Jean-Baptiste-Siméon Chardin (1699-1779)
Une corbeille de prunes (1728)
The Phillips Collection, Washington
Que voit- on ? Sur un fond neutre et abstrait mais qui comporte deux plans distincts (un entablement et un mur de fond) : une corbeille en porcelaine ajourée contenant des prunes. Le rendu de la texture et des couleurs de ces prunes, la modernité de la touche tiennent du génie. Près de la corbeille, une aiguière en porcelaine à motifs floraux ; cet objet aurait pu être le sujet central du tableau si la vedette ne lui avait été définitivement volée par ces prunes aux coloris magiques. Le collectionneur Duncan Phillips qui acquit ce tableau en 1920 pour sa collection américaine (avant qu'elle ne devienne le musée que l'on connait aujourd'hui) le classa parmi " les plus extraordinaires peintures de Jean-Baptiste Siméon Chardin ". Il la qualifia de " treè personnelle et poétique, en dépit de sa volonté apparente de vouloir être réaliste et objective ". Quand Phillips publia en 1930 une brochure publicitaire pour le lancement de sa galerie sous l'intitulé " Un Musée d'Art Moderne et ses sources ", c'est ce tableau de Chardin qu'il choisit en couverture ; il positionnait ainsi, auprès du public américain, Chardin comme un précurseur de l'Art moderne et en tout cas de l'impressionnisme. Pour Phillips, il ne faisait aucun doute que Chardin était l'un des premiers peintres qui " s'exprima personnellement dans ses tableaux " et l'un des premiers qui " percevait ses sujets non pas comme des objets mais comme des compositions de couleurs pures, de lumière, anticipant la vision des impressionnistes ". La Philips Collection qui conserve cette Corbeille de prunes dans ses collections permanentes l' a exposée sans discontinuer en compagnie de peintures d'artistes comme Cézanne, Braque, Derain ou Bonnard avec la volonté affichée de tracer des parallèles au-delà des siècles entre Chardin et ces grands peintres du 20e siècle.
Rappel biographique : Célèbre pour ses scènes de genre et ses pastels, Chardin est aussi reconnu pour ses natures mortes dont il reste le maître incontesté. D'après les frères Goncourt, c'est Coypel qui en faisant appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, lui aurait donné le goût pour les natures mortes. Ces deux tableaux de réception à l'Académie Royale de peinture sont tous deux des natures mortes, La Raie et Le Buffet qui se trouvent aujourd'hui au Musée du Louvre. Chardin devient ainsi peintre académicien « dans le talent des animaux et des fruits », c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres alors reconnus. Et c'est sans aucun doute Chardin qui va lui donner ses lettres de noblesse et en faire un genre pictural égal, voire même supérieur à bien des égards, aux autres. Les natures mortes qu'il peindra plus tard (à partir de 1760) sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres... Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, ou aux effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi. On peut souvent parler d'impressionnisme avant la lettre.
2016 - A Still Life Collection
Un blog de Francis Rousseau, #AStillLifeCollection, #NaturesMortes
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