Marie Laurencin (1883-1956)
Nature morte au bol de fruits
Barnes Foundation, Philadelphia, USA
Que voit-on ? Posé sur une table en bois où traîne une amorce de drapé bleu, au milieu de trois formes esquissées : un bol rond, sans doute en bois ou terre cuite, contenant des fruits (poires ou prunes a l'envie à encore vertes. Palette presque monochrome et extrême douceur de ces coloris irréels enrobant des formes identifiables mais en même temps abstraites.
Rappel biographique : Marie Laurencin est une peintre française étroitement associée à la naissance de l'art moderne. Portraitiste, illustratrice et graveuse, elle fut également une épistolière et a composé des poèmes en vers libres, indissociables, dans le cours de son processus de création, de l'expression picturale des scènes fantasmatiques qu'elle représente.
Co-disciple de Braque, créature de Roché, muse d'Apollinaire, disciple de Matisse soutenue par Derain, amie de Picasso jusqu'à leur rupture et amante de Nicole Groult, Marie Laurencin a fait de son style un dépassement du fauvisme que du cubisme. Sa vie entière apparait comme une œuvre emblématique, tant du point de vue artistique que de la libération de la femme. Si sa gloire internationale de l'entre-deux-guerres a été ternie durant l'Occupation par ses mondanités déplacées et sa collaboration muette, sa vie comme sa peinture ont fasciné de nouveau, après une longue période de purgatoire. Très peu exposée en France, il faut attendre 2011 pour qu'une biographie explore sa part d'ombre et le printemps 2013 pour qu'une exposition parisienne la fasse redécouvrir au grand public. Antithèses des cauchemars de Goya, qui fut son seul idéal, ses aquarelles vives et glacis pastel répètent indéfiniment le mystère ambigu et hallucinant de « princesses » et de bêtes féeriques, de fleurs et d'adolescentes à la pâleur irréelle. En une réminiscence des fêtes galantes de Watteau, le trait fluide saisit l'instant extatique d'une pose dansante par leurs regards muets comme ceux d'un masque. Ses natures mortes, qui ne sont pas très nombreuses, sont toutes très fluides et pour certaines même presque diaphanes, entraînant les sujets qu’elle traite vers une abstraction douce assez étrange...
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