ou sauce Madère selon les goûts. Mais dans cette nature morte (et bien morte!) il ne s'agit pas de représenter les mets (éventuellement appétissants) mais les ingrédients (peu appétissants eux, par contre). Avec cette langue de boeuf crue et cette tête de veau suspendues ainsi à des crochets dans la boutique du boucher, la composition de Caillebotte favorise la dissociation du signe et de la substance. Isolées, les parties démembrées sont suspendues dans une sorte de purgatoire commercial, quelque part entre la mort et la consommation. La matière morte se retrouve dans un état coupé de la vie alors qu'elle n'est pas encore encore transformée et renouvelée, comme peut l'être un met consommable. Les roses, les mauves et les rouges magnifiques de la subtile palette de Caillebotte ont tout de même beaucoup de mal à transformer cette vision de mort en vision d'horreur. Il y a même dans cette composition très esthétique quelque chose d'amusant qui inclinerait presque à sourire, malgré la morbidité du sujet.
Rappel Biographique : le peintre français Gustave Caillebotte fut aussi mécène, collectionneur et organisateur des expositions impressionnistes de 1877, 1879, 1880 et 1882. Le talent de Caillebotte fut longtemps méconnu (sauf aux États-Unis) au profit de son rôle de « mécène éclairé ». Le peintre fut redécouvert dans les années 1970 à l'initiative de collectionneurs américains. Les rétrospectives de ses œuvres sont désormais fréquentes. Certains de ses tableaux se trouvent maintenant au musée d'Orsay à Paris.
Caillebotte est l'un des premiers grands peintres français à exposer régulièrement aux États-Unis, où il rencontre un vif succès, et où se trouvent aujourd'hui nombre de ses toiles. Il est l'un des fondateurs du courant « réaliste », qu'illustrera par exemple au 20e siècle l'américain Edward Hopper.
Fortuné, il n'a pas besoin de vendre ses toiles pour vivre, si bien que ses descendants possèdent encore près de 70 % de ses œuvres. À sa mort, Martial et Auguste Renoir son exécuteur testamentaire, prennent les dispositions pour que l’État accepte le legs de ses tableaux impressionnistes.
Les historiens d'art qualifient volontiers cet artiste « d’original et audacieux ». Sa technique ne l'est pas moins assez proche de l'art photographique, mais, par de puissants effets de perspectives tronquées, les distances et les premiers plans sont écrasés et l'horizon absent, d'où la perception instable et plongeante (Caillebotte invente la vue en plongée dans la peinture). Les effets de vue plongeante s'imposent dans son art à travers les personnages au balcon et ses vues en surplomb des rues et des boulevards.
Dans ses natures mortes saisies souvent dans des cadrages et sous des angles inhabituels, il s'intéresse surtout à l'aspect préparé et alimentaire. Il affectionne les natures mortes à l'étalage dont il croque le plan sur les marchés, dans les restaurants, ou dans les boutiques et qu'il retravaille entièrement dans son atelier, car contrairement aux impressionnistes qui peignent en plein air, Caillebotte retravaille toutes ses esquisses à l'atelier.
Dans ses natures mortes saisies souvent dans des cadrages et sous des angles inhabituels, il s'intéresse surtout à l'aspect préparé et alimentaire. Il affectionne les natures mortes à l'étalage dont il croque le plan sur les marchés, dans les restaurants, ou dans les boutiques et qu'il retravaille entièrement dans son atelier, car contrairement aux impressionnistes qui peignent en plein air, Caillebotte retravaille toutes ses esquisses à l'atelier.
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